Le cinéaste québécois Denis Villeneuve se retrouve en terrain connu à Cannes. Un peu trop familier même, puisque la présence de plusieurs de ses amis au sein du jury du célèbre festival cinématographique le désavantagera dans la compétition, croit-il.
Les frères Ethan et Joel Coen, réalisateurs de renom à la tête du jury, le réalisateur québécois Xavier Dolan et l'acteur Jake Gyllenhaal sont autant d'amis du cinéaste qui auront à se prononcer sur son film en compétition.
« Je vous dirais que ce n'est pas à mon avantage que ce soit trop proche, trop incestueux, comme ça, au contraire », avance Denis Villeneuve en entrevue à Radio-Canada à la veille de présenter son dernier film, Sicario, en compétition officielle au Festival de Cannes.
« Juste le fait que les frères Coen soient à la tête du jury, je me disais : "c'est pas très bon pour moi ça. C'est trop proche". Avec [Xavier Dolan et Jake Gyllenhaal], il ne manquerait plus que ma mère sur le jury. »
Denis Villeneuve s'en remet toutefois à la critique et au public pour que son film connaisse du succès. Sur Sicario, il se contente de le décrire comme « un film sur l'Amérique, le Mexique », qui se trouve dans la même famille que Prisoners, son film précédent.
Le cinéaste estime qu'il apprend de chacun de ses films, de sorte qu'il perfectionne son art au gré des tournages. « Comme cinéaste, c'est de loin mon film le plus accompli jusqu'à maintenant. Comment les gens vont le percevoir, ce sera à vous de juger ».
Mensonges et propagande
Denis Villeneuve aime explorer les zones d'ombres de la nature humaine. Il croit que l'époque à laquelle on vit est marquée par « beaucoup de propagande, beaucoup de manipulations dans les médias. Il y a beaucoup de mensonges qui sont orchestrés par les politiciens ».
« Le monde est de plus en plus complexe dans notre rapport aux images, dans notre rapport à l'information, à la désinformation, poursuit-il. On vit dans un monde de plus en plus gris, opaque, complètement en contradiction avec le fait que l'information n'a jamais aussi librement circulé ».
« Curieusement, je me demande si on n'est pas moins informés qu'avant et le cinéma est un outil extrêmement puissant pour explorer le monde. »
— Denis Villeneuve
Un Québécois aux États-Unis
Le cinéaste estime toujours appartenir à la culture québécoise bien qu'il fasse désormais des films aux États-Unis. « Je suis là. Le Québec, c'est mes racines, confie-t-il. Je n'ai jamais été autant Québécois qu'en tournant aux États-Unis. »
« Ce qui fait ma force là bas, c'est d'être Québécois. C'est la distance critique que j'ai avec l'Amérique. »
— Denis Villeneuve
Il convient que la langue est un puissant vecteur d'expression, mais il estime que les images constituent la principale composante du cinéma. « Le cinéma, pour moi, est avant tout un langage d'images. J'ai fait des films en arabe, j'ai fait d'autres films en anglais avant. Je vais revenir en français un jour. »
Denis Villeneuve entend toutefois profiter des budgets américains pour produire des films dont il ne pourrait même pas rêver au Canada. « C'est certain que le cinéma, ça coûte cher et qu'il y a des histoires que je ne peux raconter que là-bas, explique-t-il. Un film comme Sicario est absolument impossible à produire au Canada parce que c'est un film qui est beaucoup trop cher. »
« Il y a une scène qui dure cinq minutes dans le film, qui coûte plus cher que tous les films canadiens tournés cette année. »
— Denis Villeneuve
Blade Runner
Le cinéaste québécois a de nouveaux projets, mais il demeure évasif. Il préfère travailler dans « sa bulle ». Il soutient en être aux balbutiements du film Blade Runner. Il affirme être en train de s'approprier le scénario.
Denis Villeneuve estime que le Québec regorge de talent cinématographique, mais que les ressources sont rares pour travailler dans ce domaine. Il croit ainsi avoir donné la chance à d'autres de progresser au Québec en s'exilant aux États-Unis pour pratiquer son art.
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