Marcher dans les rues pavées de certaines villes d'Allemagne de l'Est, c'est emprunter des chemins autrefois sinueux, témoins d'autant de splendides que d'atroces parcelles d'histoire. Aujourd'hui, des villes comme Erfurt et Weimar s'offrent, les bras grands ouverts, aux amis voisins et aux visiteurs, partageant leur art, leur poésie et cette histoire qu'elles n'ont désormais plus peur de regarder en face.
Weimar et Goethe
«Weimar est un parc dans lequel on retrouve une ville», ont l'habitude de dire les habitants de l'ancienne république de Weimar. Il est vrai que dans cette petite ville remplie d'histoire – inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1998 et élue capitale culturelle de l'Europe en 1999 - le vert des parcs occupe une place presque aussi importante que celle de Goethe, considéré ici comme un véritable Dieu.
«Weimar, c'est Goethe», affirme d'emblée notre guide dans un Français impeccable. Ici, tout est relié au poète. À un point tel que lorsque l'on parle de l'histoire de Weimar, on dit 25 ans avant, pendant et après Goethe, comme on le ferait pour Jésus Christ», ajoute-t-elle en riant.
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Allemagne: balade dans les ruelles historiques de Weimar et d'Erfurt
Traversé par la rivière l'Ilm, le parc de Goethe - où se trouve toujours l'ancien petit pavillon de l'auteur - est sans contredit l'endroit le plus couru de la ville. C'est ici que se croisent marcheurs, coureurs, cyclistes, jeunes, adultes, enfants, locaux et touristes dès que se pointe un tout petit rayon de soleil.
Si Weimar s'autoproclame symbole de l'identité allemande, c'est que la culture y est omniprésente. C'est ici, dans cette toute petite ville coincée entre les forêts de Thuringe, qu'ont vu le jour la fastueuse époque classique de la littérature allemande et l'impressionnisme allemand. Ici que Goethe, Schiller, Herder, Bach et plusieurs autres génies ont choisi de laisser libre cours à leur esprit créatif. Ici encore que Goethe s'est établi en 1775 et qu'il s'est éteint, tout comme l'a fait Friedrich Wilhelm Nietzsche à son tour.
Dans le modeste, mais combien charmant centre-ville médiéval, les rues piétonnes sont bordées de restaurants, boutiques, terrasses et cafés. La place du marché, devant le superbe hôtel de ville et sa fontaine de Neptune, donne l'impression aux touristes de faire partie de la communauté. La statue trônant devant le Théâtre national allemand rend hommage aux célèbres amis Goethe et Schiller. La superbe bibliothèque de la duchesse Anna Amalia - contenant un million de livres dont 2000 furent empruntés et lus par Goethe - est classée au patrimoine mondial de l'UNESCO. Et les nombreux musées ne demandent qu'à être visités à son rythme, en prenant tout son temps.
Au Musée national de Goethe ainsi que dans sa maison historique, c'est l'histoire de la vie de l'auteur de Faust qui nous est racontée. Une balade intéressante permettant d'admirer sa bibliothèque personnelle de 70 000 livres, son bureau, la partie privée où son amoureuse, avec qui il n'était initialement pas marié, devait rester cachée, ses nombreuses collections (de plus de 18 000 minéraux, de statues antiques, d'oeuvres d'art...) ainsi que les élégants jardins qui inspirèrent ses nombreux écrits. Semblable à celle de la demeure de son grand ami, la visite du Musée et de la maison du poète et révolutionnaire Friedrich Von Schiller, auteur de Guillaume Tell, est tout aussi intéressante.
C'est aussi à Weimar que fut fondé le célèbre Bauhaus en 1919. La ville, grouillante d'étudiants encore aujourd'hui, ne vit naître rien de moins que l'architecture et le design moderne. Si, pour le moment, le musée du Bauhaus est un lieu plutôt modeste, le nouveau musée Bauhaus, dont l'ouverture est prévue pour 2018 (juste à temps pour le 100e anniversaire du Bauhaus) promet quant à lui d'être à la hauteur.
