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Elections irakiennes: Téhéran, Ryad et Washington faiseurs de roi ?

Elections irakiennes: Téhéran, Ryad et Washington faiseurs de roi ?

Plus de 20 millions d'Irakiens élisent leurs représentants au Parlement mercredi, mais dans une région divisée par le conflit syrien, Téhéran, Washington et les pays du Golfe apparaissent comme les véritables faiseurs de roi, estiment des analystes.

"Historiquement, l'Irak est l'arène dans laquelle se battent les grandes puissances, et aujourd'hui encore l'Iran, les Etats-Unis, les pays du Golfe et le conflit syrien, apparaissent comme les véritables électeurs" du prochain Parlement, explique Issam el-Faili, professeur d'Histoire politique à l'Université Moustansiriyah de Bagdad.

Les élections "interviennent au beau milieu d'un conflit régional dont le coeur est la Syrie. Et l'Irak n'est pas bien loin de la Syrie", ajoute M. Faili.

Ce scrutin est le premier à l'échelle nationale depuis le retrait des troupes américaines en mars 2011. Entre-temps, Washington a perdu en influence, laissant de la place à Téhéran, allié régional de Damas, qui joue désormais un rôle majeur dans la vie politique irakienne.

A cela s'ajoutent les répercussions du conflit en Syrie voisine, qui oppose depuis plus de trois ans les rebelles, majoritairement sunnites, au régime dominé par les alaouites, une branche du chiisme.

Alimentant les divisions entre chiites et sunnites déjà profondes en Irak, la guerre en Syrie est devenu un enjeu majeur du scrutin.

L'Iran et les Etats-Unis avaient tous deux joué un rôle majeur dans la réélection de Nouri al-Maliki en 2010, après un premier mandat marqué par une baisse des violences.

Mais en se retirant du pays en 2011, les Américains ont laissé une large marge de manoeuvre à l'Iran, faisant de Téhéran le pays le plus influent en Irak, 26 ans après la fin de la guerre sanglante qui opposa les deux pays.

"L'influence iranienne est évidemment plus importante, puisque Téhéran contrôle directement certains partis" irakiens, affirme Mickael Knights, chercheur au Washington Institute for Near-East Policy.

Mais, souligne-t-il, les Américains ont conservé un pouvoir non négligeable: celui de suspendre les livraisons d'armes, dans un contexte de multiplication des violences et alors que Washington reste le premier fournisseur d'armes des forces irakiennes.

L'influence iranienne et le débordement du conflit syrien ont surtout fait de Bagdad un pion dans la dispute entre Téhéran et les pays du Golfe à propos de la situation à Damas.

Bagdad, officiellement neutre, souhaite une solution politique en Syrie, et rejette l'idée d'armer l'opposition, ce que souhaitent ardemment les monarchies du Golfe, principaux supporters de la rébellion.

Sortant de sa réserve officielle, Nouri al-Maliki a récemment accusé l'Arabie saoudite et le Qatar d'avoir déclaré la guerre à l'Irak, affirmant que Ryad "soutenait le terrorisme".

La majorité des Irakiens sont chiites, comme M. Maliki, et ne voient pas d'un bon oeil l'idée de soutenir les rebelles sunnites en Syrie.

D'autant que la multiplication des violences ces derniers mois en Irak fait craindre un retour au conflit de 2006-2007 entre sunnites et chiites qui fit des milliers de morts.

Ces luttes d'influences atteignent le coeur du processus électoral irakien.

"De nombreuses puissances étrangères ont des agents", parmi les candidats, affirme M. Faili. "Ces agents sont loyaux aux Etats qui les soutiennent, principalement des Etats du Golfe, qui vont essayer de former un gouvernement qui leur soit également loyal, tandis que Téhéran souhaite un gouvernement qui soutienne sa politique régionale", précise-t-il.

Mais "leur priorité en ce moment est que l'Irak soit aussi calme que possible, car ils sont trop occupés par la Syrie", et Téhéran préfère se concentrer sur la création de milices chiites pour envoyer des Irakiens se battre au côté du régime de Bachar al-Assad, ajoute un diplomate occidental sous le couvert de l'anonymat.

"Si l'Irak devenait calme, alors peut-être que l'Iran changerait de politique et tenterait de déstabiliser Bagdad, par crainte d'un voisin trop puissant. Mais il y a peu de chance que l'Irak se calme bientôt...", conclut le diplomate.

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