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Venezuela : dissensions entre orthodoxes et pragmatiques au sein du "chavisme"

Venezuela : dissensions entre orthodoxes et pragmatiques au sein du "chavisme"

L'exclusion du gouvernement par le président Nicolas Maduro du ministre du Plan Jorge Giordani, marxiste orthodoxe grand ordonnateur de la politique économique au Venezuela depuis 15 ans, a mis au jour les tensions qui secouent le "chavisme" entre pragmatiques et radicaux, dans un contexte de crise économique.

"Le départ de Giordani s'inscrit dans une stratégie destinée à assouplir la politique économique. Et dans le langage marxiste, assouplir signifie faire des concessions au privé", explique à l'AFP l'analyste politique John Magdaleno.

Relevé de ses fonctions la semaine dernière par le président Maduro, M. Giordani était l'un des plus proches collaborateurs du défunt Hugo Chavez (1999-2013). Il est également à l'origine du sévère contrôle des changes en vigueur dans le pays pétrolier depuis 2003, considéré par de nombreux observateurs comme responsable de l'inflation record qui frappe le Venezuela (plus de 60% par an).

Le soir même de l'annonce de son éviction, "Le Professeur" publiait sur un site internet un long texte dénonçant "le manque de leadership" de la présidence générant un sentiment de "carence du pouvoir" et accusant le président de céder au patronat, qui souhaite la fin d'un modèle économique basé sur les expropriations et les contrôles des prix et des changes.

M. Maduro a mis une semaine à répondre. Mais mercredi, il a qualifié M. Giordani et ses quelques soutiens, dont l'ancien ministre de l'Education Hector Navarro, de "vieille gauche".

"Il n'y a aucune justification à ce que des ministres publient des lettres pour détruire la Révolution, pour justifier leurs fautes, leurs erreurs ! J'exige la plus grande loyauté de tous les dirigeants de la Révolution !", a clamé l'héritier du "socialisme du 21e siècle" lors d'un meeting à Maracay (ouest).

Asphyxié par la baisse des réserves en devises, une inflation galopante et des pénuries récurrentes, le gouvernement "applique lentement un plan d'ajustements sous l'impulsion des secteurs pragmatiques. Mais il le fait par nécessité, pas par conviction. Si du jour au lendemain, il trouvait les ressources dont il a besoin, il ferait marche arrière immédiatement", a estimé devant la presse l'économiste Asdrubal Oliveros, directeur de l'institut Econanalitica.

"Il est prématuré de parler de division tant que ne s'est pas produit une fracture concrète, ceci fait partie d'un vieux désaccord. Le +chavisme+ est divisé par quatre grandes lignes, l'une d'entre elles entre orthodoxes et pragmatiques", reprend M. Magdaleno.

Luis Vicente Leon, de l'institut Datanalisis, rappelle qu'il y a "des divisions historiques" au sein du +chavisme+ entre ceux pariant sur un contrôle absolu de l'économie, comme M. Giordani, et ceux préférant une légère ouverture permettant de renouer avec la croissance.

Ces divergences "commencent seulement à se manifester (...) car Chavez était si fort, si charismatique, contrôlait si totalement le pouvoir qu'il contrôlait (aussi) ces divisions. Maduro est moins fort en interne, moins charismatique et tente d'être pragmatique pour résoudre la crise", selon M. Leon.

Le Venezuela, assis sur les plus importantes de réserves de brut au monde, importe la quasi totalité de ce qu'il consomme.

Face à l'inflation, le président Maduro a ordonné ces derniers mois des assouplissements dans le contrôle des changes, des mesures toutefois insuffisantes selon le secteur privé et la plupart des économistes.

"Le départ de Giordani peut mener à une flexibilisation du marché des changes" via "une méga-dévaluation qui aurait des conséquences sociales", indique M. Magdaleno.

Le Venezuela "nécessite un programme d'ajustements (économiques) qui va faire enrager tous ceux qui publient des lettres ouvertes en ce moment", avertit M. Leon.

Les analystes sont d'accord cependant pour estimer que M. Giordani, malgré son honnêteté - il a dénoncé plusieurs cas de corruption -, ne dispose pas des forces nécessaires pour conduire à une rupture qui mette en danger Nicolas Maduro.

Pour Luis Vicente Leon, le vrai risque réside dans la réaction de la population, qui pourrait virer à l'émeute, épuisée de ne pas trouver de lait dans les commerces ou d'attendre des heures pour être traitée dans les hôpitaux.

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