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Andriï et Vadim, deux "héros" d'Odessa portés en terre

Andriï et Vadim, deux "héros" d'Odessa portés en terre

Andriï et Vadim sont morts le 2 mai dans les violences qui ont submergé Odessa. Un pro-ukrainien, un pro-russe, ils ont été enterrés mardi parmi les mêmes oeillets rouges, le front ceint du même bandeau, salués comme des "héros" par les leurs.

Andriï Birioukov, un plombier de 36 ans acquis à la cause de Kiev, est tombé le coeur transpercé d'une balle, tirée selon sa famille du haut d'un immeuble, alors qu'il se battait, vendredi en début d'après-midi, derrière une barricade après que la manifestation à laquelle il participait eut été attaquée par des pro-russes.

Son ami Serguiï, 55 ans, moustache blanche et carrure de lutteur, essuie ses yeux bleus dans ses mains. "J'ai combattu à ses côtés sur la barricade que nous avions élevée pour les arrêter", dit-il. "Puis j'ai changé d'endroit, il ne m'a pas suivi. Je ne l'ai pas vu tomber. Il est mort en défendant sa ville. Il avait passé des semaines à Kiev, sur Maïdan. C'est un héros".

Comme de coutume à Odessa, la cérémonie d'hommage a lieu dans la cour de l'immeuble, pour permettre aux amis, aux voisins de déposer une fleur dans le cercueil. Albina, sa femme, se tient à l'écart. "Il a été assassiné, tué par un lâche caché sur un toit", murmure-t-elle. "C'était un homme gentil, un bon père..."

Son fils de dix ans, livide, se tient près du cercueil, accroché à deux mains à son cierge éteint. Sa grand-mère tente de lui prendre la main pour qu'il touche le corps, il a peur, il recule.

Sur les couronnes mortuaires, les mots en lettres d'or clament "Aux héros d'Odessa, gloire éternelle" et "Vous êtes à jamais dans nos coeurs". Un pope entonne une prière, tourne autour du cercueil avec un encensoir et des clochettes. Son ex-femme, la mère du garçonnet, caresse les cheveux, le visage du mort, gémit comme une bête blessée.

Zoïa Kazanjy, une des chefs à Odessa du mouvement Euro-Maïdan, observe la scène à l'écart. "Les pro-russes avaient des tireurs embusqués, sur les toits. Les agresseurs avec des gourdins n'étaient qu'un écran de fumée", dit-elle. "C'est un assassinat".

Quatre heures plus tard et six kilomètres plus loin, le corps sans vie de Vadim Papoura, un membre des Jeunesses Communistes de 17 ans, repose lui aussi entre les fleurs. Il est mort le 2 mai dans l'incendie du siège du bâtiment des syndicat, assiégé par les pro-Kiev et des supporteurs de football avides de vengeance après l'attaque de leur manifestation quelques heures plus tôt.

Ses camarades de Komsomol et d'université ont les poings serrés et les yeux rouges. Maya, frêle jeune fille brune, cache les siens derrière d'énormes Ray Ban. "Il a sauté du troisième étage pour échapper aux flammes. Les fascistes l'attendaient, ils l'ont battu à mort. Il avait les jambes cassées, ils lui ont défoncé le crâne".

Son voisin, qui refuse d'être identifié, ajoute: "Les médias ukrainiens disent que ce sont eux, à l'intérieur du bâtiment, qui ont allumé le feu ! Ils disent que c'étaient des étrangers à la ville: regardez, il habitait là ! Et la police a laissé faire les assassins".

Là aussi, les lettres d'or sur les gerbes disent "Héros".

Un groupe de babouchkas se tient à l'écart, oeillets rouges à la main. "Je n'habite pas loin, je ne le connaissais pas", gronde Lioubov, 73 ans, grand manteau blanc et lèvres rouges. "Il a été victime du nazisme, des fascistes, cette junte illégale qui a pris le pouvoir à Kiev !"

Une autre ajoute: "Il a été tué à coups de bâtons, à coups de pieds ! Ils sautaient à pieds joints sur leurs corps, riaient, c'était atroce ! Quels genre d'animaux peuvent faire ça ?"

Le pope et un choeur de femmes entonnent des cantiques, on allume l'encens.

Penché sur le visage de son petit-fils, si tuméfié que le maquillage mortuaire ne cache rien, Rebik Minulen sanglote, gémit, accuse. "Regardez comme ils l'ont abîmé ! Ce ne sont pas des humains qui ont fait ça, ce sont des bêtes. Dieu nous vengera".

Il enfouit son visage dans un mouchoir blanc, se relève. "Le monde doit savoir ce qui se passe à Odessa et en Ukraine ! J'ai défendu cette ville pendant la Seconde guerre mondiale, et maintenant l'ennemi, ce sont les nôtres. C'est horrible !"

mm/ahe/plh

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