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Le conflit colombien mis en scène au Festival de théâtre ibéroaméricain

Le conflit colombien mis en scène au Festival de théâtre ibéroaméricain

Entre faits réels et fictifs, le Festival Ibéroaméricain de Bogota, l'un des principaux d'Amérique latine, offre une scène au thème sensible du conflit armé colombien et une voix symbolique à ses victimes qui ne peuvent pas toujours parler.

Sur le ton de la tragicomédie, l'histoire agitée d'un pays en proie à un demi-siècle de violences se reflète dans toute sa complexité: tantôt une musique festive pour illustrer la résilience des victimes, tantôt un silence lourd pour exprimer les blessures encore vives.

Intitulée "Ceux qu'on ne compte pas", une des oeuvres présentées au festival, qui s'achève ce dimanche, montre la naissance des guérillas, des narcotrafiquants et des milices paramilitaires d'extrême droite, sur un rythme de rap et de musique folklorique.

Ces groupes illégaux ont constitué les principaux acteurs d'un des conflits internes les plus vieux de la planète, qui a fait plusieurs centaines de milliers de morts en cinquante ans.

Une scène du spectacle recrée une fête dans la région du Pacifique afin de raconter comment les milices paramilitaires, responsables de massacres de civils au nom de la lutte anti-guérilla, "s'infiltraient dans ces agapes afin d'attaquer ou de surprendre leurs victimes", explique à l'AFP Rolf Abderhalen, le directeur artistique.

Un autre scène plonge les spectateurs dans la jungle avec une chanson dédiée au pavot, celle qu'interprétait le célèbre baron colombien de la drogue Pablo Escobar.

La scène finale se déroule dans une maison de la classe moyenne, où un mage et un ventriloque racontent à une fillette les débuts de l'insurrection dans les campagnes, avec des extraits de radio de Camilo Torres, le "prêtre guérillero", l'un des martyrs de l'Armée nationale de libération (ELN), seconde rébellion communiste après celles des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc).

Pour Rolf Abderhalen, comme le conflit "traverse notre vie quotidienne, l'art est un lieu où l'on ne se préoccupe plus de sa dimension informative mais où l'on recrée une expérience".

Le recours à l'art pourrait être l'une des clés pour la santé psychique des victimes du conflit. Une thèse que défend Raul Vidales, membre du Collège colombien des psychologues. "Il permet d'exprimer ce qui s'est vécu, mais pas forcément à travers la parole", affirme-t-il à l'AFP, insistant sur la force de "la mise en scène de situations violentes".

Directeur de la pièce "Les victimes de la guerre", présentée dans le cadre du "festival alternatif", sorte de "off" du Festival ibéroaméricain, Juan Carlos Moyano, estime que "le théâtre peut parler de choses qui resteraient sinon indicibles".

Les symboles sont aussi largement utilisés lors du festival: cadres sans photos, masques blancs suspendus sur des miroirs ou figurines en papier décapitées, les membres collés avec du ruban adhésif rouge, apparaissent ainsi sur une scène entourée de sièges vides.

L'objectif de cette "fusion" entre l'art plastique et le théâtre est de "réaliser un travail de mémoire face à la violence", explique à l'AFP Misael Torres, le responsable de cette oeuvre.

Souvent le public urbain du festival n'a qu'une connaissance éloignée du conflit interne, qui sévit surtout dans les régions rurales du pays et les pièces de théâtre insistent sur les personnes affectées.

Le concert "Résilience sur la terre", organisée par l'orchestre philharmonique de Bogota, veut offrir un "baume à travers la musique pour les victimes", souligne Karoll Marquez, l'un des chanteurs du spectacle.

Mêlant des instruments classiques de l'orchestre aux percussions locales, cette musique doit "raviver la capacité de dépasser la douleur et la tragédie du peuple colombien", veut espérer le compositeur Francisco Zumaqué.

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