Alors que des manifestants dénonçaient leur inaction, les premiers ministres du Québec et de l'Ontario, réunis dans un hôtel à Toronto pour le Sommet des Amériques sur le climat, ont vanté aujourd'hui leurs efforts pour réduire les gaz à effet de serre (GES), en particulier la mise en place d'un marché du carbone.
L'événement, boudé par Ottawa, est organisé par le gouvernement de l'Ontario en marge des Jeux panaméricains.
L'Ontario, le Québec et la Californie ont formé un marché conjoint du carbone, qui fixe des cibles en matière d'émissions et permet aux compagnies qui n'atteignent pas ces objectifs d'acheter des crédits auprès d'autres entreprises. Les trois gouvernements font la promotion de l'idée d'un marché panaméricain du carbone.
Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a dit qu'un virage vert était nécessaire pour protéger les générations futures.
« Il est essentiel d'imposer un prix sur les émissions si nous voulons obtenir des résultats concrets. »
— Philippe Couillard, premier ministre du Québec
Le Québec s'est aussi engagé, tout comme l'avaient fait l'Ontario, la Californie et l'Écosse, notamment, à réduire ses émissions de GES de 80 % à 95 % par rapport au niveau de 1990 d'ici 2050, soit une limite de deux tonnes par habitant. Le premier ministre Couillard a prédit la fin de l'utilisation des énergies fossiles avant la fin du siècle.
Pour sa part, la première ministre de l'Ontario, Kathleen Wynne, a ajouté que le Sommet servait à « mobiliser » les parties, en prévision de la Conférence de Paris sur le climat, qui aura lieu en décembre.
« Paris représente une opportunité que nous ne pouvons nous permettre de manquer. »
— Kathleen Wynne, première ministre de l'Ontario
La première ministre Wynne a aussi décoché une flèche à l'endroit du gouvernement conservateur à Ottawa. « Le Canada a plus à gagner quand on travaille ensemble plutôt que seul », a-t-elle dit.
Toutefois, la réalité ontarienne n'est pas aussi verte que tentent de la dépeindre les libéraux, si l'on se fie à la commissaire provinciale à l'environnement. Elle a signalé, plus tôt cette semaine, que l'Ontario « n'atteindra pas la cible de réduction des émissions de GES de 2020 s'il n'élargit pas ses politiques (...), particulièrement dans les secteurs des édifices et du transport ».
Le fédéral absent
La ministre fédérale de l'Environnement, Leona Aglukkaq, a décliné l'invitation de participer au Sommet afin de célébrer la Journée du Nunavut dans sa circonscription.
« C'est triste, estime la professeure Catherine Potvin de l'Université McGill. C'est une opportunité perdue que le gouvernement fédéral ne s'allie pas avec les provinces pour ce sommet-là. »
Dans un courriel envoyé par son attaché, la ministre déclare que le gouvernement Harper « s'oppose à la taxe sur le carbone et à tout stratagème qui augmenterait les impôts et les prix pour les Canadiens qui travaillent fort, dont celui de l'essence, de l'épicerie et de l'électricité ».
Faire payer les pollueurs
« Mettre un prix sur le carbone est LA façon la plus efficace de lutter contre les changements climatiques », dit l'ex-président du Mexique Felipe Calderon, qui participe lui aussi au Sommet de Toronto. Selon lui, « rien n'est plus puissant que le portefeuille des contribuables et des entreprises ».
Felipe Calderon critique à mots couverts le premier ministre Stephen Harper, qui déclarait récemment que ce serait « une politique économique complètement ridicule que d'imposer un prix sur le carbone » compte tenu des difficultés actuelles du secteur pétrolier et gazier.
« Au contraire, fait valoir Felipe Calderon, c'est le moment parfait pour le faire. Comme les prix sont bas, ça éviterait de trop faire mal aux contribuables ».
« Je ne veux pas me mêler de politique canadienne », déclare-t-il, avant de féliciter les provinces canadiennes qui ont décidé d'imposer un prix sur le carbone. « C'est admirable! », s'exclame-t-il.
De leur côté, des manifestants ont bloqué ce matin une intersection du centre-ville à proximité de l'hôtel Royal York, où se tient le sommet, après avoir défilé dans le quartier des finances. Les quelque 150 protestataires ont attaché des fils de laine à des poteaux électriques situés de chaque côté de la rue York, notamment, perturbant la circulation. « On ne croit pas en la bonne volonté des dirigeants qui sont réunis ici, lance Syed Hussan, l'organisateur de la manifestation. Le fait qu'ils tiennent un sommet sur le climat et un sommet sur l'économie en même temps et au même endroit démontre qu'ils n'ont pas la véritable intention de s'attaquer au problème des gaz à effet de serre, mais qu'ils souhaitent plutôt continuer d'exploiter les ressources au détriment des droits de la personne. »
Déjà plus de 20 signataires
Le Sommet des Amériques sur le climat vise à enrôler le plus de pays possible dans la lutte contre les gaz à effet de serre en prévision du prochain sommet des Nations unies sur les changements climatiques, qui aura lieu à Paris en décembre.
« De 20 à 30 pays sont déjà prêts à signer la déclaration de Toronto », estime le ministre de l'Environnement de l'Ontario, Glen Murray.
Celui-ci reconnaît toutefois que le communiqué final du Sommet des Amériques sur le climat ne contiendra aucun objectif précis pour les pays signataires. Des compromis sont nécessaires, dit-il, « surtout pour ceux en Amérique latine qui commencent à peine à lutter contre les changements climatiques » et qui « ne sont pas prêts à s'engager à respecter des cibles fermes pour 2030 et 2050 ».
Le ministre espère que les villes, les provinces et les États signataires pourront constituer une « masse critique » afin de faire pression sur leurs gouvernements nationaux, à l'approche du sommet de Paris.
Avec la collaboration de Christian Noël
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