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Inde: les Occidentaux vont devoir composer avec Modi, l'ancien indésirable

Inde: les Occidentaux vont devoir composer avec Modi, l'ancien indésirable

La victoire historique de Narendra Modi aux élections législatives en Inde met dans une position délicate les dirigeants occidentaux, qui ont pendant des années évité le nationaliste hindou, mais voient dans New Delhi un partenaire incontournable.

Barack Obama en tête, les Occidentaux ont félicité et invité le vainqueur des élections indiennes, soulignant leurs intérêts communs avec la plus grande démocratie du monde. Les mêmes, il y a encore peu de temps, traitait Narendra Modi, futur Premier ministre, comme un paria depuis les émeutes qui avaient ensanglanté en 2002 l'Etat du Gujarat. Plus de 1.000 personnes avaient alors été tuées, essentiellement des musulmans, et Modi, qui dirige le Gujarat depuis 2001, était accusé d'avoir encouragé les violences.

Les responsables américains "ont douloureusement conscience du fait qu'ils ont un gros handicap parce qu'ils n'ont aucune relation avec Modri et qu'ils ne le connaissent pas vraiment", pointe Milan Vaishnav, du Carnegie Endowment for International Peace. "Ils vont tâcher d'y remédier au plus vite".

A mesure que la probable victoire du Bharatiya Janata Party (BJP) de Modi se dessinait, les Etats-Unis se sont pressés de corriger le tir: alors ambassadrice dans le pays, Nancy Powell a rencontré le nationaliste hindou en février, et le département d'Etat a clairement affirmé qu'il n'aurait aucun problème de visa en tant que Premier ministre --les autorités américaines lui en avaient refusé un en 2005.

Les ambassadeurs britannique et français avaient eux aussi rencontré Narendra Modi avant les élections.

Un câble diplomatique américain confidentiel de 2005 --révélé par WikiLeaks-- mettait en garde contre le fait qu'un BJP dirigé par Modi serait "plus anti-américain et moins coopératif avec les Etats-Unis". C'est pourtant lorsque le parti nationaliste hindou était pour la dernière fois à la tête de l'Inde, avec Atal Behari Vajpayee entre 1998 et 2004, que les relations américano-indiennes se sont particulièrement réchauffées.

Modi, qui a une faible expérience internationale et qui n'est pas connu pour être très à l'aise en anglais, au contraire de Manmohan Singh, auquel il va succéder, s'est récemment prononcé pour des relations internationales fondées sur les intérêts plutôt que sur les individus --un commentaire, espèrent des diplomates américains, laissant penser qu'il ne sera peut-être pas rancunier.

Ex-responsable du département d'Etat spécialisée dans l'Asie du Sud et aujourd'hui membre du Council on Foreign Relations, Alyssa Ayres juge que la priorité donnée à l'économie par Modi lui donne l'image d'un "pragmatique". "Pendant un moment, beaucoup de gens vont se demander comment il va gouverner --est-ce que ce sera +les Hindous en premier+ ou est-ce qu'il gouvernera comme un champion de la diversité indienne?", reconnaît-elle toutefois.

Boycotté par les puissances occidentales, Narendra Modi s'est souvent rendu chez les voisins asiatiques de l'Inde, et est obsédé par l'idée de rattraper le géant chinois. Sa première visite à l'étranger, président des diplomates, pourrait être pour le Japon, dirigé par Shinzo Abe --comme lui, un nationaliste qui a remporté une victoire éclatante grâce à des promesses économiques.

Cette orientation asiatique n'a rien pour déplaire aux Etats-Unis, eux-mêmes lancés par Barack Obama dans une stratégie de rééquilibrage vers ce continent, où plusieurs pays s'inquiètent en outre de l'émergence de la Chine.

"Les intérêts américains et indiens tendent à s'aligner", juge Vikram Singh, vice-président du Center for American Progress, et qui a auparavant oeuvré au Pentagone à ce "pivot" américain vers l'Asie: "Les deux pays veulent une région stable, en paix, et souhaitent travailler ensemble sur leurs menaces communes, comme le terrorisme".

Les relations entre Washington et New Delhi ont pourtant été récemment mises à mal avec l'arrestation en décembre d'une diplomate indienne à New York. Et Narendra Modi doit encore créer des relations personnelles avec les dirigeants étrangers --il en aura peut-être l'occasion lors de l'Assemblée générale des Nations unies, en septembre à New York.

"Il va y avoir une période durant laquelle il faudra apprendre à se connaître", résume Milan Vaishnav. "Il va falloir du temps pour bâtir ces liens que l'on pensait acquis".

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