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Une messe à Chypre-Nord relance l'espoir d'une cohabitation pacifiée

Une messe à Chypre-Nord relance l'espoir d'une cohabitation pacifiée

A Chypre, le "miracle" d'une célébration du Vendredi Saint à la lumière des cierges et des flashes de téléphones portables dans une église désaffectée de Chypre-Nord laisse espérer qu'une cohabitation est possible sur l'île divisée.

Entre 2 et 3.000 Chypriotes-grecs ont franchi vendredi la ligne verte qui coupe l'île en deux depuis 1974 pour assister à cette célébration dans l'église grecque-orthodoxe Saint George Exorinos, où les offices n'étaient plus célébrés depuis 58 ans en raison des tensions intercommunautaires.

Paré de lourds vêtements liturgiques brodés d'or, l'évêque Vassilis, accompagné par un responsable musulman chypriote-turc, a mené une procession empreinte d'émotion dans les jardins de cette église du XIVe siècle dans la cité médiévale de Famagouste.

Le Vendredi Saint, où les chrétiens commémorent la crucifixion de Jésus, est l'une des journées les plus importantes du calendrier orthodoxe, mais pour Pavlos Iacovou, qui a aidé à organiser la célébration, c'est "un miracle" qu'elle se déroule dans la partie chypriote-turque de l'île.

Il avait 18 ans en 1974, quand l'armée turque, en réaction à une tentative de coup d'Etat de nationalistes chypriotes-grecs cherchant à rattacher Chypre à la Grèce, a envahi le Nord de l'île, l'obligeant à fuir sa ville.

"Nous ne pensions pas qu'il faudrait attendre 40 ans pour revenir. Nous pensions que ce serait l'affaire de quelques jours", se souvient-il en évoquant son enfance à Famagouste, où sa famille possédait un hôtel en bord de mer.

Dans son souvenir, l'endroit était idyllique et la cohabitation entre Chypriotes-grecs et Chypriotes-turcs pacifique. Mais les tensions réelles, avant même la fin du mandat britannique en 1960, empêchaient déjà depuis 1956 toute célébration à Saint George Exorinos.

Parmi les fidèles endimanchés, beaucoup avaient comme M. Iacovou fui Famagouste en 1974. Par centaines, ils ont fait la queue pour pénétrer dans l'église afin d'allumer un cierge et écouter une partie de la longue liturgie psalmodiée par les prêtres.

"C'est une cérémonie très émouvante pour moi. Ma mère m'amenait ici pour certaines célébrations", raconte Constantinos Lordos, un ancien député chypriote-grec de 74 ans, assis à l'ombre d'un arbre dans le jardin où les chants étaient retransmis par hauts-parleurs.

Lui aussi contraint à quitter sa ville en 1974, il ne ressent pas l'amertume que les autres exilés expriment souvent: "Je pense que l'île appartient à tout le monde, elle n'appartient pas à quiconque en particulier", explique-t-il en souriant.

Dans la pénombre de la petite église, plusieurs responsables politiques du Nord et du Sud de l'île avaient pris place, au côté de dignitaires étrangers comme l'ambassadeur des Etats-Unis et un représentant de l'ONU.

"Sans exagérer son importance, je pense que c'est un pas en avant" vers une réunification de l'île, a estimé Alexis Galanos, maire chypriote-grec en exil de Famagouste.

Le maire chypriote-turc, Oktay Kayalp, a pour sa part estimé que chaque événement rassemblant des habitants des deux parties de l'île envoyait un message aux négociateurs.

Après une longue série d'échecs et de reports, les pourparlers directs en vue d'une réunification de l'île ont repris en février, sous l'égide de l'ONU et avec l'appui des Etats-Unis.

Avant l'invasion turque, la cité médiévale de Famagouste, sur la côte est de l'île, était le principal port de Chypre et sa première destination touristique.

Parmi les mesures évoquées pour restaurer la confiance entre les deux communautés et faire avancer les négociations, les Chypriotes-grecs réclament la restitution de Varocha, un complexe balnéaire de Famagouste, aujourd'hui cité fantôme, le long de la ligne verte.

En visite à Chypre début avril, le vice-secrétaire d'Etat adjoint américain Eric Rubin s'est déclaré optimiste quant aux chances de l'île de faire bientôt des "progrès historiques".

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