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En Egypte, longtemps tout-puissants, les policiers vivent la peur au ventre

En Egypte, longtemps tout-puissants, les policiers vivent la peur au ventre

Il a interdit à sa femme et ses deux enfants de parler de son métier devant des inconnus: le colonel Amr prend de plus en plus de précautions en Egypte, où la police est chaque jour la cible d'attentats meurtriers.

Il refuse d'ailleurs d'être photographié, ne donne que son prénom, son ancienneté dans la police, 25 ans, et se borne à dire que son commissariat est "dans le centre du Caire".

Dans les rangs des policiers, dit-il, c'est "l'inquiétude et la pression: tous les jours, un de nos collègues tombe en martyr", depuis que l'homme fort de l'Egypte, Abdel Fattah al-Sissi, ex-chef de l'armée et aujourd'hui grand favori de la présidentielle, a destitué début juillet le président islamiste Mohamed Morsi, élu démocratiquement en 2012.

Car des groupes jihadistes, dont certains revendiquent leurs liens avec Al-Qaïda, multiplient les attaques contre les forces de l'ordre en représailles, selon eux, à l'implacable et sanglante répression que mène le gouvernement installé par le maréchal Sissi contre les pro-Morsi, notamment la confrérie des Frères musulmans.

Plus de 1.400 manifestants sont tombés en neuf mois sous les balles des policiers et militaires, plus de 15.000 Frères musulmans ont été emprisonnés et des centaines condamnés à mort dans des procès expéditifs.

De son côté, le gouvernement assure que depuis l'éviction de Morsi, les attentats ont fait près de 500 morts, pour la quasi-totalité des policiers et des soldats.

Et le plus dur, selon le colonel Amr, âgé d'une quarantaine d'années, c'est de "combattre un ennemi qu'on ne voit pas et dont on ne connaît pas la force", même si le gouvernement s'échine à accuser les Frères musulmans, décrétés "organisation terroriste".

Alors pour éviter d'être une cible trop voyante, le commissariat d'Amr a récemment retiré tous les panneaux qui le signalaient et ses hommes redoublent de vigilance.

Même à la maison, il redoute d'être identifié comme policier. Il a récemment fait repeindre la voiture de police mise à la disposition de sa famille, comme pour tous les officiers. "Elle était bleue, désormais elle est blanche car j'avais peur qu'elle ne soit incendiée ou attaquée alors que ma famille était à l'intérieur. Et dans ma voiture personnelle, j'ai retiré tous les signes montrant que j'appartiens à la police", explique-t-il.

"Je ne me présente plus comme +la femme de l'officier Amr+, surtout devant les inconnus, ou quand je passe des commandes par téléphone", renchérit son épouse, qui souligne, qu'avant, dans une Egypte où la police a longtemps été toute-puissante, ce titre était sa "fierté".

Le capitaine Hazem, lui, s'empresse de retirer son uniforme dès qu'il finit son service: "j'ai peur qu'il fasse de moi une cible". C'est son choix, pour lui qui travaille au Caire, mais dans le gouvernorat de Charquiya, dans le nord, où au moins 10 policiers ont été tués depuis le début de l'année, c'est désormais un ordre.

Sur les réseaux sociaux aussi, de nombreux policiers et soldats qui posaient fièrement en uniforme ont retiré leurs photos. Car la menace vient aussi d'internet, où prolifèrent les listes de policiers accusés d'exactions, avec noms, adresses, voire photos des familles.

C'est ce qui est arrivé au général Nasser al-Abd, inspecteur de police à Alexandrie, dans le nord: la photo de ses enfants a été diffusée sur internet. C'est ce qu'il redoutait le plus, car "cela permet à plein de gens de nous atteindre facilement", dit-il.

Fin décembre, un attentat à la voiture piégée tuait 14 policiers à Mansoura, dans le delta du Nil. Depuis, Le Caire et d'autres villes ont hérissé des blocs de béton résistant aux explosions autour de leurs commissariats, devant lesquels stationnent des blindés de l'armée. Dans la capitale, les rues menant aux postes de police sont barrées, dans une mégapole déjà paralysée par les embouteillages une bonne partie de la journée.

Mais pour le capitaine Hazem, cette stratégie n'est pas la bonne: pour lui, multiplier les barrages de police, c'est multiplier les cibles d'attentats en exposant les hommes de faction.

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