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«Tout le monde en parle – L'envers du décor» : les petits secrets d'une grande émission

Les petits secrets d'une grande émission
Courtoisie

Au premier enregistrement de Tout le monde en parle, en septembre 2004, Guy A.Lepage et Dany Turcotte croyaient que cette aventure durerait un an. Le premier attendait le financement nécessaire pour produire son film L’empire Bo$$é – finalement sorti en 2012 -, tandis que le second songeait à pondre un nouveau spectacle d’humour. Tout le monde en parle représentait pour eux un projet qui les occuperait «en attendant».

Une décennie plus tard, le rendez-vous dominical de Radio-Canada cartonne autant qu’à ses débuts avec sa moyenne de 1,2 millions de téléspectateurs, soulève les passions sur Twitter pendant sa diffusion et constitue l’un des principales vitrines ou véhicules de promotion pour tout artiste qui présente un nouveau produit, quiconque souhaite parler d’une cause qui lui est chère ou partager son expérience, et s’avère le micro parfait pour les politiciens dans l’eau chaude qui doivent défendre leurs décisions.

Lundi dernier, Guy A., Dany et Carole-Andrée Laniel, rédactrice en chef de Tout le monde en parle, étaient attablés au restaurant Accords, dans le Vieux-Montréal, où les journalistes leur rendaient visite à tour de rôle, pour discuter de l’impact immense de l’émission dans leur vie et sur la société québécoise. La raison d’être première de cette journée médiatique était la parution du livre Tout le monde en parle – L’envers du décor, un ouvrage fort complet répertoriant tous les secrets de la table ronde devenue quasi mythique, écrit par Carole-Andrée Laniel, rédactrice en chef de Tout le monde en parle depuis les premiers balbutiements du concept dans nos écrans, en collaboration avec Guy A.Lepage, Dany Turcotte et André Ducharme, chef scénariste.

Les moindres détails de production, la naissance du talk-show dans la Belle Province, la préparation de chaque édition de la semaine, les coulisses, les invités marquants, les coupes de cheveux de Guy, les cartes de Dany, les «complots», les moments émouvants, les cotes d’écoute : absolument tous les aspects de la grand-messe hebdomadaire sont explorés dans l’intéressant bouquin de 232 pages rempli de photos et de capsules pertinentes. Dany Laferrière, un régulier de Tout le monde en parle, signe la préface de cette petite bible incontournable pour tous les fidèles de la tribune.

Une grande évolution

«C’a mal tourné, rigole Dany Turcotte en guise de bilan de l’épopée Tout le monde en parle. Je ne pensais jamais que c’allait marcher autant, et aussi longtemps. Je ne savais pas dans quoi je m’embarquais. J’étais un peu naïf…»

Guy A.Lepage, lui, ne voyait pas du tout venir Mario Clément, alors directeur général des programmes de Radio-Canada, lorsque celui-ci l’a convoqué dans son bureau pour lui offrir de tenir les rênes de Tout le monde en parle, formule française dont il venait d’acquérir les droits d’adaptation.

«Je pensais qu’il m’avait rencontré pour que je sois le fou du roi, se remémore le timonier de Tout le monde en parle. Je lui ai demandé : «Qui va l’animer?» Je pensais qu’il allait me répondre Christiane Charette ou Stéphan Bureau. Mais il m’a dit : «Non, non. Toi!» Je me souviens avoir pensé qu’il était vraiment out! Et, de fait, il a vraiment raté son coup…(rires)»

«C’est comme si on avait dit à un joueur de centre que, désormais, il allait jouer à la défense ou comme gardien de but. Moi, je n’avais jamais goalé de ma vie!»

Mais le capitaine du navire a appris à recevoir les rondelles au fil des semaines. En 2004, effectuer le montage de chaque épisode de Tout le monde en parle lui exigeait huit heures de labeur, en plus de l’enregistrement, qui s’étalait sur six heures. Aujourd’hui, le tournage s’étend sur quatre heures et demi, et environ le même temps est alloué à l’assemblage de chaque entrevue.

«Les premières années, j’avais besoin de toutes les vacances d’été pour m’en remettre, physiquement, émotivement et intellectuellement, illustre-t-il. Pendant deux mois, je lisais des Placid et Muzo et des Charlie Brown. J’étais brûlé! (rires) Maintenant, je réalise combien on est choyés d’avoir une job qui nous demande 26 semaines par année, et d’avoir six mois de liberté pour faire toutes les affaires qui nous tentent. On peut poursuivre nos carrières respectives.»

«Quant au montage, c’est plus rapide, mieux organisé et plus efficace. Je suis toujours aussi brûlé quand j’ai fini de monter une émission, mais je suis brûlé parce que j’ai mieux travaillé.»

D’ailleurs, Guy A.Lepage n’hésite pas à lever son chapeau à tous ceux qui l’entourent dans cette ambitieuse entreprise.

«Si Carole-Andrée, André (Ducharme), Dany, Guillaume (Lespérance, producteur délégué) s’en allaient, je n’aurais pas le goût de roder du monde après 11 ans à faire ça. Je n’ai pas besoin de Tout le monde en parle à tout prix, au détriment de l’efficacité qu’on a trouvé. Et c’est encore plus vrai aujourd’hui.»

