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Homicide familial au cœur du roman «L'encre mauve» de l'ex-journaliste Florence Meney (ENTREVUE)

Homicide familial au cœur du roman «L'encre mauve» de Florence Meney
Courtoisie

Un policier de la Sûreté du Québec avoue avoir tué sa femme et ses deux adolescentes. L’histoire galvanise les médias et le grand public. Un journaliste politique démotivé reçoit le mandat de couvrir le procès, présidé par un juge au bord de la retraite. En parallèle, le magistrat remet un manuscrit inquiétant à une éditrice – la femme du reporter – qui sent monter en elle de sombres envies, depuis que son patron a été terrassé par une crise cardiaque et qu’un jeune blanc-bec, avide de publications superficielles, a pris la tête de l’entreprise.

Les fils de ces histoires se frôlent et s’entrecroisent en dressant le portrait du mal, thématique au cœur du dernier-né littéraire de l’ex-journaliste Florence Meney. Après avoir travaillé 23 ans pour Radio-Canada à Toronto, Sudbury et Montréal, et avoir tenté l’avenue du Journal de Montréal pendant un an, elle a quitté la profession.

«À la fin, je trouvais ça aliénant d’être sans cesse bombardée d’informations, se rappelle-t-elle. Quand j’ai accepté l’offre du Journal pour devenir adjointe à la direction de l’information, on m’avait prévenu que ça pouvait être casse-gueule. J’y suis allée en me disant que si ça ne fonctionnait pas, c’était le signal pour changer d’orientation. Finalement, il y a eu plusieurs bons et moins bons côtés… mais j’ai choisi de quitter.»

Un peu à l’image de l’éditrice dans son roman, qui n’arrive plus à concilier sa passion du métier avec la vision mercantile de son nouveau patron, Florence Meney ne se retrouvait plus dans le monde des médias. «Je suis quelqu’un qui a besoin d’un espace de recul et de réflexion, ce que je retrouvais de moins en moins avec le virage que prenait l’information, tant à Radio-Canada qu’au Journal de Montréal.»

Fascination pour l'âme humaine

Son changement de carrière lui a permis de retrouver cet espace, en devenant la responsable des relations avec les médias pour l’Institut universitaire en santé mentale Douglas. « C’est un milieu riche intellectuellement et humainement. La santé mentale est un domaine extrêmement vaste, qui va du sommeil à la dépression, en passant par la schizophrénie et la recherche fondamentale. C’est un poste idéal pour moi. »

Son nouvel environnement rejoint la fascination pour l’âme humaine qu’elle entretient dans chacun de ses polars, Répliques mortelles (Michel Brûlé, 2012), Rivages hostiles (Pierre Tisseyre, 2013), et maintenant L’Encre Mauve (Druide), un roman écrit avec une plume élégante, un rythme haletant, une structure élaborée, un sens de l’observation raffiné et un talent manifeste pour les métaphores coup de poing.

Derrière le sourire ravageur et le regard débordant de pureté de Florence Meney se trame un intérêt marqué pour les zones d’ombres. « J’ai toujours voulu comprendre pourquoi quelqu’un essaie de jouer sur les faiblesses des autres, ce qui pousse une personne à commettre un crime et sombrer du côté noir de l’humanité. En tant que journaliste, j’ai été appelée à aborder ces questions lors de retentissants procès comme ceux des affaires Turcotte et Delisle. Dans le livre, je voulais étudier comment l’humain bascule dans la criminalité, en faisant fi des sensibilités des autres et en agissant par égoïsme absolu. »

Extrait:

«Des hommes, et très occasionnellement des femmes, tombés de la falaise de la société « normale », celle qui se plie aux règles communes du respect d’autrui et de la loi. En douze ans, Philippe avait eu affaire à certains de ces drogués dont l’âme semblait avoir déserté le corps, de ces maris violents, de ces obsessionnels-compulsifs insoucieux de leurs proches, de ces narcissiques schizoïdes pour qui le monde n’est qu’un immense reflet d’eux-mêmes.»

Une forme d’égoïsme qu’on retrouve chez le sergent Gadbois, qui a tué sa femme pour l’empêcher de reprendre sa liberté, alors qu’elle s’apprêtait à le quitter. Par contre, le policier n’est pas la représentation exacte du criminel monstrueux tel que certains se l’imaginent.

Bien qu’il soit décrit comme un homme sévère, contrôlant et psychorigide, on découvre chez lui un passé de père attentionné et une étonnante droiture dans certaines circonstances. «Je voulais élaborer un personnage tout en nuances et montrer qu’un monstre peut en cacher un autre. Pendant que notre attention est monopolisée par les gestes de Gadbois, on occulte d’autres sources du mal et d’égoïsme frénétique.»

Ici, l’auteure fait aussi bien référence à Laura l’éditrice désemparée, à Jean-Seb le nouveau patron déshumanisé, à Bernard le journaliste en quête d’une passion perdue et au juge Larivière à l’imagination troublante. Chacun illustrant à sa façon différents travers de l’humanité. «Oui, Gadbois est un monstre, mais tous les protagonistes ont des faiblesses et font preuve d’égocentrisme. On a tous un visage social qu’on présente au quotidien, mais chacun d’entre nous est fragile. Je voulais qu’on s’attache à cette fragilité.»

Le roman L’encre mauve est présentement en librairies.

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