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Hassan el Geretly témoigne d'une Egypte qui "bouillonne" au Festival d'Avignon

Hassan el Geretly témoigne d'une Egypte qui "bouillonne" au Festival d'Avignon

"Le pays bouillonne, jamais il n'y a eu autant d'initiatives en Egypte": le metteur en scène égyptien Hassan el Geretly, qui présente "Haeeshek" ("Je te survivrai" en arabe) au Festival d'Avignon, juge "indélébile" l'expérience de la révolution égyptienne de 2011 et "croit à la jeune génération".

Trois ans et demi après les 18 jours qui ont abouti à la chute du président Moubarak, il réfute la vision simpliste d'une Egypte revenue à la case départ, avec l'arrivée à la tête de l'Etat du commandant en chef de l'armée égyptienne, le maréchal Abdel Fattah al-Sissi.

"La constellation nouvelle n'est pas encore en place", dit-il. "En Egypte, c'est Kafka en apparence et tout à coup c'est Courteline!", lance ce parfait francophone en référence aux écrivains tchèque et français.

"La révolution est une référence très forte, je pense que c'est indélébile, dans un pays où tout parait fatalement établi pour toujours, tout d'un coup tu as la pyramide renversée sur sa tête. Ce qu'on a vécu reste source d'inspiration, de motivation, d'action, forcément".

"Le pays bouillonne, il n'y a qu'à voir les réseaux sociaux, l'activité est immense" constate-t-il. "Jamais il n'y a eu autant d'initiatives excitantes dans le pays. Il y a quelques jours, j'étais invité dans un immeuble désaffecté où s'est installée une petite entreprise dont le fondateur faisait des graffitis politiques. Comme c'est plus compliqué aujourd'hui, il va voir les petites gens, une marchande de sandwich qui vient de perdre sa fille d'un cancer, un cireur de chaussures, et il leur fait un graffiti magnifique sur leur histoire". "Je crois beaucoup à la jeune génération", dit-il.

"Il se passe plus de choses en Egypte que ce que perçoit l'oeil nu", assure-t-il. La créativité se glisse dans les interstices du régime, qu'il s'agisse hier de Moubarak et des frères musulmans et aujourd'hui d'al-Sissi. "La pièce que nous montrons à Avignon, nous l'avons jouée dans les villages, à Beni Suef, à Minya (sud du Caire) en plein pendant le pouvoir des frères musulmans", dit-il. Après Avignon, elle sera en tournée en France, en Suisse et aux Pays-Bas.

Du cinéaste Youssef Chahine, dont il a été l'assistant, Hassan el Geretly a appris qu'il fallait à tout prix assurer son indépendance. "Etre indépendant dans le monde arabe c'est mal vu, mais ça fait 27 ans que ça dure, c'est à la fois permanent et fragile à l'extrême", constate-t-il.

La compagnie Al Warsha, qu'il a fondée en 1987, fédère autour d'elle "une activité immense": "on fait avec une toute petite équipe à la fois de la création, de la recherche, de la formation, de l'animation, des représentations, des tournées, on soutient des indépendants".

En 1992, la jeune troupe crée les "Nuits el Warsha", une sorte de théâtre-cabaret issu de recherches de terrain "autour de la culture populaire, de la langue dialectale, de la rue, des petites gens, de la voix du coeur, de la résistance ...", résume-t-il.

"Haeeshek" en est une variante, nourrie des 18 jours de la révolution, un patchwork d'histoires, de chansons, de poèmes, irrigué par cet humour égyptien si particulier qui rend supportable le quotidien le plus désespérant. L'ambiance évoque la fête des nuits du ramadan, et le public français est debout pour danser à la fin avec les 17 chanteurs et musiciens. La satire politique perce à chaque détour d'un poème ou d'une chanson, qu'il s'agisse de brocarder la corruption ou les mauvais traitements dans les commissariats.

A 67 ans, Hassan el Geretly dit "lutter entre le désespoir et le désir". Mais son regard s'éclaire dès qu'il évoque les journées révolutionnaires de la place Tahrir. Il sort aussitôt de son sac un ruban de papier, explique comment la mention en arabe "attention zone de travaux" devient magiquement, en changeant une seule lettre: "attention, zone d'espoir".

mpf/pjl/kat/ros

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