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Aidée par l'UE, Las Hurdes a dit "adios" à la misère dénoncée par Buñuel

Aidée par l'UE, Las Hurdes a dit "adios" à la misère dénoncée par Buñuel

Désignant les maisons aux toits d'ardoises, le curé Angel Luis Lorenzo s'émerveille: "Cela n'a plus rien à voir avec Las Hurdes de Buñel", cette région isolée d'Espagne, dont le cinéaste dénonçait dans les années 1930 la "misère désolante".

"Les maisons sont bien construites, les gens sont ouverts, les routes s'améliorent", énumère le prêtre de 37 ans, qui oeuvre depuis cinq ans dans les paroisses du nord de Las Hurdes, aux maisons typiques de pierres que le cinéaste d'origine espagnole qualifiait, dans son célèbre documentaire "Terre sans pain", de "région inhospitalière" aux premières heures de la seconde République.

Si certaines des scènes destinées à dénoncer la dure réalité de cette partie de l'Estrémadure, région du sud-ouest de l'Espagne, ont été exagérées par le réalisateur, le profond développement de cette verte contrée aux ruisseaux abondants, depuis la fin du franquisme (1939-1975) puis l'entrée du pays dans l'Europe (1986), est frappant.

"Avant, nous étions très isolés. La dictature nous avait complétement abandonnés", confie Gervasio Martin, maire socialiste de l'un des plus gros bourgs de Las Hurdes, Caminomorisco, avec environ 1.400 de ses quelque 7.500 habitants.

"Aujourd'hui nous sommes fiers d'être une région comme toutes les autres", ajoute l'élu, au pouvoir dans le village depuis 1987. Un développement atteint en grande partie "grâce aux fonds européens".

Toute l'Espagne a bénéficié des fonds redistribués par Bruxelles, avec quelque 300 milliards alloués depuis 1986.

Le gouvernement espagnol estime qu'environ 7% du total est revenu à l'Estrémadure, petite région d'un peu plus d'un million d'habitants (2,3% de la population totale en 2011).

Avec le développement de son économie, Las Hurdes a réussi à retenir certains de ses jeunes dans une région historiquement marquée par l'émigration.

"J'en ai eu assez de Madrid et je suis revenue", témoigne Soraya Conde, conseillère municipale de 31 ans.

Elle a rejoint Gervasio Martin et d'autres militants socialistes pour coller les premières affiches électorales de son parti dans le centre de Caminomorisco, avant les élections europénnes du 25 mai.

"Nous sommes parmi les premiers à avoir pu aller au lycée ici au lieu de partir à 14 ans" étudier ailleurs dans la région, explique à ses côtés Noelia Martin, 31 ans également, le premier lycée n'ayant ouvert qu'à la fin des années 1990, financé en partie par des fonds européens.

Toutes deux au chômage, elles s'assombrissent pourtant en expliquant que la crise dans laquelle est enfoncée l'Espagne frappe durement leur région.

Malgré les fonds investis ici, l'Estrémadure figurait au 5e rang des régions d'Europe les plus touchées par le chômage en 2013, avec un taux de 33,7%, selon Eurostat.

"La crise de crédibilité de la politique et des élus", qui accompagne les problèmes économiques en Espagne, fait craindre à Gervasio Martin une forte abstention aux européennes. Dans Las Hurdes comme dans le reste du pays, pourtant attaché à l'Europe, les électeurs se mobilisent traditionnellement peu pour ce scrutin.

"C'est triste mais l'Europe paraît lointaine. C'est une erreur selon moi car c'est en Europe que se décide tout ce qui nous concerne mais nous n'avons pas su l'expliquer, nous les politiques", poursuit le maire.

"Je suis très inquiet car une forte abstention discrédite l'Union européenne", réagit Anastasio Marcos, apiculteur "de père en fils depuis quatre générations" pendant qu'il observe la récolte de pollen de ses ruches installées au pied des pins.

Lui vit "dans sa chair" les effets positifs de l'UE.

"Grâce aux aides, nous avons pu réorganiser complètement le secteur et faire de notre activité une activité viable et rentable qui permette à nos familles de vivre ici, dans nos villages".

La coopérative qu'il dirige, Apihurdes, exporte entre 70% et 80% de son miel naturel vers l'Europe et fait vivre "150 familles".

Loin des quelques ruches en liège montrées par Buñuel, l'apiculture représente aujourd'hui environ 30% de l'activité économique de Las Hurdes, soit l'un de ses principaux moteurs, avec le tourisme (environ 20%).

"Ici nous avons été forcés d'avancer très rapidement", souligne Gervasio Martin. "C'est spectaculaire ce que nous avons réussi à faire en 30 ans."

elc/ka/abk

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