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Les studios d'animation d'Angoulême, joyaux de la "French touch"

Les studios d'animation d'Angoulême, joyaux de la "French touch"

Mondialement réputé pour son festival de la bande dessinée, Angoulême abrite aussi plusieurs studios qui commencent à imposer un savoir faire à la française en matière d'animation, une "French touch" couronnée aux Oscars.

Sur les remparts de la cité du centre-ouest de la France, l'immeuble cossu de deux étages offre une vue appréciable. C'est là que Prima Linea a pris ses quartiers en 2003. Huit personnes y travaillent à temps plein. Les effectifs gonflent au gré des productions, en moyenne 70 à 80 personnes pour un long métrage.

Dans la cuisine commune, Christophe Jankovic revient sur cette bascule Paris/province, il y a une dizaine d'années. "La qualité de vie et de travail sont bien meilleures ici qu'à Paris", explique, en sirotant son café, le fondateur, avec Nathalie Schermann, de ce studio qui compte dans son catalogue "U", "Peur(s) du noir", "Zarafa" ou encore "Loulou, l'incroyable secret", lauréat fin février du César du meilleur long-métrage d'animation.

La France pèse lourd dans le monde de l'animation: premier producteur européen, troisième mondial (derrière le Japon et les Etats-Unis), le secteur génère 5.000 emplois, selon une étude du Centre national du cinéma.

L'atout majeur d'Angoulême, c'est d'abord Magelis, le deuxième plus important Pôle image de France après celui de la région parisienne. "Un terrain extrêmement favorable pour travailler et embaucher", glisse M. Jankovic.

Premier Pôle image créé en France (1997) dans le sillage du succès du festival de la BD, il soutient entreprises et écoles et se consacre au développement économique de la filière image (bandes dessinées, animation, jeu vidéo, multimédia, film en relief...).

Magelis est une structure publique regroupant sept établissements, dont l'école des métiers du cinéma d'animation (EMCA). Chaque année, 900 étudiants y sont formés aux métiers de l'image (animation, jeux vidéos, bande dessinée...).

Un vivier dans lequel la vingtaine de studios angoumoisins (sur une centaine en France) puise à l'envi.

Néerlandais installé à Londres, Michael Dudok de Wit peaufine un premier projet avec Prima Linea. "Il y a beaucoup de talents dans l'animation" en France, en particulier à Angoulême où faire un film se révèle aussi moins onéreux qu'à Paris, abonde ce réalisateur, couronné en 2000 par un Oscar du court métrage pour "Father and daughter".

Angoulême, "c'est la plus grosse concentration de studios et de talents" hors Paris, confirme M. Jankovic. "C'est le microcosme de l'animation", avec des "niveaux élevés" dans les différents métiers, confirme Didier Henry, directeur de Blue Spirit ("Le Tableau", la deuxième saison des "Mystérieuse cités d'or"...), studio qui a en partie réalisé le long métrage Ernest et Célestine, nominé aux derniers Oscars.

Un savoir-faire qui dépasse désormais les limites de l'Hexagone: plus de 25 des étudiants formés à l'EMCA partent travailler à l'étranger, notamment aux Etats-Unis et au Canada, parfois pour de gros studios comme Disney.

Tenant à parler de "French touch", Serge Elissalde acquiesce. "Nous sommes dans un pays d'histoire de l'art" avec "une sensibilité artistique", explique le cofondateur des Trois ours, structure spécialisée dans les courts métrages "d'auteur", fraîchement couronnée d'un "César", les prix français du cinéma, pour "Mademoiselle Kiki et les Montparnos", réalisé par Amélie Harrault, une diplômée de l'EMCA.

Plus qu'un style, "la +French touch+, c'est peut-être cette capacité à explorer de nouveaux territoires", "la recherche d'une image graphiquement forte", le souci de productions moins standardisées, plus inspirées, accessoirement moins coûteuses (8 millions d'euros en moyenne pour un long métrage français, "beaucoup, beaucoup plus" aux Etats-Unis), analyse Christophe Jankovic.

Serge Elissalde insiste, lui, sur les conditions rendant possible cette "french touch" : sans volonté politique de maintenir un système d'aides à la création, sans soutien financier des chaines de télévision, sans cette "exception culturelle" française, "pas de cinéma français. Et pas de +French touch+".

Alors, Angoulême, fer de lance de cette "French touch"? En tout cas, pour Robert Richard, il y a bien d'une "spécificité charentaise", même si d'autres pôles ont essaimé depuis ailleurs en France. Le président de Magelis verrait bien, à terme, le Pôle s'étoffer encore pour se muer, pourquoi pas, en "mini Silicon Valley de l'animation".

dsa/mck/kat/cac

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