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La dévaluation, remède à double-tranchant pour l'Argentine

La dévaluation, remède à double-tranchant pour l'Argentine

La brutale dévaluation du peso argentin passe pour un mal nécessaire renforçant la compétitivité du pays mais elle risque d'aggraver une inflation galopante sans remédier à certains déséquilibres économiques, selon des experts interrogés par l'AFP.

Depuis plusieurs semaines, la Banque centrale argentine a décidé de laisser le peso se déprécier par rapport au dollar en cessant de puiser dans ses réserves durement acquises pour défendre la monnaie sur le marché des changes.

Résultat: le peso a connu jeudi sa plus forte dévaluation en une journée (-11%) depuis 2002, au moment de la faillite du pays. Et depuis le début janvier, la devise argentine a dégringolé de près de 19% par rapport au billet vert.

La tendance pourrait encore s'accélérer, Buenos Aires ayant décidé vendredi de lever certaines restrictions limitant l'achat de devises étrangères en Argentine, dans l'espoir de calmer le marché.

A la peine pour attirer des investisseurs, l'Argentine n'a en réalité plus les moyens d'intervenir massivement sur le marché des changes au vu de l'érosion de ses réserves en devises étrangères, tombées à 29,5 milliards de dollars cette semaine contre 52 milliards en 2011.

"C'est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle", relève Gabriel Torres, analyste à l'agence de notation Standard and Poor's.

"Les précédentes politiques ne fonctionnaient pas, cela montre que le gouvernement réagit et cela devrait préserver les réserves", note-t-il, tout en soulignant que cette mesure risque d'accroître une inflation déjà hautement problématique.

La ruée vers le dollar en Argentine tient pour beaucoup à l'inflation galopante dans le pays qui affaiblit la valeur réelle du peso. Selon des chiffres d'instituts privés, la hausse des prix dans le pays a flambé de 26% sur un an en 2013 et devrait encore s'accélérer cette année.

L'inflation rappelle des mauvais souvenirs dans le pays qui avait été contraint de faire défaut sur une partie de sa dette en 2001-2002 en pleine récession. Une brutale dévaluation avait alors essoré les épargnants argentins.

Le contexte économique est toutefois aujourd'hui radicalement différent. Le pays "affiche une bonne performance économique en surface", résume Joydeep Mukherji, expert de l'agence de notation Standard and Poor's.

Le déficit budgétaire argentin s'est établi en 2013 à un très modeste 2,5% de son produit intérieur brut (PIB) et le pays a dégagé un excédent commercial de 9,0 milliards de dollars, porté par ses produits agricoles (soja, céréales) et sa viande. La dévaluation du peso ne fait que renforcer la compétitivité de ses exportations.

La dette publique se maintient également à un niveau relativement bas (autour de 40% du PIB selon S&P), notamment parce que le pays n'est plus en mesure de s'endetter auprès des marchés internationaux depuis la crise de 2001.

L'actuelle dévaluation pourrait toutefois avoir des effets pervers et rendre intenables certaines mesures gouvernementales controversées, notamment les fortes subventions publiques aux importations pétrolières qui vont devenir plus coûteuses ou le système de prix protégés qui a déjà fait fuir les investisseurs étrangers.

Comme l'an dernier, la hausse de l'inflation pourrait dépasser celle des recettes fiscales et pourrait contraindre l'économie au sur-place voire à la récession, selon Neil Shearing du cabinet Capital Economics.

"Notre prévision d'une récession cette année semblait audacieuse il y a quelques mois mais elle ne semble soudainement plus si improbable", indique-t-il.

Selon Arturo Porzecanski, professeur à l'American University de Washington, les mesures des autorités ne constituent que "des pansements posés sur d'anciennes plaies".

"Il y a beaucoup d'amateurisme dans l'équipe des dirigeants économiques en Argentine", affirme-t-il, prédisant des jours sombres pour le pays.

Selon les experts, le gouvernement pourrait peut-être retrouver la confiance des investisseurs et freiner la fuite des capitaux en dollars en réduisant ses subventions et en allégeant son système de contrôle des prix.

Ces mesures ont toutefois été réclamées en vain depuis de nombreuses années, rappelle M. Mukherji. "Cela fait des années que beaucoup de gens annoncent un grand changement pour très bientôt. On n'a pas vu grand chose".

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