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Burundi: la ligue des jeunes du parti au pouvoir fait polémique avant la présidentielle

Burundi: la ligue des jeunes du parti au pouvoir fait polémique avant la présidentielle

Milice abonnée aux violences selon ses détracteurs, la ligue de jeunesse du parti au pouvoir au Burundi suscite la polémique à l'approche de la présidentielle de 2015, un rendez-vous délicat pour un pays encore fragile.

Jean-Claude Bikorimana, un militant du parti d'opposition MSD, montre la cicatrice sur sa poitrine: un souvenir laissé, raconte cet agriculteur de 26 ans, par les "Imbonerakure", les jeunes fidèles du régime.

Les faits remontent au 6 octobre 2013 à Gihanga, une bourgade proche de Bujumbura, la capitale de ce petit pays aux innombrables collines, sorti en 2006 de 13 ans de guerre civile.

Ce dimanche-là, une cinquantaine de militants du MSD sont en train de faire du sport quand débarquent 150 "Imbonerakure", armés de gourdins et de pierres. "Ils se sont jetés sur nous", raconte Jean-Claude Bikorimana.

Deux membres de la ligue de jeunesse du parti au pouvoir Cndd-FDD sont arrêtés, mais vite libérés. Six militants d'opposition seront emprisonnés.

De telles violences se multiplient à l'approche de la présidentielle, qui crispe le climat politique sur fond de spéculations autour d'une nouvelle candidature du président Pierre Nkurunziza (au pouvoir depuis 2005), jugée par ses opposants inconstitutionnelle.

Les "Imbonerakure" se comportent en "milice", "comme une troisième composante des forces de sécurité aux côtés de l'armée et de la police nationale", affirme Vital Nshimirimana, coordinateur du Forum pour le renforcement de la société civile, qui regroupe environ 200 ONG locales.

Couvre-feu imposé aux bars, punitions, amendes et même arrestations ou bastonnades parfois mortelles: la liste des griefs contre eux est longue.

Ce climat de menaces et d'exactions suscite l'inquiétude de la communauté internationale, ONU en tête.

Cette année, "le nombre d'incidents à motivation politique impliquant les +Imbonerakure+ contre des adversaires politiques présumés a plus que doublé par rapport à la même période de 2013", dénonçait fin juin Ivan Simonovic, sous-secrétaire général de l'ONU aux droits de l'Homme, à l'occasion d'une visite au Burundi.

Le Bureau des Nations unies au Burundi a recensé 57 incidents de ce genre au premier semestre 2014.

Quant au président de la principale organisation burundaise de défense des droits de l'Homme, Pierre-Claver Mbonimpa, il est écroué depuis mai pour "atteinte à la sûreté de l'Etat" pour avoir affirmé que certains de ces jeunes militants recevaient une formation paramilitaire dans l'est de la République démocratique du Congo voisine, au cours de laquelle des armes leur étaient distribuées.

Déjà, une note confidentielle de l'ONU qui a fuité récemment faisait état de la distribution d'armes par le gouvernement à des "Imbonerakure".

Le pouvoir a fermement démenti et la ligue de jeunesse balaie les accusations contre elle, les attribuant à des "ennemis du Burundi et de la paix".

Pour le président des "Imbonerakure", Denis Karera, les opposants cherchent à les "diaboliser" et les "salir". Ces "politiciens ont peur des +Imbonerakure+, car nous sommes très nombreux", assène-t-il.

Ces jeunes militants, "c'est le vivier, la pépinière du parti au pouvoir, c'est le Burundi de demain", ajoute-t-il. En langue kirundi, "Imbonerakure" signifie "visionnaires".

Sous le couvert de l'anonymat, un fonctionnaire de l'ONU estime à quelque "20.000" personnes la "frange des +Imbonerakure+ qui est susceptible de poser des problèmes et qui est active dans les questions de sécurité".

"Il s'agit de militants composés notamment de démobilisés de l'ex-rébellion du Cndd-FDD (devenue le parti présidentiel, ndlr), utilisés comme une sorte de service d'ordre interne du parti", explique-t-il.

Si les "Imbonerakure" font peur à beaucoup, c'est aussi qu'ils ont été en première ligne au moment des violences qui ont suivi les élections de 2010, boycottées par l'opposition.

En outre, depuis que le parti présidentiel, majoritairement hutu, a été lâché il y a quelques mois par son partenaire l'Uprona, principal parti tutsi, la rupture du fragile équilibre politico-ethnique fait craindre divisions et violences.

Les organisations de la société civile réclament une enquête sur les agissements imputés à la ligue de jeunesse controversée.

"Un +Imbonerakure+ peut bien sûr commettre une bavure" mais il ne faut "pas globaliser", répond leur chef Denis Karera.

Le pouvoir ne semble en tout cas pas près de les laisser tomber. Pour le ministre de l'Intérieur, Edouard Nduwimana, tous les citoyens "sont appelés à participer à la noble tâche de veiller à la sécurité".

esd/tmo/ayv/sba/de

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