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La nymphomanie, ça existe vraiment?

La nymphomanie, ça existe vraiment?
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Elle aime ça. C'est une fille facile, une obsédée, une allumeuse, une aguicheuse, une tentatrice, en un mot, une nympho. Dans le dernier film de Tonie Marshall, Judith, le personnage joué par Sophie Marceau, aime le sexe et ne s'en cache pas. Cette nymphomane tente de séduire un addict au sexe repenti joué par Patrick Bruel.

Nymphomane vraiment? Hors des plateaux de cinéma, ce n'est pas aussi simple. Ce terme, aux connotations grivoises, embarrasse les spécialistes. A partir de quand, les besoins d'une femme en sexe sont anormaux?

Une femme qui aime le sexe est une hystérique

Le terme de "nymphomane" entre dans le dictionnaire en 1819. La femme qui manifeste son désir sexuel est alors comparée à une hystérique. Sept thèses de médecine s'intéressent à cette "folie érotique" entre 1800 et 1836. Les nymphomanes sont décrites comme possédées par le diable. À l'époque, les spécialistes imaginent la femme comme complètement soumise à ses organes reproducteurs. Toutes les perturbations émotionnelles qu'elles peuvent ressentir sont forcément liées à leurs cycles, leur cerveau est directement régi par leur sexe.

Comme le rappelle la journaliste spécialisée Agnès Girard, pour "guérir" de cette folie, les chirurgiens de la fin du XIXe siècle n'hésitent pas à pratiquer "l'ablation des ovaires" et à "mutiler des milliers de femmes parce qu'elles ont des pulsions sexuelles". En 2014, ces mutilations existent encore, comme dans certains pays d'Afrique où l'excision est encore pratiquée, dans le monde occidental, si les mentalités ont changé, peu de travaux scientifiques s'intéressent finalement au sujet, affirme Vincent Estellon dans son "Que sais-je" sur "Les Sex-addicts". Aux États-Unis, le mot "nymphomanie" a tout bonnement disparu. La bible des psychiatres, le DSM, un manuel publié par la Société américaine de psychiatrie répertoriant et catégorisant les troubles mentaux connus, ne fait plus mention de la nymphomanie depuis sa quatrième réédition au début 2000.

Dans sa cinquième et dernière réédition publiée en mai 2013, on parle de "troubles de l’hyper-sexualité". Selon les critères du DSM, une personne peut être être considérée comme ayant des "troubles de l’hyper-sexualité", lorsque la majeure partie du temps est utilisée à des accomplissements sexuels, lorsque le sexe est vécu comme une compensation d'état dépressif ou anxieux ou du stress, lorsque les efforts pour contrôler ces pulsions sont vains. Pour compléter le diagnostic, il faut subir ces pulsions depuis au moins six mois et ne pas suivre un traitement médicamenteux qui pourrait l'expliquer.

Si les besoins en sexe sont incontrôlables, c'est peut-être plus grave

Aujourd'hui, le mot est surtout passé dans le langage courant. S'il est souvent utilisé de manière légère voire humoristique, il a conservé la connotation péjorative qui lui avait été accolée au XIXe siècle. La femme qui aime "ça" est pareille à une nymphe qui hante la ville peu vêtue et prête à céder à des appétits sexuels exagérés.

Ce que l'on sait moins, c'est qu'un désir sexuel qui devient incontrôlable pour une personne malgré tous ses efforts peut être aussi le symptôme de maladies graves : "une tumeur cérébrale, un problème endocrinien, une intoxication alcoolique, une prise excessive de médicament ou un accès de trouble psy. Quand une femme a – du jour au lendemain – des accès de désir proches de la frénésie, c’est peut-être qu’elle a un cancer ou quelque chose de grave...", rappelle le docteur Yves Ferroul, chargé de cours d’Histoire de la Sexologie à Lille.

En revanche, Yves Ferroul s'inscrit en faux contre la volonté de guérir la nymphomanie lorsqu'elle n'est qu'un désir sexuel important. "C'est le changement rapide qui doit faire penser à une maladie", affirme-t-il encore. Selon les dernières études sur le sujet, le phénomène d'addiction au sexe est même remis en question. Des chercheurs de l'Université de Los Angeles ont voulu étudier la façon dont le cerveau réagit à des stimuli (en l'occurrence des images et scènes sexuelles) pour des personnes dites "addicts au sexe". Or, le cerveau n'a pas les mêmes réactions que dans les autres cas d'addiction, il réagit en fonction des désirs de la personne.

Comme le rappelle Vincent Estellon dans son "Que sais-je" sur "Les Sex-addicts", si l'addiction au sexe était reconnue en tant que telle par le DSM, cela entraînerait des "dérives abusives". A l'image de ces avocats qui invoquent la pathologie de leur client pour ne pas payer les sommes astronomiques que leur demande leur conjoint en cas de divorce. Le problème que pose "l'addiction au sexe" c'est qu'il n'existe pas à proprement parler de sexualité "normale", en terme de pratiques ni de fréquence.

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