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L'archipel de Lamu, joyau kényan, pleure ses touristes disparus

L'archipel de Lamu, joyau kényan, pleure ses touristes disparus

Le tourisme "est totalement mort" à Lamu après de récentes attaques sanglantes dans la région, soupire Ziwa Abdallah Mohamed, guide depuis 40 ans sur l'archipel kényan, où il a vu débarquer au début des années 1970 les premiers touristes hippies.

Devenu alors l'une des capitales du "Peace and Love", ce joyau naturel et historique baigné par l'océan Indien est désormais associé à la violence: celle des islamistes shebab liés à Al-Qaïda, dont la Somalie d'origine n'est qu'à une centaine de kilomètres.

En 2011, des enlèvements meurtriers d'Occidentaux avaient déjà chassé les touristes et plusieurs pays occidentaux avaient classé l'archipel en "zone rouge". "Le tourisme s'était totalement effondré", avant de repartir "petit à petit" l'an dernier, se rappelle Ziwa Abdallah Mohamed.

Mais les deux raids nocturnes qui ont fait une soixantaine de morts, dimanche et lundi, dans la localité de Mpeketoni - sur le continent, à une trentaine de kilomètres à vol d'oiseau de l'île de Lamu - et alentour, ont eu raison de ses derniers espoirs.

"Je ne pense pas que nous aurons de nouveau des touristes ici", dit-il, se remémorant avec nostalgie le début des années 1970, quand "200 touristes débarquaient en bus chaque jour" et dormaient sur les toits-terrasses des hôtels pour des prix dérisoires.

Les attaques "auront un impact à long terme, les gens mettront du temps à oublier", confirme Aswif Omar, "capitaine" de la flotte "I'll Be Back" ("Je reviendrai").

Ses six hors-bord font la navette entre le continent et la vieille ville de Lamu, dont les murs de pierre corallienne remontant au XIIe siècle et les portes de bois ouvragé sont inscrits au patrimoine mondial de l'humanité, ou entre les différentes îles.

Qu'elles soient le fait des shebab - comme le revendiquent les islamistes - ou de réseaux politico-criminels locaux - comme l'assure le pouvoir -, les dernières violences tombent au pire moment.

A Lamu, décrit par l'Unesco comme le plus ancien et le mieux préservé des lieux de peuplement swahili d'Afrique orientale, la saison touristique s'ouvre traditionnellement le 1er juillet pour se terminer en mars.

"Nous avions eu une superbe saison d'été l'an dernier et nous attendions cette nouvelle saison avec impatience", explique Aswif Omar.

Mais les attaques ont provoqué "un grand nombre d'annulations". Un groupe de touristes a annoncé qu'il ne venait plus, deux mariages devant réunir une centaine de personnes ont été annulés et un anniversaire pour des étrangers vivant à Nairobi semble compromis.

Selon lui, les principaux hôtels haut de gamme et les villas traditionnelles à louer du village de Shela, à environ trois kilomètres au sud de Lamu, réputé pour sa longue plage de sable blanc, sont vides ou presque jusqu'en août au moins.

Un important hôtel avait 27 réservations en juillet: seules deux sont maintenues. Et les employés de certains établissements ont été priés de rester chez eux "jusqu'à nouvel ordre".

A Shela et sur la presqu'île de Manda qui lui fait face, les riches propriétaires européens et américains - dont plusieurs célébrités - des luxueuses villas en bord de mer n'ont pas été aperçus depuis un moment, constate Ziwa Abdallah Mohamed.

Dans la vieille ville de Lamu, la situation n'est pas meilleure pour Jeff Yaa, gérant de l'hôtel Bahari, modeste établissement de 16 chambres.

"A Noël, on était vide", s'afflige-t-il, et après les attaques de Mpeketoni, un groupe de 20 Allemands, des clients réguliers, vient d'annuler.

"Le tourisme est la principale source de revenus (...) Si les touristes ne viennent pas à Lamu, plus personne ne gagne d'argent", souligne Aswif Omar, qui envisage de commencer la saison avec deux employés seulement, au lieu des six habituels.

L'archipel est une perle du tourisme kényan, un secteur en pleine déconfiture: en 2013, le pays a reçu à peine plus d'un million de visiteurs, une baisse de 11% en un an attribuée par le gouvernement aux "menaces terroristes", qui ont aussi durement affecté la côte, plus au sud, d'où des touristes britanniques ont même été évacués récemment.

A Lamu, 70 à 80% des 20.000 habitants vivent directement du tourisme, mais quasiment tous en sont tributaires, insiste Ziwa Abdallah Mohamed.

"Les deux activités à Lamu sont le tourisme et la pêche. Mais s'il n'y a plus de tourisme, pour qui pêcher?"

ayv/tmo/mba

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