L'histoire de Weimar contient également des périodes plus sombres que l'on ne pourrait passer sous silence. «La langue, la culture, les sites classés au patrimoine de l'UNESCO, l'oeuvre de Goethe, l'art, le classicisme, l'humanisme, toutes ces choses font partie de l'identité allemande. Malheureusement, comme Weimar était l'une des villes préférées d'Hitler, c'est ici qu'est née la jeunesse hitlérienne et cela fait aussi partie de notre identité. Il livrait des discours du balcon de l'hôtel Elephant, le plus ancien et le plus chic hôtel de la ville. Je crois que l'on se doit de mentionner cette partie négative de notre histoire», explique notre guide.
À huit kilomètres de Weimar, l'ancien camp de concentration Buchenwald ouvre ainsi ses portes aux visiteurs. Reconnu comme l'un des premiers grands camps de concentration allemands, l'endroit entreprit ses opérations en 1937 jusqu'à sa libération par les Américains le 11 avril 1945. Au total, plus de 250 000 personnes y furent emprisonnées. L'endroit fut repris par les Soviétiques six semaines plus tard (de 1945 à 1950.) Lors de cette visite émouvante à travers l'ancien camp de travail, on relate en expositions, en commentaires audio, en visites de lieux (crématorium, baraque, jardin zoologique des SS, usines d'armement, écuries, lieux d'exécution, carrière…), en récits et en photos, l'histoire nazie, soviétique et communiste de l'Allemagne de l'Est et de ses 64 000 victimes (étonnamment le nombre exact d'habitants à Weimar aujourd'hui).
Erfurt: urbaine et historique
Plus urbaine que sa petite voisine Weimar, Erfurt parvient à maintenir son atmosphère moyenâgeuse malgré les touches de modernité déposées çà et là à travers la ville. Il est donc possible de passer plusieurs heures à faire les boutiques et les grands magasins sur la rue principale, sans pourtant être privé des beautés de son architecture médiévale. Erfurt est comme cela, parfaitement à cheval entre le passé et le présent.
Emblème ultime de la ville, le pont des épiciers est une surprenante enfilade de maisons à colombage juchées sur un pont long de 120 mètres traversant doucement la vieille ville. D'une extrémité à l'autre, les terrasses des restaurants, des cafés et des magasins de glaces sont inlassablement bondées. Les touristes - plutôt nombreux - parcourent la capitale de la Thuringe sans pourtant se presser, portés par cette atmosphère apaisante.
Majestueuses, la cathédrale Ste-Marie et l'église St Séveri forment le grand joyau d'Erfurt. En juillet, le festival de théâtre tenu sur le parvis de la cathédrale est, depuis 1994, l'un des événements les plus courus de la région. En décembre, c'est le populaire marché de Noël d'Erfurt - vieux de 160 ans - qui s'installe avec son artisanat régional, ses spécialités culinaires et ses décorations de Noël en verre soufflé.
Du haut de la forteresse baroque de la citadelle Petersberg, la vue sur la ville aux toits orangés est ravissante. Et plus bas, dissimulée dans l'une des petites ruelles de la vieille ville, l'Ancienne synagogue d'Efurt - la plus vieille synagogue d'Europe centrale, datant du 11e siècle - nous fait plonger dans l'histoire médiévale juive de cette ville qui fut, tristement, l'un des points de rencontre centraux des antisémites allemands.
Au egapark d'Erfurt, les jardins, les fleurs, la verdure et les serres de plantes et de petits animaux exotiques (papillons, poissons, iguanes, tortues, oiseaux, insectes…) forment un jardin botanique où il fait bon se balader sous le soleil. Les enfants peuvent y faire des tours d'âne et de poney, s'amuser dans les jeux du parc pour enfants, faire un tour de petit train ou s'étendre sur une chaise longue sous les cerisiers en fleurs, un livre à la main, tout près de la petite bibliothèque extérieure.
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