Alors que tous les yeux sont tournés vers l'espace à la recherche de vie extraterrestre ou d'exoplanètes habitables, des écosystèmes entiers restent inexplorés, tout près de nous.
Un texte de Marianne Desautels
Une équipe internationale de chercheurs a entrepris de forer la croûte océanique au large du Japon. Ils y ont trouvé des microorganismes et les ont décrit dans un article publié le 24 juillet dernier dans la revue Science. Personne n'avait encore examiné la vie microbienne enfouie aussi loin sous les abysses.
À 2,5 km sous le plancher marin, la chaleur et la pression sont intenses. Les réserves de nourriture, limitées. La lumière du soleil ne s'y rend jamais. Dans cet environnement extrême, on aurait pu s'attendre à rencontrer des formes de vie plutôt exotiques.
À leur grand étonnement, les scientifiques y ont découvert des bactéries bien banales, très proches de celles vivant dans le sol de nos forêts. Elles sont cependant beaucoup moins nombreuses : en guise de comparaison, un centimètre carré de terre dans votre cour arrière contient des milliards de bactéries. À 2500 mètres sous le fond marin du Japon, on en compterait de 10 à 10 000 seulement.
Comment se sont-elles retrouvées là?
Il y a environ 23 millions d'années, la côte nord-ouest du Japon ressemblait un peu à la Floride, avec ses lagons et ses marais. Avec le déplacement des continents, ces régions ont été englouties et recouvertes de sédiments. Il est donc possible que ces organismes soient les descendants des bactéries qui vivaient au sol il y a 20 millions d'années, qui se seraient adaptées aux conditions extrêmes des fonds marins.
Mais il est aussi plausible que ces microorganismes soient les mêmes cellules qui vivaient dans les marais au moment ou ils ont commencé à s'enfoncer dans les profondeurs, ce qui voudrait dire que ces bactéries seraient vieilles de quelques dizaines de millions d'années; des fossiles vivants, en quelque sorte.
« On ne sait pas exactement quel est le taux de renouvellement de ces cellules », a confié le géomicrobiologiste Fumio Inagaki, un des scientifiques du projet, au magazine Science.
Une biomasse ancienne, mais active
Aujourd'hui, cette couche profonde est très riche en charbon. Les bactéries qui y vivent s'en nourrissent, et émettent du méthane. Dans le cycle du carbone, un des plus importants processus biologiques et géologiques de la Terre, les atomes de carbone passent des organismes vivants à la matière inanimée. Le méthane que ces bactéries émettent fait croire aux scientifiques que cette biomasse pourrait jouer un rôle important dans le cycle du carbone.
Même si les chercheurs ont détecté des traces chimiques de vie à 4 km sous le plancher marin, on ne sait pas encore jusqu'à quelle profondeur la vie peut trouver son chemin.
Sous nos océans, de vastes espaces sont encore inexplorés. De fascinantes découvertes peuvent en émerger. Par exemple, la Taq polymérase, une enzyme qui a révolutionné la biotechnologie dans les années 1980, et qui déboucha sur des pas de géants pour les techniques de biologie moléculaire et d'immenses avancées dans nos connaissances de la génétique, a été découverte chez la bactérie Thermus aquaticus, vivant dans des sources chaudes.
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