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Les jeunes appelés sud-coréens sous la menace du feu à la frontière avec le Nord

Les jeunes appelés sud-coréens sous la menace du feu à la frontière avec le Nord

La récente virée meurtrière d'un appelé sud-coréen pose une nouvelle fois la question du stationnement des jeunes recrues à la frontière avec la Corée du Nord, dernier "mur" de la Guerre froide.

Nul ne connaît encore les raisons profondes, intimes, qui ont conduit ce sergent de 22 ans à abattre cinq de ses collègues de régiment et en blesser sept autres la semaine dernière.

Pourquoi ce passage à l'acte extrême et définitif alors qu'il ne lui restait plus que quelques mois de service à effectuer sur les 24 de rigueur pour tous les Sud-Coréens de 18 à 35 ans aptes à porter l'arme?

Dès après la tuerie, des responsables militaires ont dressé le portrait d'un jeune homme en marge, mal adapté à la vie de caserne, dont les psychiatres de l'armée avaient signalé la fragilité à ses supérieurs.

Son cas n'est pourtant pas isolé. Plusieurs incidents de même nature se sont produits au cours de la dernière décennie dans ce pays où les conscrits représentent le gros des 690.000 personnels d'active.

Cha Myung-Ho, un psychiatre exerçant de longue date auprès des appelés, met en exergue leur stress intense lorsque, au sortir d'une adolescence confortable et protégée, ils se retrouvent à portée de fusil nord-coréen sur la frontière que Bill Clinton a dépeint comme "l'un des endroits les plus effrayants au monde".

Erigée à la fin de la guerre de Corée (1950-53), cette bande de terre de 4 km de large et de 248 km de long située à quelques dizaines de kilomètres au nord de Séoul est parsemée de barrières électrifiées, des champs de mines et des murs antichars pour tenter de ralentir une éventuelle attaque venue du nord.

"Ces jeunes hommes font face à l'ennemi sur la dernière frontière de la Guerre froide, c'est une situation très angoissante", analyse le professeur Cha.

Dans de nombreux pays modernes et prospères, le service est vécu par maints appelés comme une contrainte, une perte de temps ou une violence, mais le contraste est d'autant plus flagrant en Corée du Sud entre la vie civile et le régime militaire que les conscrits sont exposés, ou peuvent l'être, au combat et à la mort.

"Ils sont tout à coup plongés dans cet environnement hostile, difficile, souvent totalement contre leur volonté", souligne Cha Myung-Ho.

En mai 2010, 46 marins dont 16 appelés avaient péri dans le naufrage de leur navire. La Corée du Sud a accusé le Nord de l'avoir coulé, ce qu'il n'a cessé de démentir.

En novembre de la même année, l'artillerie nord-coréenne avait fait pleuvoir les obus sur une île frontalière sud-coréenne, faisant deux morts, des jeunes appelés.

Au surplus, l'armée sud-coréenne a fermé les yeux pendant des décennies sur le harcèlement des "bleusailles" dans les chambrées et le suicide des plus fragiles n'entrevoyant de fin à leur martyre que dans la mort.

Même si des mesures ont été prises ces dernières années pour éradiquer ce que l'armée elle-même a appelé "une culture militaire dévoyée", la détection des conscrits en situation de détresse reste aléatoire.

"Ils ont renforcé leurs moyens psychothérapeutiques (...) mais aucun effort général et coordonné n'a été entrepris", affirme le psychiatre. "Beaucoup (de cadres militaires) se plaignent de ne pas avoir le temps ou l'énergie de s'occuper à la fois de santé mentale et d'entraînement au combat".

Afin d'éviter la prison, l'immense majorité des jeunes répond à l'appel à servir sous les drapeaux.

Mais des centaines d'entre eux cherchent à se faire réformer, quel qu'en soit le prix, comme de se mutiler ou cesser de s'alimenter. Au désespoir, certains se sont fait tatouer les symboles d'un groupe mafieux dont les membres étaient le plus souvent déclarés inaptes à endosser l'uniforme.

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