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Le NPD de Thomas Mulcair: de la frustration à la position de meneur

Le NPD de Thomas Mulcair: de la frustration à la position de meneur

La campagne électorale de 2015 est lancée et, pour la première fois de l’histoire du Canada,

trois chefs de parti d’importance ont une chance réelle de former un gouvernement.

Comment cette refonte du paysage politique s’est-elle donc passée?

Qu’y a-t-il derrière l’impressionnante ascension du NPD, et que cela signifie-t-il pour cette élection?

Althia Raj, chef de bureau du Huffington Post à Ottawa, se penche sur la situation.

* * *

Par une froide journée d’hiver, au milieu de janvier, Thomas Mulcair est retourné au Parlement avec un plan destiné à changer le destin du NPD. Pendant deux ans, Mulcair avait vu son parti de l’opposition officielle peiner dans les sondages d’opinion publique face aux libéraux, en troisième place. L’élection de Justin Trudeau à la tête des libéraux avait relancé ces derniers, et le NDP semblait empêtré dans les sondages.

La chute avait été dure. Les fusillades survenues à Ottawa le 20 octobre avaient sorti le NPD de son plan de match et rendu difficile pour le parti de faire passer son message. Au lieu de parler de leur programme de garderie d’enfants, Mulcair et le NPD faisaient face à des accusations de harcèlement sexuel lancées par deux de leurs députées contre des homologues libéraux. Des proches du NPD croyaient que la presse d’Ottawa considérait le parti hors du coup, jugeant que la campagne de 2015 serait une lutte à deux entre Trudeau et le chef conservateur Stephen Harper. Tout juste avant Noël, Mulcair et une équipe de proches conseillers conclurent que d’importants changements étaient nécessaires.

Mulcair allait se porter à l’attaque.

Le 15 janvier, le chef du NPD annonça à son caucus qu’il avait remplacé son chef de cabinet par un proche, Alain Gaul, son ancien chef alors qu’il se trouvait à l’Assemblée nationale du Québec. Gaul, un avocat de Montréal établi et présenté comme possédant un “jugement extrêmement bon”, était assuré de la confiance de Mulcair.

Une autre des personnes recrutées était l’architecte de la vague orange de 2011, Brad Lavigne, ancien conseiller et directeur national de campagne de Jack Layton. Le retour de Lavigne — qui avait quitté le bureau de Layton après le décès du dirigeant — signifiait que les vieilles blessures de la course à la direction étaient guéries. L’équipe de Mulcair s’est alors tournée vers d’autres piliers du parti tels que Robin Sears, Raymond Guardia et Brian Topp, ancien candidat à la direction.

“Pour que Tom soit une alternative à Harper, il fallait que davantage de gens le connaissent, qu’ils aient confiance en lui”, a affirmé Lavige au Huffington Post Canada.

Le NPD croyait être en mesure d’avoir le dessus au chapitre du leadership — plus précisément, Mulcair était le meilleur leader pour remplacer Harper. Ils ont établi une stratégie afin de dire aux gens pourquoi Harper devait être remplacé, puis ils ont établi une comparaison entre Mulcair et Trudeau favorable au premier.

“Être premier ministre n’est pas un emploi de débutant”, a déclaré le chef du NPD à son caucus en janvier, sous des applaudissements nourris. Plus tôt en septembre, Mulcair avait déjà fait cette déclaration accrocheuse — maintenant récupérée par les conservateurs dans leurs publicités dirigées contre Trudeau.

Lors des mois qui suivirent, cette flèche allait être lancée à maintes reprises. Mulcair a commencé à attaquer les conservateurs et les libéraux sur leur propre terrain, lors de rassemblements fort courus dans des circonscriptions tenues par des opposants. Cela a eu pour effet de donner un regain de vie aux troupes du NPD, en plus de montrer aux autres que le parti avait le vent dans les voiles. Mulcair s’est tourné vers les médias régionaux, donnant chaque jour une poignée d’entrevues à la radio. Le discours du parti est devenu plus constant.

Les histoires au sujet de l’éducation de classe moyenne de Mulcair, deuxième enfant d’une famille de 10, ont été répétées à l’excès. Il a raconté de quelle façon il lui avait fallu travailler afin de pouvoir payer ses études. Il a parlé de ses 25 années au sein de la fonction publique. Il a parlé de la classe moyenne, de son intention de créer un million de places à 15 $ par jour dans des garderies d’enfants, et de son projet d’un salaire minimum fédéral de 15 $ l’heure. ll a parlé des échecs de Harper. Il s’est déplacé abondamment. Il a souri. Beaucoup.

Le parti a également cherché à améliorer son image en matière d’économie — son point faible habituel. Ses conseillers voulaient s’assurer que Mulcair représentait un choix sûr pour les Canadiens ayant soif de changement.

Ils savaient que Harper jugerait risqué un tel changement. De sorte que Mulcair s’est mis à soumettre des arguments convaincants en faveur d’un changement, afin de montrer que le statu quo était chose impensable, et de démontrer qu’il constituerait une alternative acceptable, quelqu’un avec un bon programme et l’expérience pour le mettre à exécution.

“Dans cette campagne électorale, Tom est le seul dirigeant qui peut offrir cela”, a indiqué Lavigne.

Mulcair a fait la tournée des chambres de commerce et il a pris la parole lors de déjeuners d’affaires. Il a cherché à rassurer en disant qu’il n’était pas un socialiste radical. Il avait finalement renoncé à l’idée d’accroître l’impôt personnel — qualifiant de “confiscation” les taux d’imposition sur le revenu de plus de 50 %.

