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Un été cloués au sol pour les Vénézuéliens

Un été cloués au sol pour les Vénézuéliens

Grands voyageurs, les Vénézuéliens sont cet été cloués au sol après des mois de négociations infructueuses entre le gouvernement et de nombreuses compagnies aériennes qui lui réclament quatre milliards de dollars d'arriéré et réduisent en attendant leurs dessertes.

Deux compagnies - Air Canada et Alitalia - ont carrément suspendu leur desserte du Venezuela.

Une douzaine d'autres ont drastiquement réduit le nombre de leurs vols à destination du pays du "socialisme du 21e siècle", la doctrine politique prônée par le défunt président Hugo Chavez, basée sur une forte emprise de l'Etat sur l'activité économique.

Il y a un mois déjà, les compagnies étrangères ont cessé de vendre des billets en monnaie locale (le bolivar), privant de voyage la majorité des 30 millions de Vénézuéliens, qui ne disposent pas de devises ou de cartes de crédits étrangères, bien qu'ils soient assis sur les plus importantes réserves de pétrole au monde.

"Les billets ne sont pas en vente, pas un", a déclaré il y a quelques jours la vice-présidente de l'Association des agences des voyages, Sandra Gonzalez, sur une radio locale.

"Il existe un risque réel d'isolement", confiait pour sa part à l'AFP le président de l'Association des compagnies aériennes du Venezuela (ALAV), Humberto Figuera.

En vertu du contrôle des changes en vigueur dans le pays depuis 2003, les compagnies aériennes sont contraintes de facturer sur le territoire national leurs ventes en bolivares, inconvertible à l'étranger, le gouvernement s'engageant à leur verser des dollars en échange à l'issue d'un long et incertain processus administratif.

Mais face à la fonte de ses réserves en devises, l'Etat se montre de plus en plus réticent à effectuer ces remboursements, malgré ses déclarations de bonnes intentions.

"Les compagnies sont assises sur des montagnes de bouts de papiers de couleur, sur de l'argent de Monopoly, qu'elles ne peuvent pas convertir", ironise un responsable du secteur aérien.

Des négociations ont bien été lancées, le gouvernement du président Nicolas Maduro s'engageant à verser ce qu'il doit, souvent en échange de réduction de créances, mais les versements se font attendre.

Et à mesure que les dettes s'accumulaient, les compagnies ont commencé par réduire la taille de leurs avions, avant de diminuer leurs fréquences et de finalement suspendre les ventes de billets au Venezuela.

Fin juin, l'ALAV a estimé qu'en 2014, moitié moins de sièges étaient disponibles pour des vols internationaux qu'en 2013, soit 31.000 au lieu de 56.000, puis 2.000 de moins depuis, avec les annonces de réductions de vols de Delta Air Lines et Lufthansa.

"Publiquement, toutes les compagnies continuent de négocier pour obtenir les devises pour les billets vendus. Mais si les dollars n'apparaissent pas, au moins deux compagnies très importantes sont disposées à cesser de voler avant l'automne", affirme à l'AFP une source du secteur touristique.

Durant une décennie, le Venezuela a fait figure d'eldorado pour les compagnies - et les voyageurs - grâce à un bolivar surévalué garantissant des vols pleins à des tarifs officiellement élevés mais en réalité très bon marché grâce au taux de change avantageux du dollar au marché noir.

Accusées par les autorités de pratiquer des tarifs plus élevés sur le Venezuela que sur d'autres routes équivalentes, les entreprises du secteur aérien rétorquent que les impôts et frais sont bien plus élevés dans ce pays.

Et mezza voce, certains admettent effectivement pratiquer une surtaxe pour couvrir les incertitudes autour des versements de dollars.

Air France-KLM - qui réclame 290 millions de dollars - a annoncé la semaine dernière une réduction de 10% de ses perspectives de bénéfices en raison de la situation au Venezuela, alors que cette desserte était auparavant "extrêmement rentable".

American Airlines affirme que 750 millions de dollars sont retenus à Caracas, la Panaméenne demande 487 millions, plus que ses bénéfices 2013, et Avianca 390 millions, pour citer quelques exemples.

"J'ai changé plusieurs fois d'interlocuteur. Nous nous réunissons (avec les autorités), nous négocions, nous parvenons à un accord... et quelque chose survient, l'accord est caduc, ils le renient et nous devons recommencer", résume, découragé, le porte-parole d'une compagnie.

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