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En Afrique du Sud, la longue marche de 500 statues vers la liberté

En Afrique du Sud, la longue marche de 500 statues vers la liberté

Parce que son père, une figure de la lutte anti-apartheid, le lui a ordonné depuis sa tombe, Dali Tambo s'est mis en tête de faire défiler aux portes de Pretoria une longue procession de statues se dirigeant vers la liberté du peuple sud-africain.

Il compte ériger dans un parc de la capitale pas moins de 500 statues de bronze de héros plus ou moins connus de la lutte contre la suprématie blanche, depuis l'arrivée des premiers colons hollandais au XVIIe siècle.

Dali Tambo, un présentateur de talk-shows à la mode reconverti dans le tourisme commémoratif, est le fils d'Oliver Tambo (1917-1993), un compagnon de Nelson Mandela qui a dirigé les activités en exil de l'ANC, et dont l'aéroport de Johannesburg porte aujourd'hui le nom.

"Je suis allé sur la tombe de mon père, et déplorais qu'il n'y avait pas de statue de lui dans le pays, grandeur nature. Et je lui ai dit que je lui en ferais une", a-t-il raconté à l'AFP. "Il me parle toujours quand je vais me coucher, et ce soir-là, le message que j'ai reçu était: +Ne le fais pas pour moi, fais-le pour tous ceux qui ont participé à notre lutte!+"

D'où cette idée de "Monument du patrimoine national" avec son grand cortège de statues. "C'est une longue marche vers la liberté", sourit Dali Tambo, paraphrasant le titre de l'autobiographie de Nelson Mandela, "Un long chemin vers la liberté".

Mandela? "Il sera en première ligne, avec d'autres de sa génération qui ont apporté la démocratie", note-t-il. Avec son père, donc.

Une cinquantaine de statues ont été fondues jusqu'à présent, dont les premières ont été présentées au congrès de l'ANC fin 2012.

Dali Tambo les veut réalistes, vivantes. Il veut que le public puisse les toucher, et se les approprier.

Les premières devraient être installées dans quelques mois à Fountains, un parc de la périphérie de Pretoria, populaire pour ses braais (barbecues) du week-end. L'inauguration, avec environ 200 statues, est annoncée pour la fin 2015, l'aménagement devant se poursuivre jusqu'en 2020. Car il s'agit aussi de construire un centre d'accueil des visiteurs, un parc aquatique, un hôtel cinq étoiles...

"Nous voulons faire un pôle touristique", note Dali Tambo qui prévoit des billets combinés permettant de visiter d'autres attractions de Pretoria, et notamment le Voortrekker Monument, mastodonte à la gloire de l'ancien pouvoir des Afrikaners qui se dresse toujours sur la colline d'en face.

Un comité comprenant des universitaires doit choisir qui sera statufié. De Mandela à la chanteuse Miriam Makeba, en passant par des étrangers comme l'ancien Premier ministre suédois Olof Palme, pour son engagement actif contre l'apartheid, jusqu'à quelques jours encore avant son assassinat. Sans oublier ceux qui ne sont pas encore morts, mais qui devraient rejoindre le défilé, comme le prix Nobel de la paix Desmond Tutu. Pour les immortaliser, Dali Tambo veut des artistes sud-africains, et a entrepris de former des Noirs à la sculpture classique.

Le coût? De 600 à 700 millions de rands (près de 50 millions d'euros), une somme en Afrique du Sud où un quart des habitants ont faim. "Est-ce qu'on les a? Non", rit-il. "Nous en sommes encore au stade du schéma directeur!" Il espère un mélange de fonds publics et privés, et même des dons venus de l'étranger.

"Ce n'est pas le projet de Dali (Tambo), c'est un projet du ministère de la Culture", insiste-t-il. Au dit ministère, on confirme avoir avalisé l'idée, sans toutefois avoir débloqué d'argent pour le moment.

Le Monument du patrimoine national fait grincer quelques dents. Ceux qui ne trouvent pas les statues du meilleur goût, et ceux qui accusent son investigateur de s'enrichir grâce à ses relations au sein du gouvernement ANC, à qui il vient de fournir coup sur coup la statue monumentale de Mandela érigée devant la présidence à Pretoria et un buste du grand homme installé devant le Parlement au Cap.

Dali Tambo admet volontiers qu'il connaît tout l'ANC, ce qui aide. "Aurais-je réussi sinon? Je le crois. L'idée se vend d'elle-même", répond-il cependant.

Sa compagnie, qui produit les statues, ne fait pas de bénéfice dans l'opération, souligne-t-il. Mais elle le salarie.

Le parc de Pretoria n'est pas encore ouvert que celui qui se décrit comme un "entrepreneur du patrimoine" se projette déjà ailleurs. "J'ai des amis aux Etats-Unis qui me demandent d'aller faire la même chose là-bas. De l'esclavage à Obama, c'est aussi une longue marche. J'ai un ami juif qui me demande de le faire en Israël."

liu/cpb/cac

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