Il a promis de conserver la populaire prestation universelle pour la garde d’enfants (PUGE) des conservateurs, bien qu’il ait fait la promesse d’éliminer le fractionnement du revenu. Il s’est engagé auprès des chambres de commerce à prolonger une incitation fiscale à l’intention des fabricants, et à mettre en place un crédit d’impôt pour stimuler les investissements dans la machinerie et l’équipement. Il proposait en outre de faire passer de 11 % à 9 % le taux d’imposition des petites entreprises — Harper a emprunté cette réduction fiscale dans son budget de 2015, donnant une crédibilité additionnelle à la proposition du NPD.

Souvent, Mulcair n’a pas précisé qu’il songeait à accroître l’impôt sur le revenu des sociétés pour le ramener à ses niveaux d’avant Harper — environ 22 % — ou à éliminer l’échappatoire fiscale de 750 millions $ sur les options sur titres. Il a cependant fait valoir qu’il n’était pas opposé au commerce, faisant remarquer que sous sa direction, le NPD avait soutenu deux ententes de libre-échange avec la Corée et la Jordanie.

Il restait à voir si le nouveau discours de Mulcair prenait, lorsque deux autres événements sont survenus.

C-51 et les élections en Alberta

Les stratèges du NPD identifient deux facteurs qui, croient-ils, ont contribué à catapulter le parti en avant des libéraux et nez à nez avec les conservateurs dans les sondages: le soutien de Trudeau au projet de loi antiterroriste — C-51 —et les élections albertaines.

Le projet de loi C-51 a été un cadeau qui a permis au NPD de critiquer à répétition le leadership de Trudeau — qu’il était cynique, sans principe et faible — critiques que le parti cherchait à formuler sans en avoir jusque-là eu l’occasion.

“Le C-51 est devenu une question de leadership autant qu’il en était une de libertés civiles”, a affirmé Lavigne. “Mulcair s’est opposé au projet de loi parce qu’il comptait des failles, en dépit de sa popularité initiale. Trudeau (soutenait) le projet de loi parce qu’il était populaire, en dépit de ses failles.”

Trudeau ne s’est pas rendu service en affirmant à une foule rassemblée à l’Université de la Colombie-Britannique que sa prise de position aurait peut-être été différente si 2015 n’avait pas été une année électorale.

“Tom est un leader qui non seulement sait ce qu’il pense, mais qui a le courage d’agir selon ses convictions, et il n’y a pas de meilleur exemple de cela que le leadership qu’il a démontré au sujet du projet de loi C-51”, a observé le mois dernier Alex Wilson, candidat du NPD dans la circonscription de Scarborough-Centre, lors d’un rassemblement à Scarborough, en Ontario.

“C’est un manque de leadership de dire que vous vous opposez au projet de loi C-51 puis de l’appuyer, uniquement parce que vous craignez que Harper vous critique pour cela”, a ajouté Mary Fowler, candidate du NPD dans Oshawa.

Les libéraux avancent que la position qu’ils occupent dans les sondages laisse croire que les attaques du NPD n’a pas fait changer d’avis beaucoup d’électeurs. Mais Mulcair n’en a pas moins eu l’occasion de mettre dans le même panier libéraux et conservateurs. Les sondages d’opinion publique montrent que le soutien au projet de loi C-51 a chuté en avril, des mois avant la campagne publicitaire des conservateurs ou la forte montée du NPD dans les sondages.

Le NPD a passé davantage de temps à s’en prendre à Trudeau sur la question du C-51 que le gouvernement qui a déposé le projet de loi, font-ils remarquer.

Le directeur national du Parti libéral, Jeremy Broadhurst, a indiqué que les libéraux s’étaient comportés de façon responsable, atteignant le juste milieu entre protection de la sécurité des Canadiens et protection de leurs droits civils.

“Nous avons choisi d’appuyer le projet de loi en nous engageant clairement et fermement à régler les problèmes par la suite, au lieu de choisir la voie facile en nous disant contre tout”, a-t-il dit au HuffPost. “Il est souvent facile de lancer une grenade et de s’opposer aux choses, mais qu’allez-vous faire une fois au gouvernement?”

Le deuxième facteur ayant contribué à la poussée du NPD fédéral fut la victoire surprise du NPD provincial en Alberta.

“Cela a démontré aux électeurs favorables au NPD que le NPD pouvait l’emporter n’importe où”, a indiqué Lavigne. “Si vous vivez dans une circonscription ou un député du NPD n’est pas habituellement élu, disons Fredericton ou Kingston, vous pouvez maintenant vous dire que si le NPD peut renverser une dynastie conservatrice de 44 ans en Alberta, il peut gagner ici aussi.”

Geoffrey Chambers, ami proche et conseiller de Mulcair, a parlé d’un “événement cathartique” ayant accéléré le jeu. Le NPD n’a pas réussi la percée à laquelle il s’attendait en Colombie-Britannique en 2003, et il avait aussi obtenu de mauvais résultats électoraux en Nouvelle-Écosse, a-t-il rappelé.

“Tous ne croyaient donc pas que le que le NPD puisse compter une administration provinciale à succès au pays”, a-t-il dit. “Mais cela a maintenant été démontré de façon éclatante à un moment très utile pour nous. D’autant plus qu’il s’agit d’une énorme victoire nulle part ailleurs qu’en Alberta.”

“On n’oserait à peine écrire une telle chose dans un roman, mais dans la vie réelle, voilà”, a-t-il ajouté.

Selon Bruce Carson, ancien conseiller de Harper, Mulcair a soigneusement bâti sa réputation de dirigeant solide et capable, d’abord avec son style de procureur de la justice à la Chambre des communes, puis avec ses annonces politiques. De sorte que lorsque l’Alberta a rendu possible d’envisager d’autres options, “il en a récolté les bénéfices”.

