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L'Espagne entrouvre une porte à l'audition par la justice de victimes du franquisme

L'Espagne entrouvre une porte à l'audition par la justice de victimes du franquisme

L'Espagne, pressée par l'ONU d'enquêter sur les crimes du franquisme, a entrouvert la porte jeudi à une possible audition par la justice des victimes de deux anciens policiers recherchés par l'Argentine pour "tortures".

Le parquet a renouvelé, lors d'une audition devant le tribunal de l'Audience nationale, son opposition à l'extradition d'un ex-policier franquiste, Antonio Gonzalez Pacheco, 67 ans, surnommé "Billy el Niño" (Billy the Kid).

Le tribunal va maintenant devoir se prononcer sur l'extradition de cet homme et sur celle de l'ex-garde civil Jesus Muñecas Aguilar, 75 ans.

Tous deux sont poursuivis dans le cadre de l'enquête ouverte en 2010 par la juge Maria Servini de Cubria, en Argentine, pour génocide et crimes contre l'humanité pendant la Guerre civile (1936-1939) et la dictature de Francisco Franco (1939-1975).

"C'est une farce!", s'emportait Enrique Aguilar Benitez, 67 ans, à la sortie de l'audition, assurant avoir lui-même souffert dans sa chair de la brutalité de Pacheco, réputé avoir été l'un des membres les plus craints de la police politique franquiste et qui aujourd'hui, selon la presse, mène une vie paisible de retraité à Madrid.

Le 3 avril, la justice avait entendu Jesus Muñecas Aguilar. Dans les deux cas, le procureur, Pedro Martinez, s'est opposé à l'extradition, soulignant que les faits sont prescrits. Mais il a aussi ouvert la porte à une possible audition des victimes devant la justice espagnole.

"Il est possible de rejeter l'extradition et, pour répondre aux engagements diplomatiques, permettre aux autorités argentines, si elles le désirent, de déposer plainte" devant la justice espagnole. Cela permettrait alors, a-t-il dit, "d'entendre les victimes devant les tribunaux espagnols, ce qui n'est jamais arrivé jusqu'à présent".

Malgré les demandes insistantes des Nations unies, l'Espagne refuse d'enquêter sur le sort des milliers de disparus de la Guerre civile et de la dictature, invoquant une loi d'amnistie votée en 1977, qui avait constitué l'un des piliers de la transition démocratique après la fin du franquisme.

L'ONU s'est inquiétée ces derniers mois de l'attitude de l'Espagne face aux crimes de la dictature et l'a appelée à annuler la loi d'amnistie.

Face au refus espagnol d'enquêter, et s'appuyant sur le principe de la justice universelle, des associations de victimes s'étaient tournées vers l'Argentine.

Muñecas a été inculpé de tortures commises contre un détenu, en 1968, dans une caserne de la Garde civile au Pays Basque. Antonio Gonzalez Pacheco est quant à lui poursuivi pour sa participation présumée à des tortures sur 13 détenus entre 1971 et 1975.

Mais les victimes s'inquiètent d'une possible impunité pour les accusés, si l'extradition était refusée.

"Billy el Niño" était "la main qui torturait", se souvenait jeudi Enrique Aguilar Benitez, évoquant les "raclées" qu'il a reçues après son arrestation en mai 1973, pour appartenance au Parti communiste marxiste-léniniste d'Espagne. Il avait alors été conduit à la Direction générale de la sécurité, sur la place de la Puerta del Sol à Madrid.

"A peine étions-nous arrivés, ils ont commencer à me torturer sans répit, durant 13 ou 14 heures", raconte ce biologiste aujourd'hui retraité.

Après son audition, l'ex-policier est sorti jeudi du tribunal, casque sur la tête, avant de partir à moto. Il refuse désormais de montrer son visage, affirmant avoir reçu des menaces.

Acacio Puig, un peintre et illustrateur de 65 ans, se souvient très bien de cet homme, pour s'être retrouvé face à lui lors de son arrestation en 1973 pour possession "d'un dépôt de propagande franquiste".

"Quand je suis arrivé chez moi, il était là avec d'autres policiers et deux de mes compagnons, menottés, allongés au sol". Eux aussi ont été emmenés à la Puerta del Sol.

"La torture la plus brutale était celle qu'ils appelaient la table d'opération. Tu étais allongé sur une table et ils frappaient sur la plante des pieds, les côtes et le cou, jusqu'à l'évanouissement". Il se souvient que cela a duré trois jours, sans dormir.

Jeudi, l'ex-inspecteur a nié les faits. Malgré tout, pour Enrique Aguilar Benitez "voir Billy el Niño assis sur le banc des accusés a été un petit succès".

acc/sg/mr

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