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Difficile d'attraper les tricheurs dans les universités

Difficile d'attraper les tricheurs dans les universités
Izabela Habur via Getty Images

Le plagiat semble être une pratique répandue dans les établissements scolaires. Mais combattre la malhonnêteté universitaire, la tricherie, n'est pas une tâche facile.

Un texte de Denis-Martin Chabot

Si tous les établissements postsecondaires au pays ont des politiques de tolérance zéro, des données recueillies par CBC/Radio-Canada auprès de 42 universités démontrent que moins de 1 % des étudiants se font prendre à tricher, alors que les experts estiment que la pratique est beaucoup plus répandue.

« Pendant les examens, quand j'échangeais des textos, je n'étais pas seul. J'échangeais avec des amis. Quand j'ai payé des gens pour mettre mon nom sur des travaux, ils acceptaient. Ils savaient le risque qu'ils encouraient », explique l'étudiant, qui a requis l'anonymat.

D'abord, la sensibilisation

Les sanctions peuvent être sévères, allant d'une simple réprimande à un échec dans son travail ou son examen, passant par la suspension de l'université, jusqu'à la révocation du diplôme.

Toutes les universités au pays misent d'abord sur la sensibilisation. À chaque début de session, on rappelle aux étudiants les politiques sur le plagiat et la probité universitaire.

« On ne pourra jamais éliminer la malhonnêteté. L'idée, c'est de la réduire au minimum », dit André Samson.

Comment prendre les tricheurs?

Les universités ont plusieurs techniques pour prendre les tricheurs, surtout lors des examens. Les étudiants se font assigner une place, et leur voisin n'a pas la même version de l'examen.

« Dans les examens à choix multiples, l'Université mandate qu'il y ait au moins quatre versions pendant les examens finaux, qu'il y ait quatre versions différentes où les choix sont mélangés », explique Ariel Fenster, professeur de chimie à l'Université McGill.

Ainsi, si dans la première version, la bonne réponse à la question est A, c'est peut-être B, C ou D dans la deuxième version, et ainsi de suite. Copier devient alors difficile, pour ne pas dire inutile.

Dans plusieurs campus, on mélange aussi les examens. Par exemple, dans une même salle, un étudiant qui remplit son examen de chimie est assis à côté d'un autre qui fait celui en sciences politiques.

Rédacteurs clandestins

Par contre, pour les devoirs, c'est une autre affaire.

Les services de rédaction clandestins, qu'on retrouve facilement en ligne, sont tellement sophistiqués qu'ils arrivent à défier les professeurs les plus attentifs et les logiciels antiplagiat les plus perfectionnés, comme Turn-it-in, mis à l'essai à l'Université de Montréal. Ce logiciel de reconnaissance de texte permet de déceler le plagiat.

« Je m'arrange pour ça aille toujours avec le niveau de l'étudiant, parce que quelqu'un va me dire, j'ai toujours 70, 75. Je ne veux pas avoir un travail que je vais avoir 100 sur 100. Les gens vont s'en rendre compte », souligne une rédactrice clandestine qui obtient en moyenne 300 $ par devoir qu'elle rédige pour un autre.

Elle y inclut même des fautes d'orthographe pour s'ajuster à la qualité habituelle du français de son client.

Quelles réprimandes?

« J'ai eu 80 sur 100. J'avais une question à zéro sur 20 », affirme un étudiant en génie qui a déjà copié les réponses à un devoir à partir d'un site de partage en ligne, du style Dropbox.

Il n'a perdu des points que pour la question où il était clair qu'il avait triché.

Plusieurs internautes ont réagi à notre reportage pour raconter leur expérience. En voici quelques exemples :

  • « J'ai vu beaucoup de mes collègues tricher, certains volent des examens, certains cachent leurs notes dans les toilettes et demandaient à sortir durant les examens. Aucun n'a été réprimandé. »
  • « Certains élèves "prometteurs" en termes de performance scolaire étaient attendus à la maîtrise et les professeurs fermaient les yeux sur cette tricherie, car des jeunes en maîtrise en au doctorat apportent des subventions et des bourses. »
  • « Tous les chargés de cours et les profs savent bien qu'il y a une politique officielle. Vous devez rapporter tous les cas de plagiat à un comité disciplinaire, ce qui exige de "faire la preuve" du cas de plagiat. Les sanctions varient beaucoup, et cela prend beaucoup de temps. Dans certains cas, le comité rejette les accusations pour différentes raisons, à l'encontre de l'avis de l'enseignant. Donc, bien des gens préfèrent régler cela "à l'interne", c'est-à-dire trouver un arrangement. La plupart des cas ne sont donc pas comptabilisés par les statistiques des universités, qui se basent sur les cas référés au comité disciplinaire. D'une certaine manière, ça fait un peu l'affaire des administrations: les statistiques de plagiat dégonflent et tout le monde a davantage de temps pour se consacrer à ses priorités. »

Culture de la tricherie

La doyenne de l'école de commerce et d'économie à l'Université de Guelph en Ontario, Julia M. Christensen Hughes, coauteure de l'étude Academic Misconduct within Higher Education in Canada, publiée en 2006, estime que la malhonnêteté universitaire est à l'image de notre société.

« Regardez les émissions à la télévision aujourd'hui et ces émissions de téléréalité. Les gens peuvent se conduire de la façon la plus outrageuse, et ils deviennent célèbres et gagnent beaucoup d'argent. Vous pouvez regarder les politiciens », dit-elle.

Selon Mme Christensen Hugues, il n'y a pas une institution dans notre monde dont on ne peut remettre en question l'intégrité. Or, elle souhaite que les universités s'élèvent au-dessus de cela, qu'elles donnent l'exemple.

La tricherie a tout de même ses limites. Les ordres professionnels imposent leurs propres examens qui, estiment-ils, sont très difficiles à déjouer.

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