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Revers de fortune pour Mahamat, l'opulent diamantaire centrafricain de Boda

Revers de fortune pour Mahamat, l'opulent diamantaire centrafricain de Boda

"Si tu trouves 20 carats d'une pierre rouge ou bleue, ta vie va changer. Ta pauvreté va s'enfuir". Mahamat Adoum, 41 ans, fils de mineur venu tenter fortune dans le diamant, patron du Bureau d'achat de diamants de Centrafrique (Badica) de Boda a réussi.

Mais la chance a tourné pour lui, dans ce Far West minier ensanglanté qu'est devenue Boda, à cinq heures de mauvaise route de Bangui.

Car Mahamat l'opulent, qui porte avec prestance une djelabah finement brodée, se retrouve comme les 14.000 autres musulmans de la ville prisonnier dans le centre, encerclé par les anti-balaka depuis que Boda s'est embrasée le 29 janvier, à la suite du départ de l'ex-rébellion Séléka .

Coincé dans la chaleur de l'arrière-cour de sa grande maison, il transpire à grosses gouttes et raconte son histoire, emblématique du destin foudroyé de "Boda la belle".

"Mon père, un musulman, est venu de Ndelé (nord) à Boda à cause des diamants. Il s'est marié à une chrétienne, ma mère est une mbaya". C'est une ethnie du sud-ouest, la même que celle de l'ex-président François Bozizé, renversé en mars 2013 par la rébellion à dominante musulmane, et celle de beaucoup d'anti-balaka, majoritairement chrétiens.

Si le père de Mahamat reste un modeste mineur aux longues journées, pieds dans l'eau, dans des trous, pour traquer "le" diamant qui fait basculer une vie, celle de Mahamat prend vite un autre cours.

"J'étais d'abord collecteur de café, en brousse, et puis je me suis lancé dans le monde des diamants". Il commence comme collecteur de la pierre précieuse, puis il fait une rencontre déterminante en 2002.

"Je dois tout à mon patron, Marc Danis, un juif d'Anvers, en Belgique. Je suis définitivement sorti du café, j'ai payé une patente d'acheteur de diamants, ma vie a changé".

Mahamat devient patron du Badica de Boda, celui à qui les mineurs sortis de semaines en brousse et les collecteurs viennent proposer les diamants, celui qui les expertise. Il apprend le métier, gagne beaucoup d'argent et "achète beaucoup de maisons".

"Marc m'a fait confiance, m'a donné un bon, bon salaire. Mais il ne faut pas se tromper à l'achat: les pierres rouges et bleues sont les plus pures. Plus elles sont foncées, plus elles valent de l'argent".

"Il faut bien les louper", c'est-à-dire bien en apprécier la valeur à la loupe. Puis convertir le carat apprécié en dollars (toujours la première monnaie d'estimation), puis en euros.

"Un jour, j'ai acheté une pierre d'une telle valeur, que Marc m'a fait un cadeau de 30 millions CFA", 45.000 euros.

Le chiffre d'affaires de son bureau atteignait en moyenne 650 millions CFA/mois (un million d'euros).

Le diamant est l'une des principales richesses minières de la Centrafrique, actuellement suspendue du processus de Kimberley, mécanisme qui s'assure de l'origine des pierres mises sur le marché pour éviter tout trafic.

Mais voilà, tout bascule un jour dans cette ville provinciale du Far West centrafricain qui a tout pour bien vivre: mines, bois, fruits, élevage, pêche, espaces immenses, et où il suffit de choisir son coin de brousse pour s'installer, sans acheter le terrain.

Les violences intercommnautaires et interreligieuses submergent à leur tour Boda le 29 janvier.

Chrétiens et musulmans s'affrontent, détruisent mutuellement leurs maisons et commerces. Symboles de la richesse, les cafés, restaurants et discothèques de la "rue des plaisirs" ne sont plus que ruines calcinées.

Et 14.000 musulmans restent toujours encerclés dans le centre de la ville, empêchés de franchir trois petits ponts pour sortir, sous peine d'être égorgés, tués par balle.

"Même mes maisons du quartier Miskine, près du PK-5 de Bangui, ont été détruites pendant les violences dans Boda. J'ai fait partir par avion ma famille au Tchad, ma femme et mes huit enfants".

Pour parcourir 1,5 km de sa dernière maison de Boda à la piste d'aviation, Mahamat affirme avoir eu besoin d'une escorte de la force française Sangaris, dont la présence gèle les positions ennemies.

Pour lui, "les anti-balaka ont tout gâté. Les chrétiens nous jalousent, ils étaient nos employés, même dans ma famille mes cousins chrétiens veulent que je quitte. Ils veulent notre business. Mais c'est Dieu qui a fait ça!".

jpc/mc/aub

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