Prix de poésie Radio-Canada 2013 : les finalistes
Martine Audet, pour Ma tête est forte de celle qui danse
Ces arbres au bord du ciel et les morts qui ne sont
pas tranquilles. Je peux langue à la suite de l'autre,
un reste de pierre entre les dents. Je peux, patience
ou méthode, des agencements à partir de la taille,
l'envers et ses rations de joie. Tu ajoutes ton pas à
l'offrande des chemins. Je laisse tomber des étoiles
qui accélèrent.
En nage, les musiques empruntent aux blessures du
réveil et je peux (répète ce mot, reprends l'image au
dos des cibles) du beau, un arrangement, une sorte
de faille ou de refus. Je défais l'air comme tes
cheveux. Je ne peux courir, mais danser, oui. Le vent
tient bon.
L'agitation des feuilles, des lieux ou la moitié sous
l'eau. Je peux une visée, la faiblesse très charmante
et, rose même excitée du soleil, le souffle net. Le
souffle se répand. Ferme les yeux. Laisse les saisons
absorber nos alcools. Ne laisse rien au point du jour.
Le silence glisse comme les heures et mon refuge
est une enfance sans puits. Pourtant, je peux l'eau
bue en rêve et, dans ma paume, les poissons vifs du
matin. Je peux encore murmures, encore fenêtres, ne
rien voir de l'étoile dépeçant la chair. L'impossible
suffit à naître. Ma langue, de toute mémoire, rend la
monnaie.
Ce n'est pas la peine, ce n'est pas ce qui s'éclipse ou
revient à la charge, mais je peux (qu'en feras-tu?)
des oiseaux accrochés on ne sait à quoi, les
chambres qui poussent dans le vieil arbre. L'absence
s'occupe des lumières. Ma tête est forte de celle qui
danse.
Hors d'haleine, buée blanche, un morceau qui
s'achève. Je peux encore un tour. Une nuit. Une
autre nuit. J'ampute mes phrases, j'avale les
marbres. Je peux, à belle allure, la tête chérie, la tête
et son domaine, puis plus rien dans l'air, avec moi,
que je ne peux soutenir.
La tête bourrée de paille, la douleur à défaut d'une
histoire, un pauvre cur quand je me trompe. Je
peux combat ou dérision, lumière pillée et sans
accord. J'ai beau mourir, je ne peux ni corde ni vent,
mais je peux greffe à chaque doigt, rose au bas de
ton dos et l'entêtement des secondes : un rêve où je
n'ai rien compris, où je n'ai rien trahi.
Il me faut dormir, il me faut cet esquif par-dessus les
regards et pourtant je peux, presque poème, presque
pleurant les jolies têtes, un tour de force et de plus
souples échelles. J'ai de grandes dents pour ma
blessure, des vérités prêtes à bondir, d'autres où tu
m'enterres avec la foudre dans la maison.
Une bordure sombre, de vieux tréteaux plantés dans
la neige, en vain, les fresques maintenues. Je
marche dans la lumière crue des baraquements.
Comme toi, je marche d'une mort anonyme et, ainsi,
je peux ce que nous sommes, ce qui me sauve,
adresse ou offrande, un bras rouillé de ciel, la
branche qui vient casser le vent.
Des mondes épars, des muscles de marbre et la
fourrure du temps. Je peux torsion pour apparence,
une lueur brève et son désastre. Je peux, encore
tempête, encore naufrage, le dos au mur et d'autres
danses, des voix qui posent sur une absence. Le
cur est une mise en forme. Il est ce qui bat dans le
soleil des larmes, ce qui meurt quand plus rien ne
tremble.