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Les origines de la Grande Guerre: explications d'historiens

Les origines de la Grande Guerre: explications d'historiens

Quelles sont les causes profondes de la Première guerre mondiale, et les responsabilités immédiates dans son déclenchement? Explications à l'AFP des historiens allemand Gerd Krumeich, professeur à l'Université de Düsseldorf, et irlandais John Horne, professeur au Trinity College de Dublin:

Gerd Krumeich :

"Ce sont sans aucun doute les rivalités nées de l´impérialisme des nations européennes qui sont à l'origine du conflit.

L'équilibre européen du début du siècle est perturbé par la volonté de l´Allemagne, devenue première puissance industrielle d'Europe, de se doter d'un empire colonial à la mesure de son dynamisme. Car elle procède assez agressivement face aux autres puissances : elle se lance dans une course à l'armement naval qui inquiète la Grande-Bretagne, va disputer à la France des territoires africains, aider la Turquie ottomane, grande rivale de la Russie, à moderniser son armée.

Ces tentatives sont contrées par les autres puissances, et l'Allemagne en sort frustrée. Elle se sent cernée par les Anglais, les Français et les Russes, qui, se sentant eux-mêmes menacés par les ambitions allemandes, font bloc contre Berlin. Cela accélère une course aux armements en 1912/1913, accompagnée d'une flambée de nationalisme en Allemagne et en France.

En juillet 1914, il me semble indéniable que ce sont les Allemands qui appuient sur le bouton +Guerre+. Ils refusent en effet, du début à la fin de la crise créée par l'assassinat de l'archiduc François Ferdinand à Sarajevo, toute négociation qui laisserait la Serbie survivre à la pression guerrière de l´Autriche-Hongrie.

Vienne décide de profiter de l'attentat pour mater la Serbie, devenue depuis les guerres balkaniques un inquiétant voisin prônant des idées +pan-serbes+ qui risquent de désintégrer l´Empire multinational austro-hongrois. L´Allemagne, alliée de Vienne, considère que cette affaire est une excellente occasion pour tester les intentions russes: si la Russie protège la Serbie contre l´Autriche-Hongrie, ce sera la guerre. Si au contraire la Russie renonce à intervenir et laisse les forces austro-hongroises écraser la Serbie, Saint-Pétersbourg sortira amoindri de la crise et ce sera encore mieux.

Ce calcul allemand est inspiré par les militaires, qui ne cessent d´affirmer qu'une guerre européenne est inéluctable et qu'il serait préférable pour l'Allemagne qu'elle intervienne le plus rapidement possible.

La Russie, confortée par le soutien que lui a marqué la France durant la crise, va pourtant prendre le risque d'une réponse musclée dans l'espoir d'intimider Vienne: elle décide, la première, une mobilisation générale tout en continuant à proposer des négociations.

Mais cette mobilisation enclenche en fait le plan de guerre allemand, le +Plan Schlieffen+, qui prévoit que l'Allemagne, face à une menace russe, doive attaquer d'abord et battre rapidement la France pour pouvoir ensuite retourner toutes ses forces contre la Russie, éliminant le cauchemar d'une guerre sur deux fronts.

John Horne :

"Depuis des décennies, une rivalité idéologique oppose le principe dynastique et multi-ethnique des empires d'Europe orientale à celui de la nationalité, incarné par les Etats-nations occidentaux et fondé sur le principe de la souveraineté populaire. Le nationalisme qui prend forme dans les Balkans et en Europe de l'Est menace particulièrement l'Autriche-Hongrie.

Par ailleurs, l'équilibre européen a été profondément modifié par l'unification de l'Allemagne en 1871, qui lui permet de devenir une grande puissance alors que la France décline lentement. Les rivalités coloniales et économiques exacerbent les tensions.

Un équilibre entre deux camps armés s'installe progressivement, régulé par une concertation entre les grandes puissances pour éviter que les crises régionales ne mettent le feu au continent. Cette concertation va encore fonctionner pour les guerres balkaniques en 1912-13. Mais en juillet 1914 le verrou de sécurité saute.

Le rôle des Autrichiens et surtout des Allemands --sans l'approbation desquels aucune action autrichienne n'était pensable-- reste fondamental dans le déclenchement du conflit.

Les responsables européens ont considéré la guerre comme une option rationnelle, un pari sans doute, mais qui ne transformerait pas la nature même du monde dans lequel ils vivaient.

S'ils avaient compris la nature de la guerre future, ils ne s'y seraient sans doute pas engagés de façon si désinvolte...

lma/phv

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