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Ukraine: Haute couture à Kiev sur fond de bruit de bottes

Ukraine: Haute couture à Kiev sur fond de bruit de bottes

Les lumières baissent, une musique mélancolique coule des haut-parleurs et un mannequin squelettique trotte résolument sur le podium: non, on n'est ni à New-York ni à Milan, mais à Kiev.

La guerre avec la Russie qui menace dans le sud-est est dans tous les esprits, mais quand on pénètre dans le centre d'expositions Mystetskiï Arsenal, on pourrait se croire transporté en plein épisode de "Sex & the City".

Des nymphes longilignes, talons aiguilles et lèvres rouge vif, fringuées à la dernière mode, circulent en échangeant des potins, un gros sac en cuir sur l'avant-bras ou une petite pochette de luxe à la main.

La Semaine de la mode ukrainienne s'est ouverte vendredi pour offrir pendant une semaine une vitrine de choix à plus de quarante créateurs locaux.

Mais, avec les menaces pesant sur leur pays, les organisateurs et les designers insistent sur leur volonté d'y répondre par un message optimiste à l'Europe, au reste du monde et à leurs compatriotes.

"Nous avons réfléchi à un possible ajournement de la Semaine, mais quand la crise en Crimée a commencé, nous avons compris qu'il fallait la tenir maintenant", dit à l'AFP Irina Danilevska, co-fondatrice et organisatrice du show.

"Nous devons montrer au monde extérieur que nous ne sommes pas brisés et que nous sommes forts", poursuit-elle.

Loin de s'enfermer dans une bulle élégante, Irina Danilevska et nombre d'autres partenaires de la Semaine de la mode, ont participé au mouvement de contestation sur le Maïdan qui avait renversé le président pro-russe Viktor Ianoukovitch.

Ils ont contribué à propager le message des protestataires et travaillé dans leurs hôpitaux, dit-elle. "Ils ne vivent pas dans les nuages, ils ont les pieds bien par terre".

Il règne, dans la foule de tous ces gens arborant serre-tête fleuri, gants longs jusqu'au coude et capelines, un esprit de défi.

"Ce qui se passe en Ukraine ne veut pas dire que tout s'est arrêté et que rien ne marche plus", dit un autre fondateur de la Semaine, Olexandre Sokolovski.

"Nous voulons montrer que ce n'est pas la guerre, que la vie continue en Ukraine", ajoute Natalia Kamenska, du duo de créatrices Kamenskakononova, rebaptisé récemment en Lake.

Après avoir longtemps hésité, les deux jeunes femmes ont créé leurs nouveaux modèles en quelques semaines, tout en continuant leur activités sur le Maïdan. Elles présentent une collection très sobre et sombre, leurs vêtements s'ornant souvent du mot "Devoir".

Le fond sonore du show - un "bruit industriel" - était aussi pensé comme hommage aux manifestants, une tentative de faire sentir aux gens "quelque chose dans leur for intérieur, car ce bruit, vous le sentez dans votre corps", dit Kamenska.

La créatrice Lilia Poustovit, dont les vêtements sont vendus en Italie, en Suisse et en Russie, a choisi de manifester son patriotisme par une collection pale jaune et bleue, les couleurs du drapeau ukrainien.

Deux designers ukrainiens ont dû annuler leur participation, leur travail ayant été perturbé par les événements dans la rue, et des participants étrangers se sont désistés, disent les organisateurs. Mais pour l'industrie et les créateurs ukrainiens qui doivent vendre leur production il était vital de ne pas abandonner.

"Nous avons plein de gens très talentueux et nous avons le devoir de le montrer", dit Danilevska, qui espère profiter de la présence massive de journalistes étrangers à Kiev.

Cependant, la situation politique a conduit les organisateurs à annuler les fêtes branchées initialement prévues. "Les réceptions avec célébrités ont disparu du programme et nous n'avons gardé que les événements professionnels", indique Sokolovski.

Il n'empêche, pour bien des visiteurs la Semaine de la mode fournit une bonne occasion de penser à autre chose que les nouvelles de plus en plus inquiétantes à la télévision.

Venue pour la première fois, Mila Borodine sirote un cocktail avec une amie et envisage d'acheter quelques accessoires.

Regardant une jeune fille passer à rollers, sa cape blanche flottant au vent, Mila se dit sûre que la Semaine est bienvenue: "avec ce qui arrive, tout le monde cherche à se détendre. La vie continue".

ssw/via/kat/fw

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