L’impact sur les invités

Au-delà de la structure en béton sur laquelle repose Tout le monde en parle, l’élément numéro un qui crée l’engouement autour du rendez-vous demeure bien sûr son panel d’invités. C’est un secret de polichinelle dans le milieu de la télévision, il n’y a pas grand-chose de plus énervant pour une personnalité que de se faire interviewer par Guy A. et de participer à la discussion avec les autres convives, compte tenu de la large fenêtre qu’offre Tout le monde en parle. Mais pourquoi est-ce si stressant de se faire voir à Tout le monde en parle? Comment se mesure la résonnance d’un arrêt à la table de Guy A. et Dany? Un invité qui ne fait pas bonne figure lors de son entretien perd-t-il automatiquement sa crédibilité? Pas nécessairement, préviennent Guy A.Lepage, Dany Turcotte et Carole-Andrée Laniel. En fait, le résultat d’une escale à Tout le monde en parle se vérifie à toutes sortes de facteurs.

«Cette émission-là, c’est un microscope, estime Dany Turcotte. Tu ne peux pas mentir. Tu es toujours on cam. Pendant cinq heures de temps, tu as la lentille dans la face. À chaque fois que tu parles, que tu soupires, que tu lèves les yeux, tout est en ondes, tout est là. Ça scrute l’âme, et les gens savent à qui ils ont affaire.»

«Ceux qui n’aiment pas un artiste ou un politicien ne l’aimeront pas plus suite à son passage à Tout le monde en parle, relève Guy A.Lepage. Chaque fois qu’on reçoit un politicien, une personne sur deux l’insulte, indépendamment de ce qu’il a dit, et les autres le vénèrent. Par exemple, quand Justin Trudeau est venu, il s’est fait un peu ramasser sur Twitter, mais plein d’autres gens ont dit : «Quel visionnaire, Justin Trudeau, votons tous pour lui en 2015!» (rires)»

«Il faut se méfier de Twitter, nuance Dany Turcotte. Ce n’est pas le monde, Twitter. C’est un reflet, mais ça représente environ 7% des Québécois.»

«La vraie réponse quant à l’impact de l’émission, on l’obtient quand on appelle les agents des artistes, par exemple, et qu’on demande combien de billets, de disques, de livres de plus ont été vendus 24 heures après leur visite à Tout le monde en parle. Si les résultats sont positifs, toutes les discussions qu’on peut avoir après la diffusion n’ont aucune importance pour la personne», juge Guy A.Lepage.

«J’ai remarqué autre chose, intervient Carole-Andrée Laniel. Pour l’invité, son entrevue, c’est son moment. Mais si tu arrives après quelqu’un qui a été percutant, qui a été loin dans sa réflexion, et que toi, ton propos est plutôt anecdotique, tu vas avoir l’air encore plus anecdotique.»

«Et si tu es en retrait sur le plateau, que tu n’apportes pas une contribution payante ou pertinente, tu es un peu perdant. Le plateau de Tout le monde en parle peut te permettre de te distinguer, ou de montrer à quel point tu te fous des autres. On ne peut pas avoir une opinion sur tout, mais si tu fais un minimum d’efforts, que tu te renseignes sur les autres invités avant d’arriver, tu vas essayer de marquer des points pendant les autres entrevues. En lisant un peu, en t’informant, en consacrant un minimum de travail, tu vas être intéressant et tu vas avoir bien plus de choses à dire, au lieu de regarder les spots toute la soirée. Ce n’est pas nécessairement juste pendant ton entrevue que tu dois performer, mais pendant l’enregistrement entier. Et si tu es curieux et intéressé, tu vas y arriver», poursuit Carole-Andrée Laniel.

«Mais l’unanimité n’existe pas. Et de moins en moins, d’ailleurs…», philosophe Dany Turcotte.

Peu de produits dérivés

Le livre Tout le monde en parle – L’envers du décor est le premier produit dérivé de la marque mis sur le marché en 10 ans, si on fait exception des verres à vin à l’effigie du logo de Tout le monde en parle, commercialisés il y a quelques années. Guy A.Lepage affirme ne pas être friand de ce genre de stratégies de marketing, mais il perçoit le recueil de sa collègue Carole-Andrée comme un outil informatif précieux, qui apporte un complément qu’aucun autre document ne pourrait amener.

«On a pensé mettre sur le marché nos slips autographiés, mais on a eu seulement deux demandes, et les deux venaient de la même personne, blague-t-il. Mais on n’est pas trop fétichistes. On sort les produits dérivés au compte-gouttes. En tant que producteur, j’haïs ça, ces affaires-là. S’il y avait des brosses à dents Tout le monde en parle ou un vin Tout le monde en parle, je ne serais pas capable.»

«Mais le livre, ça apporte quelque chose que même un making of ne peut pas montrer, continue l’ex-RBO. Avec un making of, il y a une caméra, les gens en sont conscients et ils n’agissent pas comme ils devraient agir. Le livre, c’est le point de vue de Carole, c’est sa vision.»

«J’ai souvent reçu le commentaire : «Je sais tellement à qui je vais l’offrir!», explique l’auteure. Je voyais qu’il y avait beaucoup de curiosité chez les gens.»

Tout le monde en parle – L’envers du décor

Carole-Andrée Laniel

Préface de Dany Laferrière

Éditions La Presse

232 pages

Présentement en vente

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