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Guerre en France autour du plus célèbre château de la Loire

Guerre en France autour du plus célèbre château de la Loire

La guerre, sans intervention de l'ONU, est déclarée entre le château de la Loire le plus fameux, Chambord, classé au patrimoine mondial et l'un des plus petits villages de France situé sur son domaine.

En jeu: un ambitieux projet de montée en gamme des infrastructures touristiques à proximité du château, édifié à la demande de François 1er entre 1519 et 1547, dont l'escalier aurait été dessiné par Léonard de Vinci.

Le domaine souhaite augmenter le nombre de visiteurs (plus de 700.000 par an, dont la moitié d'étrangers) avec la création d'une "maison du domaine", d'un "auditorium" et la reconstruction de jardins à la française commandés par Louis XIV, basée sur des plans retrouvés de Jules Hardouin Mansart.

Premier problème: l'ancien domaine royal, acquis par l'Etat en 1930, englobe la commune de Chambord et ses 132 habitants, créant une situation unique. Son maire est un roi sans terre, tandis que le directeur général du domaine, véritable "châtelain républicain", détient les pleins pouvoirs.

Dans sa mairie assiégée par les engins de chantier affairés à remodeler les jardins autour du château, André Joly n'a pas de mots assez durs pour "les seigneurs du château", accusés de vouloir asseoir les "privilèges" d'une caste de parlementaires désireux de se réserver l'accès aux parties de chasse républicaines de Chambord.

L'affrontement s'est durci récemment et a gagné les salons feutrés du Parlement français. Les partisans de la commune au Sénat ont déposé le 31 janvier un amendement soulignant que le maire de Chambord dispose "pleinement des pouvoirs qui lui incombent". Mais il a été rejeté.

Le domaine de Chambord et son directeur général, l'élégant diplomate de carrière Jean D'Haussonville, ne manquent pas de défenseurs dans les palais du gouvernement, avec souvent pour point commun leur passion cynégétique.

Certains vont jusqu'à suggérer de dissoudre tout simplement la commune de Chambord en la fusionnant avec une collectivité voisine.

Une perspective qui fait s'étouffer d'indignation le maire de Chambord qui voit dans ses malheurs la main d'un "lobby des chasseurs de tous bords politiques".

M. d'Haussonville a la haute main sur la liste des invités aux chasses dans le plus grand parc forestier d'Europe (plus de 50 km2).

"Chambordland"

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M. Joly n'a aucun doute: le même lobby complote jusque dans les couloirs du Conseil d'Etat, plus haute instance administrative française, qui a rendu un avis ne lui laissant que la gestion de la voirie de la minuscule agglomération, du réseau d'adduction d'eau... et du cimetière.

De leur côté, habitants et commerçants, dont aucun n'est propriétaire, sont sommés de signer des "conventions d'occupation", sorte de bail précaire. Pour certains, comme les gérants de l'Hôtel Grand Saint Michel, c'est le départ forcé, et douloureux, même s'il est assorti d'une indemnisation de 3 millions d'euros.

Le bras de fer avec les tenanciers de ce charmant établissement un peu vieillot qui permet à ses clients de jouir d'une vue imprenable à un prix abordable - chambres de 60 à 106 euros et menu à 22,50 euros - est emblématique.

Pour les détracteurs du "château", le montant des indemnisations est la preuve que le domaine va être transformé en un "Chambordland" dont les luxueuses prestations ne seront accessibles qu'aux plus fortunés.

"Les temps ont changé", réplique le directeur général. "Il est de notre intérêt stratégique de relever le niveau de l'hôtel".

Seulement, il existe un deuxième obstacle que la France semble ignorer: l'Unesco - Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, basée à Paris - et, plus précisément, le Comité du patrimoine mondial.

Ce Comité du patrimoine mondial doit avoir son mot à dire sur le projet s'agissant de "restaurations importantes ou de nouvelles constructions, qui pourraient modifier la valeur universelle exceptionnelle du bien", selon l'article 172 des "Orientations" de la Convention du patrimoine mondial.

Or, "le comité du patrimoine n'a pas été informé", a dit un porte-parole de l'Unesco à l'AFP.

C'est d'autant plus gênant que l'impact sur la qualité du site d'une augmentation exponentielle du nombre de touristes, ainsi que des constructions prévues à l'extérieur et à l'intérieur du château, doit pouvoir être évalué par cette instance internationale indépendante.

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