Broadhurst, le libéral, a sans surprise refusé de voir dans la victoire de Rachel Notley un événement d’importance pour Mulcair. Ce que cela démontre, a-t-il dit, est qu’aucun siège n’est acquis, les conservateurs peuvent être défaits n’importe où et n’importe qui peut l’emporter.

“Beaucoup de gens parlent du C-51, mais je n’en crois rien”, a indiqué au HuffPost le sondeur Quito Maggi, de Mainstreet, au sujet des facteurs expliquant la glissade des libéraux dans les sondages. “Je crois vraiment qu’il s’agit des publicités offensives.”

Dans le cadre d’un sondage qu’il a mené, la plupart des gens ayant vu à maintes reprises la publicité “Tout simplement pas prêt” des conservateurs — peut-être si souvent qu’ils ne pouvaient pas préciser le nombre de fois — ont accordé le soutien le plus fort au Parti conservateur, soit 46 %, a-t-il fait remarquer.

“La chute des libéraux est 100 % liée aux publicités offensives et à l’impact que cela a eu sur l’opinion qu’ont les gens de Justin Trudeau”, a indiqué Maggi.

La glissade de Trudeau dans les sondages a fait de Mulcair l’alternative par défaut à Harper, a-t-il ajouté. Mais lorsque vous vous penchez sur le soutien accordé au NPD, vous constatez qu’il est faible, de nombreux électeurs apparemment favorables au NPD étant ouverts à la possibilité de changer de camp, selon Maggi.

“Pas mal de gens ne veulent pas voter pour les conservateurs, et maintenant que les publicités leur ont dit que Justin n’était tout simplement pas prêt, quelle est la troisième option par défaut? C’est le NPD”, a-t-il dit.

“Ce n’est pas pour diminuer le NPD ou Tom Mulcair, mais je crois qu’il s’agit d’un vote garé”, a-t-il ajouté. “Cela ne veut pas dire que ça ne bougera pas. Il est tout simplement garé. Et il pourrait se consolider.”

Aux yeux des répondants, Mulcair n’était pas trop loin de Harper comme leader le plus en mesure de gérer l’économie, a observé Maggi. Plusieurs libéraux ont reconnu en privé que les publicités conservatrices avaient fait mal.

“La stratégie (du NPD) est de se tenir à l’écart pendant que les conservateurs nous explosent la tête afin d’être les derniers à tenir debout”, a affirmé un libéral.

Broadhurst, directeur national des libéraux, a tenu des propos plus mesurés. La publicité est partout, mais elle ne causera pas de dégâts permanents, a-t-il estimé.

“Le prix payé pour la publicité était énorme, alors même si vous ne portiez pas attention à la politique, il aurait été difficile de la rater ces derniers temps si vous possédiez un téléviseur.” a dit Broadhurst. “Heureusement, nous avons le temps de corriger cela.”

Sans l’argent nécessaire pour riposter en juin, les libéraux dépensent maintenant d’importantes sommes pour atténuer la portée du message. Ils doivent lancer cette semaine à la télévision des publicités montrant un Trudeau confiant, expliquant pourquoi il se croit prêt à diriger.

Yaroslav Baran, un important conseiller en matière de communications lors de trois campagnes électorales conservatrices, a affirmé au HuffPost que la publicité conservatrice dirigée contre Trudeau obtenait pas mal de succès parce qu’elle reposait sur une opinion qu’ont déjà les électeurs au sujet de Trudeau.

“C’est respecteux, ça ne l’agresse pas”, a jugé Baran, “Mais ça touche la question de l’expérience… la faiblesse de M. Trudeau.”

Tim Powers, associé directeur au sein de la firme de sondage Abacus Data et fréquent observateur politique, a estimé que les publicités avaient contribué à donner de Trudeau l’image de quelqu’un à qui il manque quelque chose, comparativement à Mulcair.

“Cela a contribué à faire reculer les libéraux”, a-t-il constaté. “Le défi consiste également à ne pas trop l’assommer.”

Carson se dit d’accord. La stratégie des conservateurs vise à diviser le vote entre les partis néo-démocrate et libéral, mais les publicités ont peut-être trop aidé la cause du NPD — donnant lieu à un face-à-face avec le dirigeant conservateur.

“Je sais que le premier ministre souhaite décimer le parti libéral. Mais vous ne voulez pas décimer le parti libéral à votre propre désavantage”, a-t-il dit.

“Si vous devez diviser le vote pour l’emporter, vous devez vous assurer que les deux partis se retrouvent presque à égalité une fois cette division survenue”, a-t-il ajouté. “Je crois qu’ils pensent pouvoir gagner une bataille contre le NPD, mais je ne suis pas certain qu’ils aient raison.”

Carson estime que la première erreur des libéraux a été de mésestimer l’importance de la politique publique. Pendant plus d’un an, Trudeau n’a rien proposé de précis, se disant à l’écoute des Canadiens. Il a dit vouloir investir dans l’éducation et les infrastructures. Il a ensuite dit projeter de légaliser et réglementer la marijuana. Pendant que Mulcair faisait l’annonce de politiques précises, incluant un programme national de garderies, Trudeau demeurait sur les lignes de côté.

“Je crois qu’il a fait le mauvais calcul de croire qu’il n’avait pas besoin de politiques pour appuyer l’espoir de changement. Je crois qu’il l’a fait. Et je crois qu’un contraste est apparu entre lui et les deux autres leaders.”

