Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Poutine signe un accord rattachant la Crimée à la Russie, faisant fi des sanctions occidentales

Poutine signe un accord rattachant la Crimée à la Russie, faisant fi des sanctions occidentales

Le président Vladimir Poutine a signé mardi un traité historique rattachant la Crimée à la Russie, avec effet immédiat, faisant fi des sanctions occidentales décrétées la veille contre Moscou, ce qui a été aussitôt dénoncé par Kiev et les Occidentaux.

A l'issue d'un discours sous les ors du palais du Kremlin, M. Poutine a signé avec les nouveaux dirigeants pro-russes de Crimée un accord entérinant l'entrée dans la Fédération de Russie de deux nouveaux sujets, la Crimée et la ville de Sébastopol qui a un statut spécifique dans la péninsule.

Le Kremlin a peu après précisé que le document entrait en vigueur dès mardi, même si le Parlement russe doit encore ratifier une loi en ce sens, ce qui est une simple formalité.

La signature a été chaudement applaudie par l'assemblée de parlementaires, gouverneurs et membres du Parlement russe réunie au Kremlin.

A Sébastopol, environ 2.000 personnes qui ont regardé M. Poutine sur un grand écran dans le centre-ville ont crié "Hourra" et "Russie! Russie!"

A Kiev, le porte-parole de la diplomatie ukrainienne Evguen Perebyïnis a déclaré que l'Ukraine ne reconnaîtrait "jamais la soi-disant indépendance et le soi-disant accord sur le rattachement de la Crimée à la Russie".

Le parti de l'ancien champion de boxe et candidat à la présidentielle du 25 mai Vitali Klitschko a réclamé la rupture des relations diplomatiques avec la Russie.

Le vice-président des Etats-Unis Joe Biden a qualifié mardi à Varsovie le rattachement de la Crimée de "confiscation de territoire", et menacé Moscou de nouvelles sanctions. "L'isolement politique et économique de la Russie ne peut qu'augmenter si elle poursuit dans la même voie", a-t-il ajouté.

Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a annoncé la suspension de toute coopération militaire avec Moscou, jugeant "regrettable" que la Russie ait "fait le choix de l'isolement".

Le chef de la diplomatie suédoise Carl Bildt a pour sa part estimé sur Twitter que M. Poutine confirmait ainsi "sa volonté de défier le droit international et l'ordre mondial".

Dans son discours, marqué par des élans de patriotisme et un ton très anti-occidental, M. Poutine a joué sur la fibre émotionnelle et assuré que la Russie ne voulait pas d'une scission de l'Ukraine, deux jours après un référendum en Crimée qui a plébiscité un rattachement de cette région à la Russie.

"Dans le coeur et la conscience des gens, la Crimée était et reste une partie intégrante de la Russie", a-t-il lancé, affirmant que Moscou aurait "trahi" les habitants de la péninsule si elle n'avait pas répondu à ses appels à les protéger face à la contestation à Kiev qui a abouti à la destitution du président Viktor Ianoukovitch.

La Crimée, qui appartenait à la Russie au sein de l'URSS, avait été offerte en 1954 à l'Ukraine par le numéro un soviétique Nikita Khrouchtchev, une décision prise selon M. Poutine "en violation des normes constitutionnelles" de l'époque.

"Ne croyez pas ceux qui vous font peur au sujet de la Russie, qui vous disent qu'après la Crimée, vont suivre d'autres régions", a déclaré M. Poutine à l'adresse de ceux qui s'inquiètent d'une éventuelle répétition du scénario criméen dans l'est russophone de l'Ukraine.

"Nous ne voulons pas la scission de l'Ukraine, nous n'en avons pas besoin", a-t-il ajouté.

Le chef de l'Etat russe s'est aussi livré à une dénonciation en règle des Occidentaux, estimant qu'ils avaient "franchi la ligne rouge" et s'étaient comportés de "manière irresponsable" dans la crise ukrainienne. Il les a accusés de faire preuve de "cynisme" et d'agir selon "le droit du plus fort".

M. Poutine avait déjà signé lundi soir un décret reconnaissant l'indépendance de la péninsule séparatiste ukrainienne de Crimée, ignorant les sanctions décrétées dans la journée par les Européens et les Américains.

Un conseiller du Kremlin, Iouri Ouchakov, a tourné en dérision ces mesures, déclarant qu'elles suscitaient en Russie "ironie et sarcasme".

"Je pense que ce sont des sanctions très confortables, je n'y vois pour moi aucun problème. Cela ne me gêne pas, au contraire j'en suis fier. C'est une sorte d'+Oscar+ de la part de l'Amérique, dans la catégorie +meilleur second rôle masculin+", a aussi ironisé un autre conseiller présidentiel, Vladislav Sourkov, lui-même visé par les sanctions américaines.

Les sanctions européennes et américaines, plutôt symboliques, concernent un nombre limité de hauts responsables russes et ukrainiens pro-russes. Elles épargnent M. Poutine, mais frappent très près du président russe, au moins celles prises côté américain.

Onze personnes sont visées selon la Maison Blanche: sept Russes et quatre personnes accusées de collusion avec la Russie en Ukraine, dont le président déchu Viktor Ianoukovitch, un conseiller, et deux dirigeants séparatistes de Crimée, Sergiï Axionov et Volodymyr Konstantinov.

Parmi les Russes, qui voient leurs éventuels avoirs gelés aux Etats-Unis, figurent le vice-Premier ministre Dmitri Rogozine, la présidente du Conseil de la Fédération (chambre haute du Parlement), Valentina Matvienko, deux proches conseillers de M. Poutine (Vladislav Sourkov et Sergueï Glaziev) et deux élus de la Douma.

Dans le même temps, les ministres européens des Affaires étrangères ont pris des sanctions --restrictions de visas et gels d'avoirs-- contre 21 responsables ukrainiens et russes. MM. Axionov et Konstantinov, ainsi que des militaires russes actifs en Crimée, figurent sur le liste officielle publiée par l'UE.

De telles sanctions sont inédites dans l'histoire des relations UE-Russie depuis l'effondrement de l'Union soviétique en 1991.

L'option militaire exclue, les Occidentaux comptent sur l'impact d'un isolement international croissant de la Russie. Les Etats-Unis et l'UE qui comptent parmi les trois principaux partenaires de Moscou se réservent la possibilité d'imposer des sanctions économiques et commerciales.

Le chef de la diplomatie française Laurent Fabius, qui a annulé une visite prévue mardi à Moscou avec le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, a déclaré que Paris pourrait suspendre la vente de deux Mistral à Moscou, aux termes d'un contrat signé en 2011.

Jouant la carte de l'apaisement, M. Fabius a toutefois indiqué que le président russe était toujours invité le 6 juin prochain en France aux cérémonies du 70e anniversaire du Débarquement des forces alliées.

Le maître du Kremlin, sorti renforcé du référendum et dont la cote de popularité en Russie a battu un record depuis sa réélection à la présidence en mai 2012, a clairement montré qu'il restait imperturbable face aux menaces occidentales.

Des dizaines de milliers de personnes sont attendues mardi soir sur la place Rouge à un concert pour soutenir la politique du Kremlin.

Malgré tout, à Kiev, le Premier ministre Arseni Iatseniouk a déclaré mardi que l'adhésion de Ukraine à l'Otan n'était "pas à l'ordre du jour".

Il a par ailleurs accusé les services spéciaux russes d'attiser les troubles dans l'Est de l'Ukraine pour justifier une "agression militaire" au prétexte de protéger les russophones.

bur-edy/nm/ih

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.