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Nouvelle volte-face du PLQ sur le port du tchador

Nouvelle volte-face du PLQ sur le port du tchador
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QUÉBEC - Le Parti libéral du Québec (PLQ) effectue une énième volte-face depuis l'automne sur le port du tchador, ce grand voile noir qui crée visiblement un malaise au sein des troupes de Philippe Couillard.

Après deux mois de tergiversations, les libéraux ont annoncé mercredi qu'ils s'opposeront à ce qu'une enseignante ou une éducatrice en garderie puisse porter le tchador. Ils ont aussi réitéré qu'une femme recouverte du voile intégral _ répandu en Arabie saoudite et en Iran _ ne pourra se porter candidate libérale.

«On considère que la demande d'une enseignante qui voudrait porter le tchador serait déraisonnable et ne serait pas acceptée», a déclaré le député libéral Marc Tanguay, ajoutant qu'il en irait de même pour une éducatrice en service de garde.

Mais le port du tchador ne serait pas interdit pour tous les employés de l'État. Sous la gouverne libérale, chaque demande serait évaluée «au cas par cas», a précisé M. Tanguay, porte-parole du PLQ en matière de laïcité.

«C'est du cas par cas, selon le poste que le fonctionnaire occupe. Ça a toujours été notre position. Le PQ, c'est l'interdiction mur à mur. Pour nous, c'est du cas par cas», a-t-il soulevé, en marge de la commission parlementaire sur le projet de loi 60 qui institue la charte des valeurs.

Cette nouvelle position du PLQ sur les signes religieux a fait réagir le ministre des Institutions démocratiques et responsable de la charte des valeurs, Bernard Drainville.

Selon lui, l'opposition libérale nage en pleine incohérence.

«Ça va être quoi la balise? Qu'est-ce qui va faire qu'une fonctionnaire X va pouvoir porter le tchador et que l'autre à côté ne pourra pas le porter? Même chose pour les infirmières, même chose pour les policières. Leur position n'a pas de maudit bon sens. Plutôt que de clarifier la situation, ils s'enfoncent de plus en plus», a-t-il lancé entre deux séances de la consultation publique sur la charte.

Pour le gouvernement du Parti québécois, le tchador est un symbole d'intégrisme qui viole le principe même de l'égalité entre les hommes et les femmes. Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, partage cet avis.

Le port de ce vêtement ne devrait faire l'objet d'aucun accommodement, pense le leader caquiste.

«Le tchador, c'est plus qu'un signe religieux, c'est un signe qui démontre une certaine oppression de la femme, c'est un uniforme qui ne devrait pas être accepté chez aucun employé de l'État», a-t-il affirmé.

Depuis des mois, le PLQ soutient qu'il s'oppose à toute forme d'interdiction vestimentaire reliée à la pratique religieuse, en autant que le visage soit découvert. Sa position sur le tchador semble en contradiction avec ce principe. Le tchador recouvre tout le corps de la femme, sauf l'ovale du visage.

En novembre, en entrevue à La Presse Canadienne, le député Tanguay avait affirmé qu'une candidate libérale portant le tchador serait la bienvenue dans les rangs libéraux et que lui-même serait très à l'aise de siéger aux côtés d'une députée ou d'une ministre ainsi affublée.

Sa déclaration avait soulevé la colère de sa collègue Fatima Houda-Pepin, qui avait exhorté son parti à revoir sa position.

Les jours suivants, pour éviter de perdre sa députée, le chef Philippe Couillard avait reculé, en disant qu'il n'accepterait pas qu'une candidate libérale porte le voile controversé. Mais il avait ouvert la porte au fait qu'une employée de l'État puisse en être couverte. Il revenait à l'État de démontrer que la situation posait un problème de sécurité, d'identification ou de communication.

De son côté, en ce deuxième jour des audiences reliées à la charte, la porte-parole de Québec solidaire, la députée Françoise David, a reproché au ministre Drainville de se montrer intraitable sur l'interdiction de porter des signes religieux.

En point de presse, elle l'a exhorté à faire preuve de plus d'ouverture, en vue de trouver un consensus sur cette question, certainement la plus controversée du projet de loi 60.

Des citoyens s'expriment

Toute la journée, mercredi, des citoyens et des représentants d'organismes ont défilé devant les élus pour exprimer leurs vues sur la charte. Tout en l'appuyant, certains jugent qu'elle devrait être beaucoup plus radicale.

Une ancienne religieuse, Andréa Richard, âgée de 79 ans, fait partie de ceux qui estiment que la charte devrait aller plus loin dans sa démarche de neutralité, en rayant l'idée même des «accommodements raisonnables» fondés sur la religion. Ces demandes d'accommodement sont présentées par des «fanatiques», selon elle.

La blogueuse spécialiste du numérique Michelle Blanc est venue à titre personnel dire elle aussi que la charte était nécessaire, mais qu'elle devrait faire davantage pour assurer la pleine laïcité du Québec. Dans son mémoire, elle a raconté son difficile parcours de transsexuelle, en exprimant ses craintes que les croyances religieuses interfèrent dans les pratiques des professionnels de la santé ayant à soigner ce type de personnes.

La Coalition laïcité Québec appuie également le projet de loi 60, mais juge qu'il devrait pousser plus loin sa démarche, en étendant l'interdiction de porter des signes religieux aux députés et en retirant le crucifix trônant derrière le siège du président de l'Assemblée nationale. L'interdiction devrait aussi être étendue au personnel des écoles privées, compte tenu du financement public auxquelles elles ont droit. Elle propose également l'obligation du visage découvert pour tous les employés des services de garde, incluant les garderies privées non subventionnées. Enfin, pour éviter les contestations judiciaires de la charte, elle recommande à Québec de recourir à la clause dérogatoire.

Autre son de cloche: celui d'un citoyen, Martin Laperrière, venu dire que la neutralité religieuse de l'État était déjà acquise. «Vous faites quelque chose qui est déjà fait», a-t-il soutenu. Pire, le projet de loi 60 est inconstitutionnel, selon lui. Il a aussi exprimé l'avis que ceux qui sont en faveur de la charte «sont contre l'immigration», écrit-il dans un bref mémoire bourré de fautes de français. Au passage, il a traité le chroniqueur Richard Martineau de «petit journaliste raciste».

Un professeur à la retraite de l'Université Laval, Fernand Morin, a exprimé de sérieuses réserves envers le projet gouvernemental, exhortant l'État à «demeurer tolérant et prudent et éviter une approche radicale et parfois simpliste». Il s'oppose à l'idée d'interdire le port de signes religieux par les employés de l'État.

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