En outre, il y a eu les gaffes auxquelles on a maintes fois fait allusion: un commentaire incroyable au sujet des chasseurs phalliques CF-18 que Harper souhaitait envoyer bombarder l’EI, des blagues au sujet de l’efficacité dictatoriale chinoise et de l’agression de la Russie contre l’Ukraine. Au niveau interne, l’annonce publique imprévue de Trudeau selon laquelle seuls les candidats pro-choix étaient les bienvenus au sein de son parti a également causé des maux de tête. Certaines nominations ont en outre tourné au vinaigre et ont donné lieu à des poursuites. Le refus de Trudeau de soutenir la campagne militaire contre l’EI a aussi déplu à certains au sein de sa formation. Enfin, à l’instar du NPD, les libéraux n’ont pu parler d’économie comme ils le souhaitaient à cause de la fusillade du 20 octobre sur la Colline du Parlement, puis des plaintes de harcèlement sexuel portées le mois suivant contre deux députés libéraux.

En février, Trudeau a connu un meilleur départ, ayant reçu des réactions positives de ceux présents au Petroleum Club, à Calgary, à cause de son approche face aux gaz à effet se serre et à l’innovation provinciale. Il s’est ensuite rendu à Ottawa pour annoncer qu’il accueillait chez les libéraux la bête noire des conservateurs, Eve Adams, de même que son fiancé, Dimitri Soudas. Trudeau, qui avait promis de faire de la politique de façon différente, a alors dit de très belles choses au sujet d’une femme vue par la plupart comme une prima donna et un problème conservateur.

En mars, Trudeau a prononcé un discours lors d’un événement de l’Université McGill à Toronto, lors duquel il s’en est pris à Harper pour s’être engagé dans des politiques de division, et il a accusé le parti d’alimenter la crainte des musulmans. Il a promis qu’à titre de premier ministre, il ne pousserait pas les Canadiens les uns contre les autres, s’engageant plutôt à travailler afin de les unir.

Au début du mois de mai, après avoir dit qu’il attendrait pour annoncer des politiques précises, Trudeau a dévoilé un important volet de son programme économique: l’Allocation canadienne aux enfants et des modifications à l’impôt sur le revenu.

Le programme de Trudeau afin de “redonner à la classe moyenne” vise à remplacer la prestation universelle pour la garde d’enfants (PUGE) par un programme plus progressif et généreux de paiements pour les familles gagnant moins de 200 000 $. Le dirigeant libéral entend également réduire les impôts des membres de la classe moyenne et augmenter ceux des Canadiens qui gagnent plus de 200 000 $, présentés comme 1 % de la population. Ces mesures, a affirmé Trudeau, permettraient de tirer de la pauvreté plus de 300 000 enfants.

Les libéraux ont tourné une publicité afin de promouvoir leur programme et pendant un bref moment, ils l’ont diffusée à la télévision. Trois semaines après l’annonce, l’offensive publicitaire des conservateurs contre Trudeau débutait.

Soudainement en troisième place, les libéraux ont annoncé une série de changements audacieux qui pourraient modifier la façon dont fonctionne Ottawa. Un libéral proche du camp Trudeau a laissé entendre que le caucus n’aurait jamais soutenu de telles mesures si le parti avait été confortablement installé en première place.

Le programme en 32 points de Trudeau a été présenté sous le titre “Changer pour mieux”. Les mesures — incluant des votes libres pour tous les députés libéraux sur presque tous les projets de loi, des modifications au système électoral, le retour du service de livraison du courrier à domicile et l’interdiction des publicités gouvernementales partisanes — seraient difficiles à mettre en place. Il s’agit également d’un immense programme, difficile à expliquer. Un stratège néo-démocrate a d’ailleurs lancé à la blague que personne n’y avait compris quoi que ce soit.

Peut-être. Mais les libéraux jugent qu’il a montré que Trudeau était sérieux lorsqu’il parlait de changements. Mulcair procure peut-être de meilleurs clips sonores, mais ses politiques sont inapplicables et fourbes aux yeux des électeurs qui travaillent dur, ont-ils laissé entendre. En contrepartie, Trudeau propose aux Canadiens des changements réels et faisables, qui mettraient de l’argent dans leurs poches, protégeraient l’environnement, préserveraient les prestations de retraite et relanceraient l’économie.

Dimanche, Trudeau a déclaré que la campagne électorale portait sur le changement. Et si les gens veulent du changement, a-t-il laissé entendre, c’est parce que l’économie ne fonctionne pas pour eux.

“Les Canadiens veulent du changement. Ils veulent du vrai changement”, a-t-il déclaré lors du lancement de sa campagne à Vancouver. “Le programme de Stephen Harper n’a pas réussi à notre pays.” Les Canadiens travaillent plus durement et reculent davantage, a-t-il ajouté.

Mais peut-il les convaincre que Harper est vraiment à blâmer? Peut-il les convaincre qu’il est celui qui puisse redresser la barre?

“Les conservateurs croient qu’on fait croître l’économie en rendant plus riches les gens riches”, a-t-il dit.

“Et le programme de M. Mulcair n’est qu’un mirage”, a-t-il par la suite ajouté.

“Cette élection n’a rien à voir avec les sondages, elle n’a rien à voir avec les tactiques politiques. Elle porte sur l’avenir de gens qui travaillent dur chaque jour afin d’élever leurs enfants et de bâtir leurs collectivités”, a-t-il affirmé.

“Je crois que le premier ministre a trois emplois importants: garder le pays uni, garder les Canadiens en sécurité et donner à chacun, la population canadienne, une chance réelle et juste de réussir.”

Trudeau passe peut-être maintenant pour le négligé — une position qu’il apprécie et l’une dans laquelle il lui arrive souvent de briller. Quelques points de pourcentage pourraient changer la dynamique de la course.

