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En Malaisie, les chrétiens perdent leur bataille pour utiliser le mot "Allah"

En Malaisie, les chrétiens perdent leur bataille pour utiliser le mot "Allah"

La plus haute juridiction de Malaisie a rejeté lundi un ultime recours de chrétiens qui réclamaient le droit d'utiliser le mot "Allah" dans ce pays à majorité musulmane, mettant un terme à des années de procédures à l'origine de tensions religieuses.

Dans un arrêt très attendu par les communautés chrétiennes et musulmanes du petit Etat d'Asie du Sud-Est, la Haute Cour de justice a écarté la demande déposée par une publication catholique locale, l'édition en langue malaise du journal The Herald, sur fond de critiques de minorités religieuses dénonçant une montée de l'islamisation en Malaisie.

La publication réclamait la levée de l'interdiction d'utiliser le mot "Allah" ("Dieu", en arabe) dans ses colonnes, arguant que celle-ci était anticonstitutionnelle. Elle a fait valoir que ce terme était employé depuis des siècles par les chrétiens de Malaisie, une minorité religieuse de 2,6 millions de personnes dans ce pays de 28 millions d'âmes.

Mais la Haute Cour basée à Putrajaya, capitale administrative du pays, a confirmé la décision d'une cour d'appel qui s'était prononcée pour l'interdiction instaurée par le gouvernement.

"Elle (la cour d'appel) a appliqué les critères juridiques adéquats, et il n'est pas de notre ressort de nous ingérer" dans ces affaires, a déclaré le chef de la Haute Cour de justice, Arifin Zakaria.

La décision de la Haute Cour a fait l'objet d'une discussions entre les sept hauts magistrats qui n'étaient pas tous d'accord: "Par une majorité de quatre contre trois, la requête est rejetée", a précisé M. Zakaria.

Des experts ont estimé qu'il s'agissait d'un "vote gagnant" pour le gouvernement.

Mais l'un des avocats de la publication chrétienne, S. Selvarajah, a aussitôt indiqué qu'il allait explorer les voies de recours pour contester cette décision en dernier ressort.

"C'est une interdiction totale, les non-musulmans ne peuvent pas utiliser le mot ("Allah"), cela a un impact majeur", a estimé l'avocat.

L'arrêt rendu par la Haute Cour de justice "n'a pas abordé les droits fondamentaux des minorités", a déploré le rédacteur en chef de la publication, le Père Lawrence Andrew, se disant "très déçu" par cette décision.

A l'inverse, une centaine de musulmans ont acclamé la décision à l'extérieur de la Haute Cour délimitée par un périmètre de sécurité, par craintes d'actions violentes.

"Je suis très satisfait et heureux que nous ayons gagné. J'espère qu'on cessera de parler de cela", a déclaré à l'AFP Ibrahim Ali, chef du groupe de défense des droits des musulmans Perkasa.

"Nous devons défendre +Allah+ car c'est notre obligation religieuse. J'espère que d'autres communautés, incluant les chrétiens, comprennent cela", a-t-il ajouté.

Le conflit avait éclaté en 2007 avec une directive du ministère de l'Intérieur révoquant l'autorisation du Herald d'utiliser le mot "Allah" dans son édition en malais. Le journal catholique avait alors saisi un tribunal et obtenu gain de cause en 2009, jugement qui a enflammé les tensions par la suite.

Une série d'attaques ont été commises contre des lieux de culte, pour l'essentiel des églises visées par des cocktails molotov, des jets de pierres et de peinture, faisant craindre un conflit multiconfessionnel.

Sur le terrain juridique, la bataille s'est poursuivie et l'interdiction controversée a été réinstaurée en 2013.

La Malaisie a évité les conflits religieux au cours des dernières décennies, mais des minorités se plaignent de plus de la restriction de leurs droits, considérée par certains comme une islamisation du pays.

Le Premier ministre Najib Razak, qui a pris ses fonctions en 2009, est revenu sur sa rhétorique initiale de réformes et de conciliation, afin de satisfaire les partisans de la ligne dure de son mouvement, l'Organisation pour l'unité nationale de la Malaisie (UMNO), virtuellement au pouvoir depuis l'indépendance du pays en 1957.

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