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Darco: un graffeur condamné devenu artiste respectable

Darco: un graffeur condamné devenu artiste respectable

Passé de la rubrique faits divers aux pages culture, Darco, premier graffeur condamné en France pour avoir dégradé du mobilier urbain, avant de voir ses oeuvres exposées dans les plus grands musées, continue de défendre à 45 ans un art "mal compris".

"Je n'ai jamais cherché à travers mon art à enfreindre la loi. Je voulais juste peindre en grand", explique d'emblée de sa voix douce le blond quadragénaire dont les oeuvres sont exposées depuis le début de l'été à Saint-Cloud, près de Paris où il a élu domicile.

Barbe de trois jours, cheveux vaguement en bataille, le graffeur, qui en veste de jean, qui ne fait pas son âge, mêle dans cette exposition peintures sur toile et graffs tape à l'oeil projetés à la bombe.

Vingt-cinq ans en arrière, cet exercice lui avait valu d'être condamné à payer 25.000 francs à la SNCF pour frais de réparation après la découverte de graffitis sur un pont et un transformateur de la compagnie ferroviaire.

Largement médiatisée, cette première judiciaire était "très symbolique", selon Karim Boukercha, auteur d'un livre retraçant l'histoire du graff.

"Darco devait servir d'exemple, mais il a été mal choisi car on a découvert un artiste au style singulier qui ne correspondait pas à l'image que la société pouvait se faire du tagueur", relève le spécialiste pour qui l'artiste au visage d'ange a influencé avec ses lettres calligraphiées plusieurs générations de graffeurs, devenant "une référence".

Finalement la peine est commuée en travail d'intérêt général et voilà le jeune homme, qui déjà signe sous son nom d'artiste, contraint de peindre des fresques sur les murs de la gare du Nord à Paris... Une visibilités inespérée pour celui qui trois ans plus tôt avait connu "l'humiliation" pour les mêmes raisons.

A 17 ans, l'adolescent timide, né à Bielefeld, une ville industrielle de l'Allemagne de l'Ouest, était arrêté dans sa salle de classe menotté par les gendarmes, avant d'être relâché grâce notamment au soutien de sa prof de français, discipline avec laquelle il avait pourtant peu d'affinités.

"J'ai toujours trouvé plus simple de m'exprimer par un dessin que par la rhétorique", explique l'artiste autodidacte, qui à son arrivée à Paris, à l'âge de 6 ans, ne parlait pas un mot de français.

Reconnaissant "avoir du mal avec l'autorité", ce fils de marchands de meubles se défend encore aujourd'hui d'avoir voulu être agressif ou destructeur. "Faute d'autorisation, je n'avais pas d'autres choix que de peindre dans la clandestinité", justifie-t-il.

"On commençait à parler des problèmes des banlieues, la culture hip-hop arrivait... on a tout mélangé sans chercher à comprendre", peste cet adepte d'arts martiaux dont le fils poursuit des études en architecture.

Attiré par les onomatopées des bandes dessinées, c'est à l'adolescence en découvrant le film "Warrior" (Les guerriers de la nuit), tourné dans les couloirs tagués du métro new-yorkais, qu'il commence à "égayer" les murs gris de la banlieue parisienne. Très vite viendront les premières commandes.

En 1991 il effectue une fresque pour les décors du film "IP 5" de Jean-Jacques Beinex dans lequel il double aussi l'acteur Olivier Martinez, un tagueur en rupture de ban.

Une dizaine d'années plus tard la consécration se réalise: ses oeuvres sont exposées à Paris au Grand Palais ou au Palais de Tokyo, dans des galeries de Bosnie, de Croatie, des Etats-Unis... Il peint aussi des fresques en Australie dans le cadre des jeux Olympiques.

Darco accompagne le développement du mouvement pictural, qui loin d'être un phénomène de mode envahit tous les champs de la société. C'est ainsi qu'il est sollicité par des marques de luxe soucieuses de dépoussiérer leur image.

Entre la remise au goût du jour de flacons de parfum et les vitrines d'un célèbre maroquinier français installé à Dubaï, l'artiste finira par gagner ses lettres de noblesse.

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