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Des "assemblées du peuple" en Bosnie pour faire pression sur le pouvoir

Des "assemblées du peuple" en Bosnie pour faire pression sur le pouvoir

"La voix du peuple est entendue pour la première fois et les politiciens ont peur. Nous devons aller jusqu'au bout". Sead Kesko, laisse exploser sa colère devant des centaines d'habitants de Sarajevo venus participer à une "assemblée du peuple".

Depuis les violences qui ont marqué les manifestations du 7 février contre la pauvreté et le pouvoir en Bosnie, dans lesquelles des immeubles gouvernementaux ont été incendiés dans plusieurs villes, des citoyens s'organisent au quotidien à travers le pays en "plénum", des forums où ils formulent leurs revendications à l'adresse des autorités.

Il s'agit d'une situation inédite dans cette ancienne république yougoslave qui avait découvert la démocratie peu avant la guerre inter communautaire de 1992-95 qui avait fait 100.000 morts.

En Bosnie, un des pays les plus pauvres d'Europe, le chômage touche 44% des 3,8 millions d'habitants. La corruption ronge la société et le niveau de vie s'est davantage détérioré au cours des dernières années à cause de la crise économique et des querelles politiciennes incessantes.

Comme tous les orateurs qui prennent la parole pendant deux minutes pour dire leur mécontentement ou lancer une proposition, Denis Mehanovic est motivé par une souffrance personnelle.

"Nous réclamons le respect du code du travail. Je travaille dans le secteur privé où les gens sont transformé en esclaves", s'emporte ce jeune homme vêtu d'un parka rouge. La foule l'acclame.

La scène se passe dans une salle de concerts. Chaque jour vers 17H00, plusieurs centaines de personnes y affluent, après avoir manifesté pendant plusieurs heures dans le centre-ville.

"Les citoyens qui courbent le dos devant ces bandits au pouvoir ne méritent pas d'avoir un État", lit-on sur une pancarte.

Un acteur local en noeud papillon, Mladen Jelicic, dit Troko, appelle à l'unité entre les communautés locales, dans ce pays ethniquement divisé entre Musulmans, Serbes (chrétiens orthodoxes) et Croates (chrétiens catholiques).

"Il y a tant de choses qui nous unissent", lance Troko.

Après les violences du 7 février, les manifestations rassemblant quelques centaines de personnes se sont poursuivies, mais uniquement dans des villes où les Musulmans sont majoritaires, à l'instar de Sarajevo.

Ces "assemblées du peuple" réclament notamment le plafonnement des salaires des hauts fonctionnaires de l'administration et leur emploi sur des critères professionnels.

Les demandes formulées par ces "forums" sont régulièrement remises aux autorités assure les prendre en compte.

"Le temps est venu pour que les citoyens parlent et que la politique se taise et écoute", a déclaré Zlatko Lagumdzija, un des leaders de la coalition au pouvoir.

A Tuzla (nord-est), les dirigeants démissionnaires de l'administration régionale ont renoncé, sous la pression du "forum" local, à leur droit de continuer à toucher le salaire pendant un an après la fin du mandat.

Dans un pays où l'expression du mécontentement est rare, ces réunions sont une surprise.

"Il est très difficile de prévoir si ces forums auront du succès parce qu'on assiste pour la première fois à ce genre d'organisation citoyenne en Bosnie", dit l'analyste Srecko Latal.

Il affirme toutefois qu'une "situation économique et sociale très difficile" permet de prévoir la poursuite de la grogne "si le message n'aura pas été entendu".

En visite mardi à Sarajevo, le commissaire européen à l'Élargissement, Stefan Füle, a rencontré des organisateurs de ces forums et salué leur "engagement".

"J'invite les hommes politiques de Bosnie à ne pas ignorer les voix des citoyens (...) Ils doivent être entendus", a-t-il dit.

Nidzara Ahmetasevic, une des organisateurs du forum à Sarajevo, a pour objectif d'"obliger ceux qui sont au pouvoir de faire leur travail".

Des gens se succèdent derrière de micro. Chômeurs, étudiants, retraités.

"Je viens de l'entreprise des transports en commun, un nid des mafieux qui depuis sept ans n'ont pas payé nos charges sociales", dénonce Asja Kuluglija.

"Je suis la veuve d'un militaire tué pendant la guerre, la mère d'un enfant qui a aussi été tué. Je n'ai peur de personne et plus rien à perdre", s'insurge-t-elle.

rus/cn/abl

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