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Autour d'un squat évacué, une flambée de colère dans un quartier de Barcelone

Autour d'un squat évacué, une flambée de colère dans un quartier de Barcelone

"Les gens se fatiguent de recevoir des coups, et à la fin, ça explose", lance Pau Guerra, un représentant de l'immeuble de Can Vies, un squat emblématique de Barcelone occupé depuis 17 ans, dont l'évacuation lundi a provoqué une flambée de colère dans le quartier.

Sants, une ancienne commune rattachée à Barcelone en 1897, pour devenir un quartier populaire, animé par un solide tissu social et associatif, s'était approprié au fil des années cet immeuble de Can Vies, un petit bâtiment de style colonial aux balcons de fer forgé.

Occupé depuis 1997 par des groupes de la gauche radicale, l'immeuble aux murs colorés de tags était devenu un centre social apprécié des habitants du quartier, organisant des concerts, projections de films ou débats.

Mais depuis lundi, le paysage a changé. Suivant un ordre d'expulsion, les policiers ont évacué les occupants, laissant place aux engins de démolition.

Depuis, jour et nuit, des groupes de jeunes soutenus par des riverains manifestent autour de l'immeuble. Depuis les balcons, certains habitants n'hésitent pas à insulter ou jeter des projectiles sur les forces de l'ordre.

Trois soirs de suite, des incidents ont éclaté, opposant les Mossos, les policiers catalans, aux manifestants qui laissaient derrière eux des dizaines de poubelles brûlées, des vitrines de banques vandalisées.

"Ce ne sont pas seulement des manifestations contre une expulsion. L'expulsion, c'est un coup de plus après la crise économique, les coupes budgétaires dans la santé et l'éducation, les expulsions" de propriétaires surendettés, affirme Pau Guerra.

Le propriétaire de l'immeuble, TMB, l'entreprise qui gère les transports publics de Barcelone, avait décidé en 2006 de le récupérer pour le détruire afin de réaménager le paysage urbain, dans ce secteur où passent plusieurs lignes de métro et de chemin de fer, proche de la gare de Sants, la plus importante de Barcelone.

Après des mois de négociations entre la mairie, TMB et les squatteurs, un tribunal a fixé à lundi la date pour l'expulsion. La démolition a commencé, sous fort déploiement policier.

"Je crois que le dispositif policier a été excessif et n'a fait qu'accroître la colère des habitants", affirme Olga Alcaraz, une riveraine de 45 ans. "Ce n'est pas un quartier attirant et la police, nous la voyons peu, sauf quand il se passe des choses comme ça".

A l'intérieur de l'immeuble, construit en 1897, plusieurs ouvriers travaillent à la démolition, près de l'épave d'une pelleteuse, incendiée par les manifestants.

"La violence dans cette ville est absolument inacceptable", a averti mercredi le maire conservateur de Barcelone, Xavier Trias.

Jeudi, après les violences nocturnes durant lesquelles une trentaine de personnes ont été interpellées et 14 blessées, le porte-parole du gouvernement catalan, Francesc Homs, dénonçait "des gens qui se préparent spécialement et profitent du moment propice pour provoquer des incidents".

"C'est une attaque contre un modèle alternatif de quartier et de ville", rétorque Pau Guerra.

Dans le quartier, les événements sont sur toutes les lèvres, les avis partagés. "Ils ne gênaient pas", remarque Anna Vidal, une femme au foyer de 62 ans, pas tout à fait d'accord pourtant. "Les manifestations ont été excessives. Si mes enfants se comportaient de cette manière, je leur donnerais une bonne correction", assure-t-elle.

Pour Lorena Alvarez, une fonctionnaire de 30 ans, "il n'était pas nécessaire de détruire l'immeuble". "Ils ne faisaient de mal à personne. Les gens étaient contents et on ne sait même pas ce qu'ils vont construire à la place", dit-elle.

Malgré le développement de Barcelone, deuxième ville d'Espagne, malgré l'urbanisation qui a accompagné l'expansion de la gare, point de départ des trains à grande vitesse vers Madrid et vers la France, Sants garde un fort esprit de quartier.

"Sants est un quartier très combatif et le tissu associatif y a toujours été très serré. Durant 17 ans, le centre Can Vies s'était parfaitement intégré dans ce tissu", souligne Pau Guerra.

"Je vois l'immeuble à moitié détruit et j'ai les larmes aux yeux", confie Dani Duarte, un manifestant de 18 ans, qui se souvient "être venu là pour des concerts, pour danser avec des amis".

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