Broadhurst, directeur national des libéraux, a dit croire que les conservateurs savaient que Trudeau représentait la plus importante menace à leur maintien au pouvoir. Des sièges que les conservateurs se doivent de conserver appartiennent habituellement aux libéraux, ont d’ailleurs reconnu des sources conservatrices.

“Il n’est pas uniquement l’autre face de la pièce Harper. Il n’est pas qu’un autre politicien de carrière (comme Mulcair) qui fait de la politique de la même façon, avec de la publicité négative”, a affirmé Broadhurst. Trudeau représente le changement, a-t-il dit.

Les sondages ne veulent rien dire, a ajouté Broadhurst.

“Allez demander aux premiers ministres Dix et Hudak combien sont importants les sondages à quelques mois d’une campagne électorale”, a-t-il poursuivi à la blague. L’ancien chef du NPD en Colombie-Britannique, Adrian Dix, et l’ex-dirigeant conservateur de l’Ontario, Tim Hudak, survolaient les sondages et s’attendaient à l'emporter avant de subir d’écrasantes défaites électorales.

“Cette carte bouge tellement en ce moment que je crois qu’il y a en jeu pour tous les partis des secteurs auxquels les gens ne penseraient habituellement pas”, a-t-il ajouté.

Après neuf ans et demi de gouvernement conservateur, les gens sont prêts à passer à autre chose, a estimé Broadhurst.

“Les gens tâtent le terrain”, a-t-il dit. Nous n’avions vraiment pas prévu ça, je ne crois pas que quiconque pensait que ce serait du gâteau.”

“Nous avons le sentiment de proposer un programme qui va retenir l’attention des gens, et nous pensons que le NPD n’a pas vraiment de programme à proposer”, a dit Broadhurst. “Cette campagne aura de l’importance.”

Le plan de match des conservateurs consistait à faire peur aux électeurs avec des publicités laissant entendre que Trudeau n’était pas prêt à gouverner — comme ils l’avaient fait avec succès face aux anciens dirigeants libéraux Stéphane Dion et Michael Ignatieff. Les conservateurs comptaient ensuite dire aux électeurs souhaitant du changement que Mulcair serait un pari pire que quelques années supplémentaires de Harper.

“Une élection nationale n’est pas un concours de popularité”, a affirmé Harper à des journalistes réunis à l’extérieur de Rideau Hall, dimanche matin, alors qu’il faisait l’annonce de la campagne de 11 semaines. C’est un “choix sérieux”. “C’est une élection au sujet de celui qui protégera notre économie dans une période d’instabilité mondiale continue et qui assurera la prospérité future du Canada, et c’est une élection au sujet de celui qui est le mieux équipé pour prendre les décisions difficiles afin de garder sûr notre pays”, a dit Harper.

Mais avec Mulcair juché si haut dans les sondages, et les conservateurs qui dépendent tellement de la division des voix dans des secteurs riches en votes comme la région du Grand Toronto, il est possible que les conservateurs aient réorienté le tir pour une guerre à deux fronts avec Mulcair et Trudeau plus tôt que prévu.

Nous ne pouvons pas laisser tous les électeurs qui veulent du changement se tourner vers un groupe, nous avons besoin que les deux partis se battent, a affirmé un conseiller conservateur au HuffPost.

Harper a aussi retenu des élections de 2011 — alors que l’ancien dirigeant néo-démocrate Jack Layton a fait un bond dans les sondages vers la fin de la campagne — que les conservateurs ne devraient pas trop attendre avant d’attaquer le NPD.

“Le moment est mal choisi pour le genre de combines économiques qui font tant de dégâts ailleurs dans le monde”, a affirmé Harper dimanche. “Le moment est certainement mal choisi pour des impôts plus élevés, des dépenses imprudentes et des déficits permanents. C’est le moment de maintenir le cap. C’est le moment de nous en tenir à notre progamme.”

Harper n’a pas mentionné que le Canada se portait beaucoup moins bien que les États-Unis, ni que plusieurs analystes croyaient que le pays se trouve déjà en récession. Il n’a pas mentionné que le directeur parlementaire du budget prévoyait maintenant que le budget printanier équilibré de Harper était un budget déficitaire.

Au lieu de cela, Harper a insisté sur l’instabilité de l’économie mondiale, la crise de la dette en Europe et le ralentissement économique en Chine.

Bien que les sondages laissent l’un après l’autre transparaître un grand appétit pour le changement — quelque chose autour de 70 % — le sondeur Maggi a indiqué que l’économie constituait également la priorité de la population.

“Tout le monde parle maintenant de récession”, a-t-il dit. “Les gens regardent le vote grec, le marché boursier chinois, et je pense que quand les gens voient ça, ils prennent peur.

“Toutes ces choses prises ensemble — la Banque du Canada qui réduit les taux d’intérêt, les discussions au sujet de déficits budgétaires — repoussent les gens vers la sécurité. Et le gouvernement conservateur représente en ce moment le pari sûr.”

“Le changement est très bien, mais il peut aussi faire peur”, a-t-il dit. “Si nous nous dirigeons vers une autre période difficile, il vaut mieux être en sécurité que de courir un risque.”

Si tout cela semble familier, c’est parce que ce l’est. La stratégie électorale des conservateurs en 2011 consistait également à faire valoir un solide leadership économique en période d’incertitude économique et à faire peur à des électeurs moyens afin qu’ils votent pour les conservateurs — plutôt que de risquer de se retrouver avec un gouvernement néo-démocrate dépensier.

