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Noël à Lac-Mégantic

Noël à Lac-Mégantic
Agence QMI

Le silence est revenu à Lac-Mégantic. Le bruit de la neige qui craque sous les pas a remplacé la cacophonie médiatique de l'été. À l'approche de la nuit de Noël, bien des citoyens redoutent ce calme, témoin de l'absence d'un proche.

Les chaises vides

«Ce ne sera pas un Noël joyeux, confie Raymond Lafontaine. Nos enfants ne seront pas autour de la table.» Cet entrepreneur a perdu son fils, deux brus et sa secrétaire dans la tragédie qui a fait 47 morts à la suite de l'explosion d'un train en plein centre-ville. «Mes petits-enfants vont être seuls, avec des promesses en l'air de nos gouvernements.»

Gilles Fluet, lui, n'a aucun projet pour les Fêtes. Ce retraité sans enfant avait l'habitude de passer la soirée de Noël à l'hôtel L'EauBerge avec ses amis du village. «Disons que mon environnement social en a pris un coup», lance-t-il. Le soir du 6 juillet, il venait tout juste de quitter le Musi-Café quand le train fou est arrivé. Plusieurs de ses amis n'ont pas eu cette chance.

D'autres quitteront carrément la ville. Un retraité qui a travaillé comme bénévole après la catastrophe, et qui a requis l'anonymat, ira passer les Fêtes à Orford. Son frère, qui a perdu sa fille dans l'accident, a «sacré son camp en Floride pour un an». Il ne reviendra pas pour Noël. «On ne veut pas vivre ça ici, dit-il. Ce n'est plus comme avant.»

La mairesse, Colette Roy-Laroche, admet être inquiète pour ses concitoyens. «Ma préoccupation, c'est de ne pas laisser la communauté seule, isolée, déclare-t-elle. C'est important que toute la ville soutienne les familles endeuillées.»

47 + 1

Heureusement, les Méganticois peuvent compter sur la générosité des Québécois, et même de leurs voisins américains. On ne compte plus le nombre de chorales et de spectacles offerts en soutien à la population. Le 17 décembre, la troupe Samajam et 700 élèves de la région ont produit un grand spectacle de Noël à l'église Sainte-Agnès. Le 22 décembre, c'est Bruno Pelletier qui viendra offrir un concert gratuit réservé aux citoyens de Lac-Mégantic.

Un des plus beaux gestes de solidarité demeure le parc des sapins, devant l'église Sainte-Agnès, à quelques mètres du cratère causé par l'explosion. Là, 47 sapins abondamment décorés et illuminés ont été installés en hommage aux victimes de la tragédie. 47 plus un, en fait. Un sapin a été ajouté pour honorer la mémoire d'un pompier volontaire qui s'est suicidé après les événements. «On ne sait pas si c'est lié, souligne la mairesse. Mais c'était son premier incendie...» C'est Plantations Robert, une entreprise d'un village voisin, qui a gracieusement offert les sapins. Des électriciens du coin ont apporté leur aide pour l'installation électrique et les gens du village ont décoré les sapins de souvenirs et de mots à l'intention des disparus.

Le 7 décembre, la Ville a procédé à l'illumination. «Il y avait une foule incroyable», se rappelle Colette Roy-Laroche. Vers 17 h, l'église bondée a commencé à se vider. Des résidants et des gens de la région attendaient à l'extérieur. Les cloches ont retenti. Les sapins se sont illuminés. «Ce fut un très beau moment, dit la mairesse. On a besoin de ces instants où on oublie les images d'horreur.»

«Ça confirme qu'il faut garder espoir, poursuit Colette Roy-Laroche. Parce qu'il y a eu des semaines où on pensait qu'il n'y aurait plus d'événements qui nous feraient sourire.»

La foi

Le parc des sapins inspirera également l'abbé Steve Lemay dans son homélie de la messe de Noël. «Ces arbres demeurent verts l'hiver, malgré le froid, raconte-t-il. Ça démontre que la vie triomphe dans l'adversité, comme nous aujourd'hui.» Après avoir officié les funérailles de trop nombreux concitoyens, il se réjouit de l'approche de Noël. Les gestes de solidarité, les repas partagés, la crèche vivante des enfants... «Pour un croyant comme moi, pour notre communauté, ce sont des moments importants.»

C'est cette même foi qui a aidé la mairesse Colette Roy-Laroche à traverser la crise des derniers mois avec une certaine sérénité. «Quand j'ai perdu mon premier conjoint, à l'âge de 25 ans, j'ai sérieusement douté de ma foi», se souvient-elle. Mais ses proches ont pris soin d'elle, l'ont obligé à se secouer. Puis elle a rencontré un autre homme, eu deux autres enfants. La vie a continué. «Alors, aujourd'hui, je ne me pose plus ces questions. Plutôt que de chercher un sens à un tel événement, je préfère consacrer mes énergies à avancer.»

La vie, malgré tout

Noël à Lac-Mégantic, ce sera aussi l'occasion pour plusieurs de prendre une première pause depuis la tragédie. «Après la catastrophe, la ville a été en état de siège avec près de 200 policiers qui surveillaient le centre-ville, raconte Rémi Tremblay, rédacteur du chef du journal local, l'Écho de Frontenac. Puis il y a eu la vague de solidarité, les nombreuses activités. Ça va être une pause salutaire.» Après les grands événements communautaires, ce sera l'occasion d'un recueillement en famille, souligne Rémi Tremblay.

De son côté, Gilles Fluet gardera un œil sur ses amis les plus secoués par la tragédie. Après des semaines difficiles où ses nuits étaient peuplées d'images de trains en flammes, il dit avoir réussi à «exorciser toute cette cochonnerie» grâce au soutien des psychologues. Mais il s'inquiète pour ses amis qui ont refusé cette aide. «Il y en a qui se dirigent tout droit vers une dépression majeure, redoute-t-il. J'ai peur qu'ils fassent une connerie.» Gilles Fluet se promet de leur rendre visite durant les Fêtes. La Légion royale canadienne organise un souper pour le Nouvel An. «Peut-être que je vais les traîner là-bas, pour qu'on ne soit pas seuls.»

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