Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Quand des Japonais anonymes défendent la Constitution et veulent le Nobel de la Paix pour le peuple japonais

Quand des Japonais anonymes défendent la Constitution et veulent le Nobel de la Paix pour le peuple japonais

Des citoyens ordinaires font campagne depuis quelque temps pour que le peuple du Japon, pays pacifiste depuis près de 70 ans, reçoive le prix Nobel de la Paix, alors même que Tokyo vient de "relire" sa Constitution pour élargir les missions de son armée.

Grand vaincu, avec l'Allemagne nazie, de la dernière guerre mondiale, éprouvé dans sa chair par le feu nucléaire une semaine avant de capituler, le Japon vit depuis lors avec une Constitution dont l'article 9 stipule que le pays renonce "à jamais" à la guerre.

Mais depuis son arrivée au pouvoir fin 2012, le très nationaliste Premier ministre Shinzo Abe s'est mis en tête de refondre la Charte pour en expurger ce fameux article 9. Devant les fortes réticences de la population et celles d'un petit parti avec lequel il dirige le pays en coalition, il a dû faire machine arrière mais n'a pas renoncé et a choisi non de le modifier mais de le "réinterpréter". Avec un objectif: faire que les Forces d'autodéfense japonaises ne soient plus cantonnées à protéger le seul archipel.

Cette évolution approuvée par Washington constitue un tournant majeur depuis l'instauration en 1947 d'une Constitution pacifiste, car derrière le nouveau concept plutôt barbare de "droit à l'autodéfense collective" se cache la possibilité d'engager les SDF dans des opérations militaires extérieures afin d'aider des alliés, au premier rang desquels les Etats-Unis, vainqueur hier et protecteur aujourd'hui de l'archipel.

Concrètement, des soldats japonais pourront secourir des forces d'un pays allié attaquées même si le Japon n'est pas directement attaqué lui-même.

Sondage après sondage, les Japonais ont majoritairement montré leur attachement à ce pacifisme gravé dans l'airain. Naomi Takasu en fait partie: cette mère au foyer a décidé de lancer une pétition qui a déjà recueilli plus de 150.000 signatures. Elle en espère un million.

Au départ elle pensait avec ses amis présenter la candidature au Nobel de la Constitution et son article 9, symbole suprême de la paix. Pas possible techniquement, alors Naoko a décidé de présenter celle du peuple pacifiste du Japon aux sages d'Oslo.

"De belles idées peuvent gagner, voilà ce que j'avais appris avec cette émission. Et ça m'a fait penser à l'article 9. Si on lui décernait le Nobel, ça serait le plus beau chemin pour partager son idéal", s'enflamme-t-elle.

Une quinzaine de personnes, beaucoup retraitées, s'activent avec elle.

Shinzo Abe, lui-même petit fils d'un ministre du temps de la guerre, s'est voulu rassurant récemment en affirmant que le Japon "ne sera pas impliqué dans une guerre pour défendre un pays étranger", mais certains ne sont pas convaincus et lui reprochent de prendre des libertés avec la Constitution. Pour vraiment modifier cette dernière, il aurait fallu un vote des deux chambres du parlement avec une majorité des deux tiers puis un référendum. Du coup les "gardiens" de la Charte se sentent floués.

Le 1er juillet, plus de 10.000 personnes ont manifesté sous les fenêtre du Premier ministre aux cris de "pas de guerre!" ou "stoppez les fascistes". Certains manifestants brandissaient des portraits de lui affublé d'une moustache façon Hitler.

Et vendredi, un ancien fonctionnaire de 75 ans a intenté une action en justice devant un tribunal de Tokyo pour tenter de bloquer la décision de M. Abe.

"J'espère que d'autres Japonais vont suivre et intenter des actions judiciaires. Je veux passer ce message à la prochaine génération: plus jamais de guerre", a déclaré Tokinao Chindo à l'AFP.

Déjà, le maire d'une ville de l'ouest du pays envisage de faire la même chose.

Regroupées autour de Naomi Takasu, les membres de la "Société de soutien à l'article 9" ont créé une page Facebook, et comptent sur la couverture médiatique pour populariser leur cause.

Patiemment ils récoltent des signatures, des lettres de soutien d'intellectuels et d'universitaires. Ensuite, ils enverront la pétition et ses dizaines de milliers de signatures au comité Nobel, même si les chances de succès sont minimes.

"C'est grâce à l'article 9 que le Japon n'a plus connu la guerre depuis 69 ans", martèle Yoshiaki Ishigaki, un membre du groupe.

"La guerre détruit tout, voilà ce que j'ai appris depuis 1945," lance Tsuneo Hoshino du haut de ses 80 ans.

str-jlh/jh

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.