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Dans l'Ouest ukrainien, une mosaïque de minorités craint la contagion

Dans l'Ouest ukrainien, une mosaïque de minorités craint la contagion

"Pas notre combat" : à 1.300 km à l'ouest de la Crimée, la minorité hongroise d'Ukraine craint un conflit dont elle se sent étrangère, et dans lequel elle redoute d'être aspirée.

En Transcarpathie, une région d'Ukraine située aux confins de la Hongrie, de la Pologne, de la Roumanie et de la Slovaquie, ces Hongrois de souche sont, avec les Roumains, le groupe principal d'une mosaïque qui comprend aussi des Russes, des Ruthènes, des Roms et bien sûr des Ukrainiens.

Ces communautés coexistent en général sans heurts sur un territoire qui a été ballotté entre Etats pendant le XXe siècle, pour être finalement intégré en 1991 à l'Ukraine devenue indépendante.

Pendant des mois, les échos du tumulte à Kiev sont parvenus assourdis. Cela n'a changé qu'en février, quand les ultranationalistes ukrainiens des groupes Pravy Sektor et Svoboda, très en vue sur le Maïdan (place de l'Indépendance) à Kiev, ont commencé à donner de la voix.

A Berehove (Beregszasz en hongrois), une affiche fixée sur un arbre près de la mairie de cette ville de 24.000 habitants montre l'ex-président Viktor Ianoukovitch derrière des barreaux, à côté d'un visage d'enfant peint aux couleurs de l'Union européenne. "Beregszasz ! Ne reste pas silencieuse ! Ne les laisse pas ruiner l'avenir de tes enfants !", lit-on en hongrois sous le montage.

"Ce qui se passe à Kiev ou en Crimée ne nous regarde pas. Ce n'est pas notre combat", commente sans appel Viktoria Szabo, une serveuse de 20 ans interrogée par l'AFP.

Les nationalistes, raconte-t-elle, circulent en camionnette en ville pour appeler les habitants à se recueillir devant un mémorial improvisé pour les victimes de Kiev.

"Ils demandent pourquoi nous n'avons pas aidé les opposants à Kiev, et si nous irons combattre en Crimée", dit-elle.

A Oujhorod, la capitale de la Transcarpathie, des jeunes affiliés à Pravy Sektor occupent depuis mi-février le bâtiment administratif régional. Pendant que certains montent la garde à l'entrée, d'autres débattent passionnément dans le hall, sous une banderole Euromaïdan.

"Nous aimons bien les Hongrois et les autres minorités d'ici", assure Andreï Fedunets, 20 ans, tout en suivant en direct les événements de Crimée sur son ordinateur portable. "Nous voulons qu'ils bâtissent avec nous l'Ukraine européenne. Ceux que nous combattons, ce sont Ianoukovitch et les Russes."

Mais dans leur région que la chaîne des Carpathes isole du reste du pays, les Hongrois d'Oujhorod et de Berehove sont d'abord inquiets pour leurs droits.

En 2010, la Transcarpathie avait voté pour le candidat Ianoukovitch, seule parmi les autres régions de l'Ouest de l'Ukraine, qui avaient choisi massivement la pro-européenne Ioulia Timochenko.

"Nous savions qu'il était corrompu et qu'il allait ruiner l'économie, mais au moins avec lui, on n'allait pas nous traiter comme des non-Ukrainiens, comme cela avait été le cas sous Timochenko", explique Elemer Koszeghy, rédacteur en chef d'un journal de langue hongroise.

Sous Ianoukovitch, une loi de 2012 a accordé dans plusieurs régions le statut de langue officielle aux langues minoritaires. Une autre a supprimé l'obligation de passer en ukrainien les examens d'entrée à l'université.

L'abrogation de la loi de 2012 a été, dès le 23 février, l'une des premières décisions du Parlement de Kiev depuis la chute de Ianoukovitch. Un vote passé relativement inaperçu à l'étranger, mais qui a marqué les esprits, en Transcarpathie comme en Crimée.

pmu/cs/sgl/sym

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