Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Irak: les religieux sunnites sous la pression des insurgés

Irak: les religieux sunnites sous la pression des insurgés

Il y a quelques mois, les fidèles sunnites de Fallouja, une ville irakienne tombée aux mains de jihadistes, ont eu la surprise de voir un homme armé, lunettes de soleil sur le nez, s'installer dans la chaire de leur imam.

De nombreux religieux sunnites vivent désormais dans la crainte en Irak, où les insurgés ont exécuté plusieurs imams ayant refusé de prêter allégeance à leur chef et appellent à tuer les forces de sécurité irakiennes.

A Fallouja, une ville à l'ouest de Bagdad tombée dès janvier aux mains d'insurgés sunnites, dont des membres du groupe ultra-radical de l'Etat islamique (EI), l'imam, visiblement inquiet, est resté silencieux à côté du militant islamiste prêchant la violence contre les forces de sécurité, selon un fidèle ayant requis l'anonymat.

"L'homme portait une dishdasha (un vêtement traditionnel arrivant aux chevilles), et avait un étui à l'épaule avec un pistolet", explique cet homme.

"L'imam semblait extrêmement inquiet. Pendant que l'homme délivrait son sermon, il gardait les yeux rivés au sol comme s'il ne voulait pas l'entendre", poursuit-il.

Dans son discours, l'homme armé affirmait que l'islam autorisait de voler ou de tuer des membres des forces de sécurité, un prêche en totale contradiction avec celui de l'imam, qui avait déclaré la semaine précédente qu'il était interdit de commettre de tels actes.

D'autres sources à Fallouja, connue comme "la ville des mosquées", ont corroboré le récit de ce fidèle et indiqué que les insurgés dictaient désormais le contenu des prêches du vendredi.

Alors qu'ils contrôlaient déjà Fallouja et des secteurs de Ramadi, dans la province d'al-Anbar (ouest) depuis janvier, les insurgés sunnites, menés par les jihadistes de l'EI, se sont emparés de larges pans du territoire irakien à la faveur d'une vaste offensive lancée le 9 juin.

Leur avancée éclair a débuté à Mossoul (nord), où des sources tribales et militaires ont indiqué que 13 religieux avaient été exécutés par l'EI pour avoir refusé de prêter allégeance à leur groupe dirigé par Abou Bakr al-Baghdadi.

Un des religieux tués était imam à la grande mosquée Nour al-Din de Mossoul, où Baghdadi a fait une première apparition publique le 4 juillet pour donner un prêche au premier jour du ramadan.

Selon une vidéo non authentifiée mise en ligne sur internet, Baghdadi a appelé tous les musulmans à lui "obéir", après que son groupe l'eut proclamé "calife", soit littéralement le successeur du prophète pour faire appliquer la loi en terre d'islam.

Une telle stratégie a semé la peur parmi les religieux sunnites.

"Quand Daash (acronyme arabe de l'EI) est venu à Fallouja, les imams et orateurs religieux n'ont pas reçu de menace directe, mais ils ont quitté la ville après avoir constaté qu'ils n'avaient aucun point commun en matière de religion avec les émirs de Daash", explique un religieux sunnite refusant d'être nommé.

"Si moi et d'autres religieux retournons à Fallouja, nous ignorons ce qui nous attend. Assassinat? (Accusation de) Trahison?", s'interroge-t-il.

Ce religieux, frère du fidèle ayant entendu le prêche incendiaire à Fallouja, a depuis trouvé refuge dans la ville de Kirkouk.

A Bagdad, encore préservé par l'offensive des jihadistes, le religieux sunnite Ahmed al-Ani continue de prêcher contre l'EI.

"Le chemin que ces gens sont en train de prendre est un leurre, qui (les) conduira dans les abysses (...) Ces (gens) ne représentent pas du tout les sunnites", assure-t-il.

Mais le message de religieux modérés est perdu dans le vacarme de la guerre, alors que certains, parmi la minorité sunnite en Irak, sont attirés par l'appel de Baghdadi à prendre les armes contre un gouvernement dominé par les chiites et vu comme oppressif envers leur communauté.

La propagande de l'EI est habile et convaincante, attirant des centaines de jeunes combattants enthousiastes du Moyen-Orient et même d'Europe et des Etats-Unis.

Le religieux à Kirkouk a indiqué qu'un père inquiet était venu le voir pour qu'il parle à son fils qui s'était fait pousser la barbe et les cheveux. Mais le garçon était finalement parti rejoindre l'EI.

"Je n'ai pas pu lui parler", déclare le religieux tout en faisant part de ses craintes: "J'ai peur qu'il me calomnie et dise: 'cet homme m'interdit de faire le jihad'".

ma/jmm/cco/sw

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.