Les proches de Harper, qui se sont tous exprimés sous le couvert de l’anonymat, croient que les Canadiens ne jugeront pas le premier ministre responsable d’événements mondiaux extérieurs au pays, de la chute des cours du pétrole ou du ralentissement de l’économie. Si Statistique Canada annonce le 1er septembre que l’économie s’est contractée pour un deuxième trimestre de suite, et que le pays se retrouve techniquement en récession, les conservateurs pourraient tirer profit de la situation en faisant valoir que le moment est mal choisi pour courir un risque.

Si la campagne électorale vise à établir qui est le plus en mesure de gérer l’économie, les conservateurs croient pouvoir gagner.

“Si vous vous présentez comme étant le meilleur parti en ce qui a trait à la question la plus importante, vous gagnez par défaut”, a affirmé Baran, ancien stratège conservateur.

Baran croit également qu’un PIB négatif serait noyé parmi d’autres données économiques, comme de bons chiffres sur l’emploi et des prévisions de croissance.

“Vers qui voulez-vous aller? Le gars qui n’est pas prêt? Le gars qui représente un risque? Ou le gars qui a déjà fait le travail? Voilà les questions qui s’en viennent”, a affirmé Powers au HuffPost, la semaine dernière.

Cette semaine, le parti a dévoilé une publicité formulant la question exactement de cette façon.

“Le mauvais chef pourrait vous causer du tort”, affirme une voix sombre. “Justin croit que les budgets s’équilibrent d’eux-mêmes.” Et au sujet de Thomas Mulcair? “Lui et le NPD ruineraient votre économie.”

“Les conservateurs veulent que les questions sur le bulletin de vote portent — presque une répétition de 2011 — sur un leadership capable en période d’incertitude. L’homme avec un plan”, a observé Powers.

Si cela a fonctionné en 2011, qui peut affirmer que cela ne fonctionnera pas encore?

Chambers, proche et conseiller de Harper, croit que ce ne sera pas parce que les conservateurs arrivent au terme de leur espérance de vie de gouvernement, après neuf années au pouvoir.

“Je crois qu’ils ont fait peur à une grande partie de la population parce qu’ils sont très fidèles à leur programme d’extrême droite”, a-t-il dit.

Les électeurs pragmatistes qui ont donné à Harper sa majorité ne retourneront pas vers lui s’ils se voient offrir une alternative crédible, a-t-il ajouté. Voilà sur quoi se concentre le NPD, faisant paraître Mulcair et le parti prêts à gouverner. Responsables. Fiables. Sûrs.

“Fondamentalement, je ne crois pas qu’on puisse regarder Tom Mulcair et penser qu’il soit un gars sauvage et fou”, a affirmé Chambers.

Les libéraux, d’un autre côté, croient que le défi consiste à faire porter à Harper la responsabilité du ralentissement économique.

“Lorsque le plan ne fonctionne pas, s’en tenir au statu quo représente un risque réel”, a indiqué une source libérale au HuffPost. “Et si nous savons quelque chose au sujet de Harper, c’est qu’il ne changera jamais. Jamais.”

Si les libéraux parviennent à faire valoir ce point, ils pourraient avoir une chance de l'emporter.

“Nous en sommes là parce que nous avons eu un programme économique qui pendant 10 ans reposait sur la prémisse que vous faites croître l’économie en donnant davantage aux gens riches. Et nous croyons qu’on fait croître l’économie en consolidant la classe moyenne”, a indiqué le libéral.

Le NPD compte également attaquer les conservateurs sur ce front.

“De tous les premiers ministres depuis 1960, M. Harper a le pire dossier en matière de croissance économique”, a déclaré Mulcair dimanche au moment de lancer sa campagne, à Gatineau. L’économie du Canada a reculé lors des cinq derniers mois, a-t-il ajouté. Plusieurs croient que le pays se trouve déjà en récession.

“De toute évidence M. Harper, votre programme ne fonctionne pas”, a lancé Mulcair.

Alors, le discours des libéraux aidera-t-il le NPD? Ou est-ce celui du NPD qui aidera les libéraux?

Trop tôt pour le dire.

Les conservateurs demeurent plus près de la victoire que n’importe lequel de leurs opposants.

Carson, ancien conseiller de Harper, a laissé entendre que les conservateurs pourraient se retrouver avec une autre majorité en autant que les autres partis ne cèdent pas à la tentation d’une coalition comme en 2011.

“Si le vote n’est pas divisé et qu’on se retrouve avec une vague Mulcair, ils sont en difficulté. Mais c’est trop tôt”, a-t-il dit.

Le NPD, selon Carson et la plupart des observateurs politiques auxquels a parlé le HuffPost, a face à lui la deuxième voie la plus facile à emprunter. Il devra conserver ses sièges au Québec — chose qui a préoccupé Mulcair et à laquelle le parti a consacré d’importantes ressources depuis la percée victorieuse de 2011. Il existe aussi un potentiel de croissance en Ontario, où les néo-démocrates profitent d’un certain soutien, de même qu’en Colombie-Britannique, où le parti devance les conservateurs dans les sondages.

La tâche s’annonce plus difficile pour les libéraux.

“Les libéraux ont un sérieux problème sur les bras. Il n’y a pas tant de sièges au Canada atlantique. Ils sont forts au Québec et en Ontario”, a-t-il dit. “Mais au-delà de ça, il est difficile de voir où les libéraux pourraient remporter plus de sièges.” Il y en a une poignée en Colombie-Britannique et dans l'Ouest urbain, comme à Calgary, Edmonton et Winnipeg.

Le paysage pourrait toutefois changer. Maggi, le sondeur, fait remarquer que parmi les partisans déclarés libéraux et néo-démocrates, près de 60 % se disent ouverts à la possibilité de voter pour l’autre parti.

Les conservateurs ne croient pas Trudeau battu. Et le public ne devrait également pas le croire hors du coup.

