Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Elevage : le Brésil mise sur la génétique de ses zébus, mais peut mieux faire

Elevage : le Brésil mise sur la génétique de ses zébus, mais peut mieux faire

Bosse haute et poil lustré, d'imposants mâles posent sur la pelouse de la 80e foire ExpoZebu, concours bovin, diffusé dans tout le Brésil via des chaînes de télévision dédiées à l'élevage, qui illustre l'importance de la sélection génétique pour ce premier exportateur mondial de viande bovine.

Accoudé au bastingage, un trophée à la main, le médecin et éleveur João Oravio de Freitas couve du regard ses quatre jeunes zébus. "La valeur de leur semence peut quadrupler maintenant qu'ils ont reçu ce prix. Les acheteurs savent que leur généalogie est excellente", assure-t-il.

Les enchères, auxquelles les téléspectateurs participent par téléphone ou internet, flirtent avec le million de réais (320.000 euros) pour les femelles les plus fertiles.

C'est au XIXe siècle que les premiers zébus ont mis le sabot au Brésil, au prix d'innombrables péripéties depuis leur Inde natale. Leurs descendants représentent aujourd'hui 80% du plus grand cheptel commercial de la planète. Reconnaissables à leur bosse, ils sont 160 millions à brouter sur les immenses pâturages du pays-continent alors que le cheptel français, toutes races confondues, stagne à 19 millions de têtes.

Avec 1,9 million de tonnes vendues hors de ses frontières en 2013, selon le Département américain de l'agriculture, le Brésil est le premier exportateur mondial de viande bovine, talonné par l'Inde.

"Le zébu est naturellement adapté au climat tropical et, à force de sélection génétique, nous avons fait doubler le volume de viande sur l'animal", se félicite André Locateli, porte-parole des éleveurs de Nelore, la principale espèce zébuine du pays, blanche aux cornes grises.

L'éleveur Adaldio de Castilho Filho, coiffé d'un chapeau de cow-boy, se fait l'ambassadeur de la Sindhi, une brune aux oreilles tombantes. "Elle produit beaucoup de lait, beaucoup de viande, et les femelles ont jusqu'à sept petits en neuf ans; cette race va conquérir le monde", assure l'agronome. Sa famille sélectionne les meilleures Sindhi depuis 1936. Il a attiré l'intérêt d'éleveurs vénézuéliens, mexicains et indiens lors de cette foire ExpoZebu.

Maîtrisant le clonage et le transfert d'embryon, le Brésil dispose d'atouts considérables pour améliorer encore la génétique de son bétail. "La sélection est un travail de probabilité, or nous avons un cheptel gigantesque pour tester les meilleurs croisements. La taille continentale du pays permet aussi de +produire+ des bêtes adaptées à plusieurs écosystèmes", résume Luiz Antonio Josahkian, de l'Association brésilienne des éleveurs de zébu (ABCZ).

Pourtant le géant sud-américain continue d'importer, par exemple des petits Pays-Bas, la moitié du matériel génétique utilisé pour ses inséminations artificielles. "Il existe des taureaux Jersey ou Angus au Brésil, mais nous ne sommes pas sûrs de leur ascendance", justifie Antonino Bosco de Resende, de l'entreprise de semence CRV Lagoa.

Ce manque de "preuves génétiques" est l'une des principales faiblesses du pays. "En France, la généalogie des bêtes est centralisée depuis 1966. Les Brésiliens, eux, ont aussi peu de données génétiques sur leurs principales races que les Français sur de petites espèces, comme les alpines", explique Vincent Ducrocq, chercheur français envoyé à ExpoZebu par l'Inra (Institut National de Recherche Agronomique).

"Nous pouvons faire un saut qualitatif énorme si tous les acteurs du secteur parviennent à collaborer", reconnaît M. Josahkian, de l'ABCZ.

Autre point faible du Brésil : seules 12% des femelles laitières sont fécondées par insémination artificielle, contre 90% environ en Europe. "Beaucoup d'éleveurs veulent encore faire venir le taureau jusqu'à la femelle, par tradition, alors que c'est coûteux et peu pratique. Nous manquons aussi de personnel qualifié pour procéder aux inséminations", déplore M. Resende, de CRV Lagoa.

Les spermatozoïdes des meilleurs reproducteurs atteignent néanmoins des prix astronomiques, comme ceux du taureau Sansão, dont la tête empaillée surplombe le stand de l'entreprise. "Nous vendons sa semence, congelée, jusqu'à 30.000 réais (9.700 euros) la dose", affirme M. Resende.

hse/emi/cb/gg

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.