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Bosnie : la tension retombe, mais le mécontentement persiste

Bosnie : la tension retombe, mais le mécontentement persiste

Le calme semblait revenu samedi en Bosnie, où seuls de petits rassemblements ont eu lieu après trois jours de violentes manifestations contre la pauvreté et la mauvaise gestion politique qui ont fait plus de 250 blessés, mais un fort mécontentement persistait dans la population vis-à-vis du pouvoir.

Des centaines de personnes, contestataires et simples badauds, se sont rassemblées, sans incidents, notamment à Bihac (nord-ouest), à Konjic (sud) ainsi qu'à Sarajevo, la capitale de ce pays dont plusieurs villes avaient été le théâtre d'actes de vandalisme.

Nombre de Bosniens continuaient cependant d'exprimer leur colère.

"Je soutiens pleinement ceux qui ont saccagé les immeubles de l'administration. C'était tout simplement inévitable car il semble que nos hommes politiques ne comprennent que ce langage", a ainsi dit à l'AFP Amina Mehic, une habitante de Sarajevo au chômage.

Mme Mehic s'est attardée quelques instants devant le siège de la présidence de Bosnie aux côtés des dizaines d'autres badauds venus constater les dégâts provoqués par l'incendie de la veille.

Une forte odeur de brûlé envahissait l'air à proximité des bâtiments abritant la présidence collégiale bosnienne et le siège de l'administration régionale, également incendié.

Des pompiers y ont lutté toute la nuit contre les flammes.

"Cette violence est terrible, mais les gens ont compris qu'ils ne peuvent rien changer en manifestant paisiblement. Les salaires de nos hommes politiques dépassent souvent 4.000 euros, alors que la retraite moyenne est de 150 euros par mois. C'est une honte !", s'est exclamée une autre femme, qui a préféré garder l'anonymat.

Le calme était aussi revenu à Tuzla (nord-est), Mostar (sud) et Zenica (centre), théâtre de violences sans précédent depuis la fin de la guerre intercommunautaire de 1992-95 qui a fait 100.000 morts.

Des hooligans qui avaient rejoint des milliers de manifestants avaient saccagé et incendié des immeubles de l'administration de l'Etat.

"Etat de guerre ! Le pouvoir brûle !", titrait samedi le quotidien Oslobodjenje, après les émeutes ayant fait vendredi plus de 250 blessés à Sarajevo, à peu près autant de policiers que de manifestants, selon un dernier bilan de la police, qui a précisé que seules quatre personnes avaient été hospitalisées.

"C'est très triste de voir ces villes en flammes moins de vingt ans après un autre enfer", a dit à l'AFP habitante de Sarajevo au chômage, Jasminka Fisic.

"Les gens ont le droit d'agir et de dire ce qu'ils pensent, mais pas en démolissant les villes. Je pense que l'unique voie pour changer quelque chose est de juger et de mettre en prison ceux qui pillent ce pays depuis vingt ans", a-t-elle ajouté.

Sous la pression de la rue, les chefs des administrations régionales de Sarajevo, Tuzla et Zenica ont présenté leur démission.

Ces manifestations illustrent l'exaspération de la population face à la corruption qui gangrène la société et face à une classe politique engluée dans des querelles politiciennes et incapable de redresser l'économie sinistrée de la Bosnie où le chômage touche 44% de la population active.

Le mouvement est parti de Tuzla, jadis la plus importante ville industrielle de Bosnie, mais où des dizaines d'entreprises ont été ruinées en raison des privatisations ou sont en faillite, laissant sans travail des milliers de personnes.

"Les hommes politiques doivent comprendre que c'était un signal très sérieux que les citoyens leur ont envoyé pour dire qu'ils en ont assez des querelles politiciennes et qu'ils veulent un avenir différent", a dit à l'AFP un analyste, Srecko Latal.

L'accord de paix de Dayton (Etats-Unis), qui a mis fin au conflit en 1995, a créé en Bosnie une structure institutionnelle très complexe où le pouvoir est partagé entre Serbes, Croates et Musulmans et quasiment en permanence en situation de blocage à cause des disputes interethniques.

A cause de ces blocages, la Bosnie s'est retrouvée au cours des dernières années à la traîne de tous les autres pays des Balkans dans le processus de rapprochement avec l'Union européenne.

rus/cn/bds

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