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Délégués de chantier et trafiquants de drogue?

Délégués de chantier et trafiquants de drogue?

Le conseiller politique de l'ex-président de la FTQ Michel Arsenault, Gilles Audette, semblait convaincu à l'hiver 2009 que des délégués de chantier profitaient de leur situation pour vendre de la drogue aux travailleurs, révèle une écoute électronique présentée mercredi à la commission Charbonneau.

Un texte de François Messier

Cette conversation, captée par les policiers de l'opération Diligence le 21 février 2009, a été présentée dans le cadre du témoignage de Bernard Gauthier, représentant syndical des opérateurs de machinerie lourde de la FTQ-Construction sur la Côte-Nord.

« Crisse, je suis pas un enfant d'école. Je le sais, ce qui se passe sur les chantiers. Tsé Michel, la distribution de la dope là crisse, ça passe en ostie sur les chantiers, la cocaïne sur les chantiers ça passe par les délégués, han? », lance M. Audette à M. Arsenault, qui ne répond pas.

Il poursuit ensuite. « C'est clair ça, ciboire, c'est leur réseau ça. Dans les usines y'ont pas besoin de passer par leurs syndicats. C'est d'la main-d'uvre permanente ostie, pis y'ont, écoute ben, y'en a des réseaux de distribution de dope, ostie, de pot, de hash, pis de coke. »

« Pis ça arrive des fois que c'est même les officiers du syndicat qui sont à tête de ça. Mais c'est pas, ça passe jamais par la structure syndicale, tsé le national parce que crisse euh, y'ont pas besoin [inaudible] y suffit qu'y trouvent quelqu'un pis qu'y travaille là ou y placent quelqu'un pis là le gars y'est dans l'usine pour des années; mais sur les chantiers de construction là, c'est temporaire. »

« Je le sais pas ce qu'il veut dire », a commenté Bernard Gauthier, qui assure n'avoir jamais été témoin lui-même d'une telle situation. « Moi, je trouve que ça a pas rapport. Pourquoi les délégués? Je comprends pas son affaire. [...] On sait qu'il y a des vendeurs, on sait qu'il y a de la drogue, mais ça n'a pas rapport avec les délégués. »

Visite du crime organisé chez Gauthier

Bernard Gauthier a cependant fait valoir que la rumeur à ce sujet est si tenace qu'il a reçu l'automne dernier la visite d'un messager du crime organisé qui voulait le prévenir au sujet de la drogue sur les chantiers. Cet individu, qu'il connaissait mais qu'il n'a pas nommé, est venu sonner à son domicile un dimanche soir, dit-il.

« Il me parlait de la drogue. Il m'a dit « tu sais en haut, là-bas, il y a des règles à suivre », relate Gauthier, qui assure n'avoir pas eu la moindre idée de ce que son interlocuteur voulait dire. « J'ai dit : prends mon numéro [...] pis dis le à la personne qui t'a envoyé icitte - avec une couple de sacres - pour que le gars m'appelle. Je veux savoir ce qui se passe. »

M. Gauthier a reconnu d'emblée que des problèmes de drogue étaient constatés sur tous les chantiers de construction, mais que cela était le fait d'un petit groupe d'individus, et que cela n'était pas pire aujourd'hui qu'il y a quelques années. Mais cela constitue un réel problème, notamment au regard de la santé et la sécurité sur les chantiers.

Lorsque le procureur Simon Tremblay lui a demandé ce qu'il ferait s'il était informé qu'un de ses travailleurs vendait de la drogue, Bernard Gauthier a cependant répondu : « Si je le sais, je vais aller le voir c'est sûr pour y dire regarde... J'irai pas le dénoncer, c'est sûr, parce que, écoute, c'est pas ma tâche première. »

Bernard Gauthier a atatqué les médias au passage. « Depuis une couple d'années, les médias se sont fait un petit party avec ça, que j'étais supposément dans le crime organisé ou que je passais de la drogue et ainsi de suite », a-t-il dit.

Des rumeurs persistantes...

La semaine dernière, l'entrepreneur Normand Pedneault avait déclaré à la commission que M. Gauthier et le représentant syndical du local AMI (manoeuvres, FTQ-Constuction) de l'époque, Michel Bezeau, plaçaient sur des chantiers des « indésirables », souvent intoxiqués, qui travaillent peu et, essentiellement, effraient les autres travailleurs..

Impossible, malgré cela, de s'en débarrasser. « Tu ne touches pas à ces gars-là : si tu les sors du chantier, il va fermer », a affirmé l'entrepreneur.

Se fondant sur des rumeurs insistantes, M. Pedneault a estimé qu'il était fort possible que ces intouchables soient, en fait, impliqués dans le trafic de drogue sur les chantiers.

« Peut-être que ces gens-là ont d'autres activités à effectuer, ils ont le profil...Je peux vous dire que sur la Côte-Nord, il n'y a pas de motards... c'est les rumeurs », a-t-il avancé. « On me dit que ça fait partie des activités, la rumeur est là et est assez forte dans le milieu, mêmes des gens de la Sûreté... »

Le reportage sur les agissements de MM. Gauthier et Bezeau diffusé par Enquête en mars 2010 faisait état d'allégations de trafic de stupéfiants contre Michel Bezeau. L'ex-représentant syndical avait nié et s'était dit injustement accusé.

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