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Finance internet: en Chine, le "Trésor" d'Alibaba à l'assaut du secteur bancaire

Finance internet: en Chine, le "Trésor" d'Alibaba à l'assaut du secteur bancaire

Etendant ses activités bien au-delà du commerce électronique, le mastodonte de l'internet chinois Alibaba ébranle les banques d'Etat avec un produit d'investissement au succès fulgurant, qui a attiré en un an l'équivalent de 68 milliards d'euros de dépôts.

Alibaba, qui se prépare à faire une entrée fracassante à la Bourse de New York, avait déjà révolutionné en Chine le secteur de la distribution avec ses plateformes de vente en ligne Taobao et Tmall.

Désormais, Jack Ma, son emblématique fondateur, espère initier pas moins qu'un remodelage du secteur bancaire chinois -- qui reste dominé par quatre grandes banques publiques.

Ces établissements sont largement critiqués pour les frais onéreux qu'ils facturent, pour la piètre qualité de leurs services, et pour attribuer des prêts avant tout aux grands groupes publics --en dédaignant les requêtes des petites firmes privées.

"Le monde de la finance a besoin d'un élément perturbateur. Si les banques sont incapable de changer, nous allons les forcer à changer", a lancé M. Ma l'an dernier.

Son arme: un attractif produit de placement, proposé à partir de juin 2013 aux usagers d'Alipay --le service de paiement en ligne d'Alibaba, sorte d'équivalent local de PayPal.

Baptisé Yuebao ("Trésor en surplus") et offrant des taux de rentabilité très supérieurs à ceux des dépôts bancaires, ce produit d'un genre inédit a connu un succès foudroyant.

En un an, Yuebao a convaincu 100 millions de clients, qui ont placé quelque 574 milliards de yuans (68 milliards d'euros)... des sommes qui surpassent les actifs de certaines grandes banques municipales du pays.

"C'est facile (...) et plus pratique que les services de banque en ligne --on peut y accéder avec son téléphone portable", commente Molly Zhang, propriétaire d'une boutique d'accessoires de mode sur internet qui a déjà placé l'équivalent de 18.400 euros sur Yuebao.

Les alternatives permettant aux ménages chinois de placer leurs économies sont très limitées -- entre les médiocres performances des places boursières, les taux d'intérêts dérisoires des banques, le refroidissement du secteur immobilier, et les restrictions sur les flux d'argent vers l'étranger.

Moins surveillée par les autorités de régulation, la finance sur internet est ainsi en mesure de faire la différence.

A l'inverse des produits de gestion de patrimoine vendus par les banques, Yuebao n'exige aucune durée d'engagement; son taux d'intérêt annualisé sur sept jours a grimpé jusqu'à 6,76% en janvier, soit plus du double du taux d'intérêt annuel de base pour les dépôts bancaires (à 3,0%). Yuebao proposait mi-juillet un taux de 4,17%.

Face à cet engouement, les établissements bancaires s'affolent --certains experts prédisant même une chute de 8% des bénéfices nets cumulés du secteur bancaire sur les trois prochaines années à cause de Yuebao.

"Yuebao, c'est l'arrivée d'un loup prédateur", a accusé un banquier sous couvert d'anonymat à un média d'Etat. "A cause de la finance sur internet, les banques sont désormais sur la défensive, en piteuse position".

"Yuebao est un vampire, aspirant (les liquidités) hors des banques, c'est un parasite typique", s'est même enflammé sur son blog Niu Wenxin, un commentateur influent de la télévision d'Etat.

Mais des analystes indépendants estiment que le phénomène Yuebao pourrait en fait aider les établissements bancaires à se préparer à une prochaine salve de réformes financières.

Les autorités, qui ont déjà levé à l'été 2013 les contrôles sur les taux d'emprunt, affichent leur intention de libéraliser les taux d'intérêts sur les dépôts en yuans.

"Yuebao devrait être interprété comme un coup d'accélérateur vers la libéralisation des taux d'intérêts", a souligné Liu Shengjun, directeur de recherche à la China Europe International Business School.

"Nos grosses banques ne sont guère capables d'innovation, nous avons un besoin urgent de la finance sur Internet pour les y pousser" et doper la performance de tout le secteur, a-t-il ajouté.

A présent, la deuxième économie mondiale ne compte qu'une poignée de petites banques à capitaux privés --et Alibaba a lui même déposé une demande de licence bancaire.

D'autres géants du web, comme Baidu et Tencent, l'ont déjà imité en lançant leurs propres produits d'investissement.

Et l'attitude des autorités s'avère jusqu'à présent bienveillante: Pékin a indiqué vouloir réguler plus strictement le secteur, mais "il est évident que nous n'allons pas interdire des produits comme Yuebao", a souligné en mars le gouverneur de la banque centrale Zhou Xiaochuan.

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