“Je crois que n’importe qui peut revenir de l’arrière”, a affirmé Adam Taylor, ancien membre de l’équipe conservatrice, cette fois bénévole pour la formation.

Mais jusqu’à présent, Mulcair semble être le candidat du changement — la personne vers laquelle les électeurs pourraient se tourner s’ils cherchent à se débarrasser des conservateurs.

Cela comporte certains défis.

“Son problème consiste maintenant à identifier le genre de campagne à mener”, a indiqué Carson. Une campagne de meneur, sûre et conçue afin de ne pas perdre, ou une campagne conçue afin de gagner?

“ll n’est pas si loin derrière, il devra faire attention à ce qu’il fait.”

S’il devait travailler pour Mulcair, Carson affirme qu’il se préoccuperait de savoir si les politiques du parti pourraient tenir le coup face à un coup d’oeil de près.

“Par exemple, sa politique en matière de garderies n’a aucun sens. Elle repose sur la nécessité pour les provinces d’en payer une bonne partie, et faire face à la question des garderies à la grandeur du pays représente une grande proposition théorique.

“Toutefois, sa mise en place constituera un cauchemar car les provinces n’ont pas d’argent”, a-t-il dit.

“Il ne semble pas que Notley va accepter, et il ne semble pas que le Manitoba accepterait immédiatement — et ce sont des provinces néo-démocrates.”

Carson a également dit croire qu’en raison du ralentissement économique, le NPD pourrait avoir de la difficulté avec sa promesse d’un salaire minimum de 15 $ l’heure et son projet de hausse substantielle de l’impôt sur les sociétés.

Taylor se dit d’accord. Il a déjà travaillé pour le ministre du Commerce international, Ed Fast, et passe maintenant ses journées chez Ensight, une société de relations gouvernementales.

“Si vous êtes une personne d’affaires qui se préoccupe de compétitivité avec les États-Unis, les Européens ou les Japonais, sa politique d’impôts sur les sociétés et les entreprises est préoccupante”, a-t-il dit.

Une fois que l’attention sera portée sur les politiques du NPD, elle mettra en lumière la vulnérabilité du parti en tant qu’éventuel gouvernement, a dit croire Taylor.

“Ce sont des gens qui sont incapables de dire clairement s’ils appuient le libre-échange avec l’Europe”, a-t-il dit.

“Ce sont de gens qui demeurent à ce jour incapables de dire s’ils appuient l’Accord de libre-échange nord-américain. Ils ont soutenu une petite entente avec la Jordanie, ils ont soutenu une entente avec la Corée, nous ignorons ce qu’ils pensent du Partenariat transatlantique, et ils s’opposent généralement à 95 % des accords de libre-échange signés par le Canada. Pour un pays dont un emploi sur cinq est lié aux exportations, le NPD est donc une option qui fait peur.”

Maintenant en tête, Mulcair fait face aux attaques des conservateurs, des libéraux et du Bloc québécois.

Le Bloc québécois cherche à présenter Mulcair comme un hypocrite qui dit une chose au Canada anglais et une autre au Québec francophone. Les meilleures flèches lancées par Gilles Duceppe ont jusqu’à présent visé la politique changeante de Mulcair quant au pipeline Énergie Est — pierre angulaire de la politique énergétique du NPD au Canada anglais, mais un motif de préoccupation au Québec, où la canalisation est impopulaire.

Il ne s’agit pas du seul exemple. Mulcair a également déclaré, en français, à la veille de l’anniversaire de la tuerie de l’École polytechnique de Montréal, qu’il ramènerait le registre des armes à feu. Par la suite — poussé par ses députés ruraux — Mulcair a dit en anglais que le NPD n’avait pas de tel projet.

Les libéraux veulent présenter Mulcair comme faible sur la question de l’unité nationale et le NPD comme cynique et fourbe en faisant valoir que les propositions du parti n’aideront pas les gens qui croient qu’ils en tireront profit.

“Le NPD va parler de son projet afin d’accroître le salaire minimum, et pourtant, il ne vous dira pas que son projet n’aidera pas 99 % des gens qui gagnent le salaire minimum dans ce pays”, a affirmé Trudeau dimanche. Cela n’aidera pas les serveurs, les réceptionnistes d’hôtel, les préposés de garage ou les caissiers, a-t-il dit. “Le projet de Tom Mulcair ne leur donnera pas un cent de plus parce qu’il concerne seulement les gens sous la réglementation fédérale… ll donne de faux espoirs aux gens qui travaillent dur.”

Selon Trudeau, “l’autre réponse à tout du NPD est de faire payer plus d’impôts à l’entreprise pour laquelle vous travaillez. Cela signifie moins d’emplois et moins d’investissement, tout ça pendant que notre économie est en perte de vitesse. Le NPD freinerait l’économie au pire moment possible.

“Le NPD va parler de venir en aide à la classe moyenne, mais il ne va pas augmenter les impôts des Canadiens les plus riches, et M. Mulcair ne va pas réduire les impôts de la classe moyenne.”

Avant le début de la campagne, Trudeau s’en prenait à Mulcair pour la Déclaration de Sherbrooke du NPD, un document affirmant que le NPD négocierait avec les souverainistes québécois s’ils remportaient un référendum avec un résultat de 50 % plus une voix. Les libéraux de Trudeau sont des défenseurs inébranlables de la Loi sur la clarté référendaire, qui stipule que la Chambre des communes déterminera ce qui constituera une majorité. Ils — de même que de nombreux conservateurs — croient que Mulcair rendrait plus facile une scission du pays.

