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Au Nigeria, l'état d'urgence, imposé depuis un an, n'est pas la solution à Boko Haram (experts)

Au Nigeria, l'état d'urgence, imposé depuis un an, n'est pas la solution à Boko Haram (experts)

La prolongation de l'état d'urgence en vigueur depuis un an dans le nord-est du Nigeria, dont les parlementaires nigérians débattaient jeudi, n'apportera pas une solution à l'insurrection islamiste qui ravage cette région, selon les experts.

La demande du président nigérian Goodluck Jonathan de prolonger de six mois les mesures spéciales imposées aux Etats de Yobe, Borno et Adamawa n'est une surprise pour personne.

Tout le monde s'accorde sur la gravité de la crise qui secoue ces trois Etats du Nord-Est, où l'insurrection menée par Boko Haram a fait plusieurs milliers de morts en cinq ans, dont déjà près de 2.000 victimes cette année.

L'enlèvement de plus de 200 lycéennes mi-avril, un des plus choquants menés par le groupe extrémiste, a suscité une attention internationale sans précédent sur cette région.

Mais pour les spécialistes et les observateurs sur le terrain, le président nigérian devrait plutôt renforcer les capacités de l'armée dans le Nord-Est que de prolonger des mesures d'exception qui se sont avérées infructueuses.

Et de nombreux experts et des diplomates étrangers répètent depuis longtemps que la force seule ne viendra pas à bout de l'insurrection islamiste, si rien n'est fait pour le développement économique le Nord, en proie à une grande pauvreté.

"Il est difficile de dire quels ont été les aspects positifs" de cet état d'urgence, estime Nnamadi Obasi, spécialiste du Nigeria à l'International Crisis Group. "C'est plus un acte politique --pour montrer que des actions sont engagées-- sans réelle valeur militaire".

L'instauration de l'état d'urgence dans le Nord-Est, le 14 mai 2013, s'est accompagné d'une vaste offensive militaire contre Boko Haram, mais le président n'a pas engagé assez de moyens dans cette opération militaire, selon certains.

"Le gouvernement fédéral n'a pas fourni l'armement de pointe et les outils de communication nécessaires pour vaincre Boko Haram", a déclaré le gouverneur de Yobe, Ibrahim Geidam, membre de l'opposition, dans un communiqué dans lequel il s'oppose à la prolongation de l'état d'urgence.

Kashim Shettima, son homologue dans l'Etat de Borno, où se concentre la majeure partie des violences islamistes, a déclaré pour sa part que "quand ils sont bien équipés et motivés, les officiers de l'armée nigériane (...) sont plus que capables de vaincre les défis" auxquels ils sont confrontés. "Mais en ce moment, très honnêtement, nous ne sommes pas dans la meilleure position", a-t-il ajouté.

L'armée nigériane avait d'abord considéré son intervention comme un succès, affirmant avoir mis les islamistes hors d'état de nuire dans les grandes villes du Nord-Est et les avoir repoussé dans des régions reculées.

Le réseau de téléphonie mobile avait été coupé, pour empêcher la coordination de nouvelles attaques --ce qui a contribué à isoler encore un peu plus une région très peu équipée de lignes fixes.

Les forces de l'ordre nigérianes ont aussi décidé d'accepter l'aide de milices privées et même de former des jeunes pour les aider dans leur lutte contre les islamistes.

Mais les attaques de Boko Haram ont repris de façon quasi-quotidienne, prenant de plus en plus pour cible les civils.

Pour Marc-Antoine Pérouse de Montclos, spécialiste du Nigeria à l'Institut pour la recherche et le développement, l'état d'urgence a marqué un "vrai tournant" dans "la dérive criminelle" de Boko Haram.

Maintenant, "Boko Haram s'en prend à des villages tout entiers (...) massacrant parfois jusqu'à 200 ou 300 villageois, hommes et femmes" pour se venger de la complicité des civils avec l'armée à travers les milices.

Pour Nnamadi Obasi, les échecs de l'armée dans le Nord-Est sont d'abord dus à "un manque de volonté politique" car cette région, une des plus pauvres du Nigeria, a moins de poids que d'autres.

Les dirigeants de Borno se plaignent depuis longtemps du peu d'attention dont jouit leur Etat, par comparaison, notamment, avec le Delta du Niger, dans le sud du Nigeria, région pétrolifère où les militants armés, qui réclamaient une meilleure répartition des revenus de l'or noir, ont déposé les armes après avoir reçu de grosses sommes d'argent.

"Il est temps de se demander si les leçons des douze derniers mois ont été tirées", a déclaré le gouverneur de l'Etat de Yobe. "La question, de ce fait, n'est pas la prolongation de l'état d'urgence. C'est de savoir si le gouvernement fédéral aura le courage (...) d'explorer de nouvelles méthodes pour mettre fin à l'insurrection".

Dans un rare exercice d'auto-critique, resté apparemment sans suite, le conseiller national nigérian à la sécurité, Sambo Dasuki, avait proposé en mars une "méthode douce" pour combattre Boko Haram, associant un "programme de revitalisation économique", une meilleure communication avec les communautés locales et des efforts de "déradicalisation" des insurgés.

bs/phz/cdc/de

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