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La Havane veut éviter la création d'une nouvelle "bourgeoisie" (analystes)

La Havane veut éviter la création d'une nouvelle "bourgeoisie" (analystes)

L'exclusion des Cubains de la nouvelle loi sur l'investissement vise à éviter la formation d'une "bourgeoisie nationale" menaçant le système communiste, selon divers intellectuels qui appellent le pouvoir à accepter ce défi comme l'ont fait la Chine et le Vietnam.

Ce texte voté fin mars n'admet comme investisseur que les particuliers ou entités juridiques domiciliés à l'étranger, qui pourront s'associer à une entreprise d'Etat ou à une coopérative.

Certains reprochent à cette loi de n'avoir pas pris en compte les possibles investissements dans les petites affaires qui se sont développées à Cuba dans le cadre du "cuentapropismo", le travail indépendant, qui regroupe plus de 450.000 travailleurs.

Avec les réformes économiques des dernières années, "nous secouons le joug, avant de le rompre. Peut-être un jour parviendrons-nous à former une bourgeoisie nationale patriote", estimait récemment Guillermo Rodriguez Rivera, professeur de littérature à l'Université de La Havane.

"Cela n'aurait rien d'étrange dans le monde compliqué dans lequel nous vivons, on a déjà eu une telle bourgeoisie", ajoutait l'essayiste et poète sur le blog du chanteur emblématique du régime communiste cubain Silvio Rodriguez, segundacita.blogspot.com.

"En aucun cas je ne crois que des Cubains d'ici qui investissent serait une déclaration de capitalisme, c'est un sophisme", a rebondi l'auteur-compositeur cubain.

"Ce qui a été adopté à Cuba sont des mesures économiques capitalistes à l'intérieur d'un système socialiste de distribution et donc, sous le contrôle du gouvernement socialiste", a ajouté Silvio Rodriguez.

Pour divers analystes proches du régime, l'exclusion des Cubains de la loi adoptée fin mars est contradictoire avec l'ouverture du modèle économique socialiste au secteur privé à laquelle il a été procédé ces dernières années.

La loi autorise en revanche les Cubains de la diaspora à investir, mais les 80% d'entre eux habitant aux Etats-Unis sont dans l'incapacité de le faire en raison de l'embargo économique imposé depuis un demi-siècle au régime communiste cubain par Washington.

Cuba "n'ira pas chercher l'investissement étranger à Miami", a résumé le ministre du Commerce extérieur Rodrigo Malmierca en présentant la loi.

La Havane a expliqué l'exclusion des Cubains de l'île en jugeant qu'ils "n'ont pas les capitaux nécessaires pour contribuer à la croissance de l'économie".

Pourtant, leur apport -via notamment les "remesas", les envois d'argent de l'étranger, qui, avec 2,5 milliards de dollars par an, représentent la deuxième source de revenus en devises de Cuba-, serait "décisif" pour l'économie, a estimé Jorge Gomez Barata, ancien responsable du département idéologique du Parti communiste de Cuba (PCC).

"La réponse au problème de l'incapacité supposée des Cubains à investir ne peut pas être de les exclure de la loi, mais plutôt de les aider à s'incorporer au processus d'investissement, qui est décisif pour la nation et pour le socialisme", a-t-il assuré dans un commentaire envoyé à l'AFP.

Dans les premières années de la Révolution cubaine, Fidel Castro avait nationalisé les grandes entreprises, puis, en 1968, les commerces privés. Et la doctrine économique du PCC professe que "dans les formes de gestion non-étatiques, il ne sera pas permis la concentration de la propriété aux mains de particuliers ou de personnes juridiques".

"L'impossibilité légale d'investir dans le petit secteur privé met à mal l'avancée des réformes, non seulement à cause du développement qu'elle empêche, mais aussi à cause des signaux qu'elle envoie", a dit à l'AFP l'analyste cubain Arturo Lopez-Levy, de l'université de Denver, aux Etats-Unis.

"Le pire signal, c'est de voir que les autorités ne sont pas encore convaincues de l'ineptie d'une économie de commando, centralisée et dirigée par un noyau étatique", a-t-il jugé.

"Ces perspectives nuisent au citoyen, non seulement au niveau de ses droits, mais aussi en limitant le développement national", a ajouté l'universitaire.

Pour Guillermo Rodriguez Rivera, inclure les Cubains dans la possibilité d'investir aurait en plus l'avantage de permettre de "contourner l'embargo".

"Ce serait une bonne manière de contourner ce blocus impérialiste obstiné, car beaucoup de Cubains des Etats-Unis pourraient investir à travers leur famille, le tout sous la supervision du Parti communiste, comme cela se fait en Chine et au Vietnam", assurait-il.

"Les partis au pouvoir en Chine et Vietnam ont parfaitement assimilé ces changements, dans les relations de production et dans les structures et dynamiques sociales. Leur expérience n'est pas une recette, mais une référence", juge également Jorge Gomez Barata.

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