Les gens de Mulcair s’attendaient à une offensive. Ils savent qu’ils sont vulnérables à ce chapitre, en particulier avec plusieurs députés du NPD au Québec qui ont déjà soutenu ou versé des fonds à des partis et candidats souverainistes. Dans son autobiographie, “Le Courage de ses convictions”, Mulcair dit croire que 50 % plus une voix soit nécessaire pour dire aux Québécois qu’un autre référendum — avec une question claire — voudrait vraiment dire la séparation du pays. Ce ne serait pas un vote pour envoyer un message à Ottawa, comme le référendum de 1995 était vu.

50 % plus une voix est également la chose démocratique à faire, a écrit Mulcair. Insister au hasard sur une marge de 60 à 65 % — seulement en cas de victoire du Oui — serait “non seulement irréaliste et malhonnête, mais manifestement injuste et irrespectueux des droits démocratiques de la population”, a-t-il dit. “Vous ne pouvez pas respecter le processus démocratique que lorsqu’il vous convient.”

En même temps, cependant, Chambers, le conseiller de Mulcair, a affirmé que le camp du Non savait que celui du Oui avait triché. Dans son livre, Mulcair parle de la façon dont 5426 bulletins de vote ont été rejetés par des agents électoraux du gouvernement dans sa circonscription de Chomedey, fortement multiculturelle et fédéraliste.

Lorsque questionné à ce sujet. Chambers a affirmé que la stratégie du NPD en matière d’unité nationale était de “tenter de soigner les blessures”. Le NPD souhaite être une force unificatrice montrant aux Québécois qu’ils peuvent prospérer au sein d’un Canada uni. Le fait de compter un important nombre de députés du Québec renforce cela, a-t-il dit.

“Il n’y a pas d’autre raison de soulever cette question lors de la campagne, si ce n’est l’avantage tactique que les libéraux pensent pouvoir tirer dans le Sud de l’Ontario en nous traitant de Bonhommes Sept-Heures. Ça ne peut tout simplement pas fonctionner.”

Un autre conseiller de Mulcair a qualifié de “dangereuse” pour l’unité nationale la stratégie des libéraux.

Du côté conservateur, les militants attendent que Mulcair les attaque sur les questions de l’éthique et de la responsabilité.

En ligne, le NPD s’en est pris à Harper pour ses 59 nominations au Sénat, incluant celles de Mike Duffy, Pamela Wallin et Brazeau, sans compter les nombreuses infractions électorales impliquant des organisateurs et ministres conservateurs — dont une qui a donné lieu à une peine de prison pour le propre secrétaire parlementaire de Harper, Dean Del Mastro.

Les néo-démocrates veulent passer pour des saints, mais ils ont eux-mêmes un passé discutable, affirme Powers.

Lors des semaines à venir, les électeurs peuvent s’attendre à entendre parler davantage du système de bureau satellite du NPD et du refus du parti de rembourser 2,7 millions $ qu’il est accusé d’avoir obtenu de façon inappropriée de la Chambre des communes.

Mulcair devra également se défendre d’être un autre “politicien de carrière” opportuniste qui a flirté avec les conservateurs avant d’avoir accepté de se présenter sous les couleurs du NPD et qui, alors qu’il était politicien au Québec, n’a rien dit pendant 17 ans au sujet d’un maire local lui ayant offert un pot-de-vin suspect. Mulcair était alors un politicien débutant à l’Assemblée nationale.

“Eh bien, il ne l’a pas accepté, n’est-ce pas? Il l’a refusé”, a rappelé Chambers.

Le conseiller de Mulcair affirme qu’un certain nombre d’accusations pourraient être lancées en direction du NPD — trop risqué pour l’économie, trop risqué pour la sécurité nationale, un dirigeant opportuniste — mais qu’elles ont toutes le défaut de “ne pas être plausibles”.

“Tom Mulcair a été le président d’une société de droit à McGill, l’un des meilleurs étudiants et le dirigeant élu de sa classe. Et il était de cinq à six ans plus jeune que l’âge moyen de sa classe. Il aurait pu se joindre à n’importe quelle grande entreprise du centre-ville pour une somme énorme. Et il s’est rendu à Québec travailler pour le ministère de la Justice. Ce gars-là n’a jamais rien fait d’opportuniste de sa vie.

“Il a eu des occasions de prendre soin de lui de toutes les façons imaginables, mais il a choisi la voie difficile, intéressante, qui était la bonne pour la société.”

“Ce ne me semble pas possible. Je suis son ami et tout, mais je ne vois vraiment pas comment vous pourriez démontrer quoi que ce soit.”

* * *

À l’aéroport, en route vers le premier débat des chefs, prévu le 6 août à Toronto, je me suis arrêtée afin d’acheter une copie de l’autobiographie de Mulcair — un livre écrit avec ses conseillers afin qu’il se présente aux Canadiens et explique l’inexplicable à ceux ayant pris le temps de s’intéresser.

Pour qui allez-vous voter? ai-je demandé à la caissière, d’âge moyen.

“Ce gars, je crois”, a-t-elle répondu en pointant du doigt le visage de Mulcair sur le livre.

Pourquoi?

“Je ne peux pas supporter les deux autres”, a-t-elle expliqué. Certainement pas Harper, a-t-elle ajouté en faisant une grimace. Trudeau? “Je l’ai vu deux-trois fois. Je n’ai pas été impressionnée.

“Le moment est peut-être venu de donner une chance à ce gars.”

Althia Raj est chef de bureau du Huffington Post Canada à Ottawa. On peut également l’entendre et la voir à “Question Period”, au réseau CTV, “The Week with Mark Sutcliffe”, sur la chaîne CPAC, “At Issue” lors de l’émission “The National”, au réseau CBC, et sur de nombreuses stations de radio de CBC à travers le pays. Suivez-la sur Twitter et Facebook.

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