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Antoinette et Sobei, miraculés du Vieux Homs dévasté

Antoinette et Sobei, miraculés du Vieux Homs dévasté

Antoinette Farès pesait 77 kilos, elle en fait 45 aujourd'hui. Avec son frère Sobei, ils ont bravé l'enfer du siège du Vieux Homs, afin de ne pas être un fardeau pour leurs proches.

"J'ai rétréci moi-même mes vêtements", affirme à l'AFP cette femme de 66 ans en montrant son survêtement, un sourire triste sur son visage fatigué.

Son frère de 61 ans a perdu 27 kg. C'est un escalier encombré par des bidons d'eau et des cartons qui mène à leur appartement obscur, car situé au sous-sol d'un immeuble endommagé à Boustane al-Diwane, secteur chrétien de la Vieille ville.

C'est l'un des quartiers d'où se sont retirés les rebelles la semaine dernière après deux ans de siège impitoyable, en vertu d'un accord avec le régime syrien.

Sans enfants, Antoinette et Sobei sont restés quasiment cloîtrés chez eux, comme 21 autres civils, malgré les raids incessants de l'armée et les combats.

Ils dormaient dans la petite salle de séjour car la chambre à coucher était dangereusement proche de la rue.

"Je voulais mourir dans mon chez moi", affirme Antoinette, assise dans le salon d'où l'on peut observer des soldats qui ont remplacé les rebelles.

Tous deux racontent leur histoire avec dignité. "Nous ne voulions pas être un fardeau, même pour nos proches. Nous avons préféré rester chez nous", explique Sobei, moustache blanche, le crâne dégarni.

Ils survivaient comme des milliers de personnes grâce à leurs provisions de blé, de riz, de boulghour (blé concassé) et à des plantations de tomates et de persil dans de petits bacs mais les derniers mois, après le départ des derniers civils en février, ont été terribles.

"On cueillait les herbes folles poussant sur la chaussée, et on les mélangeait à du blé concassé. On en mangeait trois fois par jour", explique Antoinette, pour qui la viande n'était plus qu'un rêve.

Réduits à la disette, des rebelles d'un autre quartier sont venus à deux reprises prendre leurs stocks de graisse, de blé et d'huile. "Nous les avions cachés derrière des planches en bois, mais ils les ont trouvés", dit Sobei.

Ce menuisier est fier de montrer sa technique pour chauffer le thé ou le café: du coton imbibé d'arak qu'il allume ensuite pour donner un petit feu, ou encore les bougies taillées dans des blocs de cire rouge stockés au début des combats.

Les rebelles du quartier leur fournissaient de l'eau des puits qu'ils faisaient bouillir sur un réchaud alimenté par du bois, grâce à des branches ramassées dans les rues. Dimanche, une première citerne d'eau est parvenue au quartier, après trois ans de coupure.

Mais généralement, ils ne communiquaient pas trop avec les insurgés". "C'était 'bonjour, bonsoir'", dit Sobei.

Coupés du monde, sans électricité ou téléphone, les deux sexagénaires ont vu soudain la semaine dernière les insurgés plier armes et bagages.

"Plus d'un m'a demandée si j'avais des cartables ou des petits sacs pour qu'ils puissent emporter leurs affaires... mais je n'en avais pas", dit la sexagénaire.

Puis sont arrivés les premiers civils, dont leur soeur qu'ils n'avaient pas revue depuis deux ans.

"C'était une grande émotion... elle avait pris de l'âge", raconte Antoinette, arrangeant nerveusement ses fins cheveux blancs. La voix se brise, les yeux s'embuent de larmes.

"Je n'arrive toujours pas à réaliser ce qu'on a vécu", assure-t-elle, en tirant sur sa cigarette. Elle n'a pas fumé depuis un an et savoure ce plaisir.

Une petite cloche suspendue dans le salon annonce des visiteurs: leur neveu et sa femme, qu'ils ont vus pour la dernière fois en juin 2012.

Les deux femmes se jettent dans les bras l'une de l'autre, et Antoinette pleure à nouveau, sert du café et arrange ses deux petites plantes trônant sur la table du salon: l'une est décorée d'oeufs de Pâques en plastique, l'autre de rubans rouges pour Noël.

"On a surmonté cette épreuve mais on ne se sent pas encore normaux", dit Antoinette, qui souffre toujours d'insomnie.

"Comme pour Homs, cela va prendre du temps", renchérit son frère.

ram/sk/sw

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