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Sorties de la crise aigüe, zone euro et BCE sont entrées dans une zone de danger larvé

Sorties de la crise aigüe, zone euro et BCE sont entrées dans une zone de danger larvé

L'arsenal historique de mesures mis en place jeudi par la BCE montre que la zone euro, si elle n'est plus en guerre ouverte contre les marchés, est tombée dans une nouvelle zone de danger plus larvé, celui de la déflation.

"Nous ne sommes plus dans l'acuité de la crise mais dans quelque chose de plus larvé et de potentiellement plus dangereux", explique Isabelle Job-Bazille, directrice des études économiques au Crédit agricole.

Le président français François Hollande ne s'y est pas trompé, lui qui a tenu jeudi dans une déclaration inhabituelle à "saluer" les annonces de la Banque centrale européenne, qui, a-t-il dit, "a eu conscience que le danger, ce n'est pas l'inflation, c'est la déflation". Le ministre des Finances Michel Sapin comme celui de l'Economie Arnaud Montebourg y sont aussi allés de leur satisfecit.

A première vue pourtant, la zone euro se porte mieux: les taux d'intérêt se sont assagis, les pays de la périphérie commencent à se passer de l'aide internationale, et une faible croissance revient.

Mais "la reprise est très fragile, très faible", sans compter le chômage de masse et le risque de "tomber du mauvais côté", dans une vraie spirale de déflation, de baisse généralisée et prolongée des prix, note Mme Job-Bazille.

Avec une hausse annuelle des prix de seulement 0,5% en mai, et une croissance très molle (0,2% au premier trimestre), la zone euro est "extrêmement vulnérable à tout choc, notamment extérieur", par exemple un gros raté de croissance en Chine, ou une crise géopolitique, qui la ferait glisser en déflation, poursuit l'économiste.

"Il vaut mieux prévenir que guérir la déflation", souligne-t-elle encore, rappelant que ce phénomène de dépression générale de l'économie, qui paralyse l'activité et alourdit le poids des dettes, une fois installé, est extrêmement tenace. Le Japon l'a subi pendant deux décennies.

Message reçu à Francfort, donc, puisque la Banque centrale européenne a annoncé un arsenal de mesures d'une portée historique, dont l'abaissement à -0,10% d'un taux directeur, 400 milliards d'euros de prêts aux banques, et un programme de rachat d'actifs encore en préparation.

Ces initiatives sont "plus agressives que prévu", estiment les analystes de la banque HSBC dans une note de commentaire.

La BCE "veut absolument éviter de se retrouver à un cheveu de la déflation", à un moment boù l'inflation évolue déjà très loin de son niveau idéal, défini à un peu moins de 2% par Francfort, juge Agnès Bénassy-Quéré, professeur à la Paris School of Economics.

Patrice Gautry, chef économiste d'Union Bancaire Privée, devient lui-même lyrique pour parler d'un "D-Day de la BCE", une allusion à la commémoration du débarquement de juin 1944, et juge que l'institution de Francfort "écrit une nouvelle page de l'histoire monétaire européenne."

Pour Christopher Dembik, analyste chez Saxo Banque, les mesures annoncées par le patron de la BCE Mario Draghi sont "exceptionnelles et répondent certainement à une urgence économique qui n'a pas été encore complètement appréhendée par tous".

Mais il met en garde contre les conséquences à long terme : "En tentant de régler la crise de 2007, on crée le terreau propice aux crises futures sous l'effet de l'afflux de liquidités partout dans le monde."

Pour Olivier Passet, de la société d'études économiques Xerfi, "attendre tout des banques centrales, c'est croire au fond que l'on peut guérir le mal par le mal", écrit-il, rappelant que la crise de 2007 a justement été suscitée par une situation d'"hyper-liquidités".

"Un point de croissance supplémentaire des salaires allemands aurait bien plus d'effets sur la croissance et l'inflation européenne que tout l'attirail technique d'un Draghi, même bienveillant", assure-t-il.

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