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La Chine ressuscite une prostituée du Shanghai des années 30, icône de son cinéma

La Chine ressuscite une prostituée du Shanghai des années 30, icône de son cinéma

Un film muet des années 1930 narrant les mésaventures d'une prostituée shanghaïenne au grand coeur a été restauré par la Chine, soucieuse d'enrôler les fleurons de son patrimoine cinématographique dans sa bataille culturelle contre Hollywood.

Tourné en noir et blanc en 1934, "La Divine" témoigne de la vitalité et du savoir-faire des studios de Shanghai à leur âge d'or, quand la ville abritait l'une des plus vastes industries du film dans le monde.

L'héroïne en est une jeune veuve réduite à la prostitution pour offrir une éducation à son fils.

Mais la rumeur sur ses activités se propage, la contraignant à retirer l'enfant de son école, et la jeune femme, exploitée par un homme sans scrupules, est alors entraînée dans une spirale de plus en plus sombre.

Une version numérique restaurée du long-métrage a été projetée récemment au Festival du film de Shanghai: une résurrection initiée par les Archives cinématographiques chinoises, institution créée en 1958 par Zhou Enlai.

"+La Divine+ mérite d'être considéré comme l'apogée du cinéma muet chinois", a insisté Sun Xianghui, directeur des Archives.

Outre "La Divine", d'autres pépites du cinéma chinois sont en cours de remastérisation --un volet de l'offensive culturelle de Pékin, désireux d'affirmer l'existence de son industrie cinématographique face aux Etats-Unis.

Fin juin, "La Divine" version restaurée a même été projeté à la Cinémathèque française à Paris, accompagné d'une bande originale composée pour l'occasion et interprétée par un orchestre.

La Chine est "très en retard" en ce qui concerne la conservation des films, explique Linda Johnson, experte et présidente du ciné-club de la Royal Asiatic Society (RAS) à Shanghai.

Mais les films choisis pour être restaurés sont surtout ceux qui correspondent à la vision de l'Histoire qu'a le Parti communiste au pouvoir.

Ainsi en est-il du "Travailleur amoureux" (1922), qui raconte les émois d'un vendeur de fruits: c'est l'un des films chinois les plus anciens conservés jusqu'à aujourd'hui.

"+La Divine+ est représentatif de la critique gauchiste de la société, donc le Parti communiste a toujours tenu le film en haute estime", abonde un chercheur chinois, sous couvert d'anonymat.

Mais ce chef-d'oeuvre du cinéma muet se distingue surtout par la performance de l'actrice Ruan Lingyu dans le rôle de la prostituée.

"C'était l'actrice la plus populaire de son temps", affirme Linda Johnson. "Elle excellait à faire passer des émotions à travers son jeu".

La star du muet --dont seuls neuf films ont survécu-- a eu une fin tragique: après des déceptions amoureuses, elle s'est suicidée en 1935, à l'âge de 24 ans. Le cortège de ses funérailles a réuni des dizaines de milliers de personnes dans les rues de Shanghai.

Avec ses films, "la Chine restaure son propre passé, sa grande histoire", observe Linda Wong Davies, fondatrice de la KT Wong Foundation --qui a commandé une nouvelle bande originale pour "la Divine" et organisé sa projection à Paris.

"La Chine s'impose à nouveau comme une grande nation industrielle et ils ont à coeur de faire comprendre au reste du monde qui ils sont", souligne-t-elle.

Mais, même restaurés, les films anciens peinent à faire le poids face aux blockbusters hollywoodiens plébiscités par le public chinois.

A Shanghai, "La Divine" n'a été projeté que deux fois, et les tickets étaient vendus pour l'équivalent de 22 euros --soit le double d'une séance normale.

"Restaurer ce genre de films n'est pas très rentable d'un point de vue commercial", observe Raymond Zhou, critique de cinéma chinois.

A l'opposé, le dernier opus de la franchise américaine "Transformers", dont l'avant-première a eu lieu au même festival de Shanghai, a déjà engrangé plus de 300 millions de dollars au box-office --ce qui en fait le film le plus rémunérateur jamais diffusé en Chine.

Une déferlante qui a provoqué une remise en question chez les responsables culturels chinois.

Le gouvernement a annoncé en juin qu'il investirait l'équivalent de 12 millions d'euros par an pour financer 5 à 10 films "influents", et qu'il accorderait des allègements fiscaux à l'industrie locale du cinéma.

"Nous sommes en pleine concurrence avec les films américains", a déclaré Zhang Hongsen, patron de l'Agence cinématographique chinoise, citée par un média d'État. "Il s'agit de nous défendre, et de nous battre pour notre territoire culturel."

bxs/bur/jug/ros

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